Séparer le vrai de l'ivrai

Séparer le vrai de l’ivraie

La désinformation n’est pas née de la dernière pluie.
Mais les réseaux sociaux lui ont donné une formidable caisse de résonance. Elle est encore amplifiée aujourd’hui par l’irruption de l’intelligence artificielle qui sait rendre le faux si vrai que tous les repères, y compris cognitifs, sont brouillés.
Dès lors, devant nos yeux et dans nos oreilles, défile une sorte de Gloubi-boulga destiné à créer une infox d’autant plus efficace qu’elle paraît crédible et qu’elle est répétée à l’infini sur les réseaux « sociaux ».

Tant qu’il s’agit de vidéos représentant un pape hilare faisant du skateboard ou de photos montrant Emmanuel Macron en éboueur assis sur le bord d’un trottoir revêtu d’un gilet jaune, cela prête à sourire (et par les temps qui courent, il ne faut pas s’en priver...)

Mais hélas de mauvais génies utilisent déjà ces nouvelles technologies pour de sombres desseins qui mettent en péril rien moins que nos démocraties.
Quelque part en Russie ou dans la lointaine Chine, des services discrets sont à l’oeuvre pour nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Avec des moyens d’État considérables, des spécialistes de haut vol de la manipulation, construisent des messages aussi efficaces que faux dans le but de semer le doute, de faire circuler une propagande subtile destinée à saper nos valeurs.
Qu’importe pour eux qu’à la fin leur montage soit démonté. L’absence quasi-totale de modération et de filtre sur les réseaux leur permet de toucher une large audience, d’autant plus vulnérable que le complotisme est à l’œuvre, et que n’importe qui reposte n’importe quoi. De la même façon qu’un rappeur aux millions d’abonnés a plus d’influence sur l’utilité de la vaccination que le discours moins « glamour » mais plus scientifique du corps médical.
L’objectif de ces manipulations est d’installer des fissures dans la société et de faire souffler le vent de l’histoire dans un certain sens, qui ne va pas dans celui de nos démocraties, fragiles parce qu’ouvertes et tolérantes.

Elles se trouvent désormais sous l’influence néfaste de cabinets noirs. On a dit, sans preuves encore convaincantes, que la main de Moscou s’était invitée dans la dernière présidentielle américaine pour faire pencher la balance vers Donald Trump. Aujourd’hui, les choses sont plus claires : les Américains ont reçu sur leurs smartphones des vidéos de Joe Biden annonçant une « mobilisation générale » pour aller faire la guerre en Ukraine. Faux, bien sûr, mais la voix et l’image du président étaient absolument parfaites. Il y a forcément des gogos dans le Missouri ou l’Arkansas profond qui ont pris le message au pied de la lettre.

Emmanuel Macron, toujours lui, n’a pas échappé à ces montages qui prêtent à sourire lorsqu’il s’agit de vanter un fond de teint ou tout autre produit pour les fashionistas, mais qui peuvent s’avérer mortels pour notre représentation. L’Europe s’inquiète aussi de l’influence tellurique sur le rendez-vous électoral de juin prochain alors que des groupes, souvent d’extrême droite mais peut-être pas seulement, sont à la manœuvre. De la même façon, il n’est pas dit que les hackeurs ne réussissent pas à pipeauter les résultats des urnes en intervenant sur les réseaux d’information. Si tel est le cas, ils auront, a minima, instillé une méfiance, un doute, que ne connaissent pas les pays totalitaires puisque les opposants apparents y sont souvent factices et les opposants réels en prison ou déportés dans de lointains goulags.

Jean-Michel CHEVALIER

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