Audiences dématérialisées

Audiences dématérialisées : le TC d’Antibes teste une alternative pour traiter les affaires urgentes

Le Tribunal de Commerce d’Antibes met en place un système de ’’visio-audience’’ afin de pouvoir régler les affaires urgentes durant les prochaines semaines et limiter l’accumulation des retards causés par le confinement. Robert Martin, président du tribunal, explique comment cela va fonctionner pour toutes les parties prenantes.

Comment va se dérouler l’audience dématérialisée ?

Les entrepreneurs recevront un mail, les informant que l’audience aura lieu de manière dématérialisée, avec un lien internet, une date et une heure de rendez-vous pour se connecter.

Au moment de l’audience, le greffe crée une audience virtuelle, via l’application Zoom, il envoie une invitation à toutes les parties qui doivent être en présence (chefs d’entreprise, mandataires, avocats, etc).
À l’heure donnée, au tribunal, nous, nous serons en formation collégiale, (trois juges, un président), de manière à avoir possibilité de prendre une décision sur le siège. Bien entendu, nous nous réunirons en respectant les distances de sécurité préconisées. Par contre, le greffe sera dans un bureau extérieur et tout le monde pourra intervenir en visioconférence selon les règles habituelles de tenue de l’audience. Cela se tiendra dans le cadre du tribunal et non d’une salle d’audience, pour des problèmes de réseaux.
Nous aurions aussi pu passer par un juge rapporteur, mais personnellement, je trouve que ça alourdirait la procédure et ne nous permettrait pas de prendre des décisions rapidement, comme ce doit être le cas dans des cas d’urgence.

Depuis quand travaillez-vous sur ce projet ?

Ce sera notre première ’’visioconférence’’. Nous la préparons depuis déjà une dizaine de jours. C’est-à-dire, que depuis le début du confinement, nous réfléchissions à trouver un moyen alternatif pour régler tous les problèmes urgents de protection des entreprises, et rapidement, nous avons pensé à la possibilité de faire des ’’visio-audiences’’. Le problème est qu’il n’existe pas de cadre légal pour ce type de traitement d’audiences, cela ne s’est jamais produit. Il a donc fallu que l’on attende d’avoir des textes qui nous le permettent, à tous les niveaux : sur la convocation des personnes, sur l’identification des personnes, sur les outils qui nous permettent de travailler et bien entendu, sur le cadre légal pour les difficultés temporaires des entreprises, dues au Covid-19. Une batterie de dispositifs a donc été mise en place.
Nous avons travaillé, avec les mandataires, les administrateurs, le Parquet, etc, sous l’oeil attentif de la Chancellerie pour pouvoir être certains de faire des audiences non-contestables, et qui surtout, répondent à l’urgence de la situation.

Pourquoi ces affaires sont-elles si importantes ?

Parce que les entreprises sont déjà profondément touchées par la crise. Soit, parce qu’elles étaient déjà fragilisées au départ, soit, parce qu’elles ne rentrent pas dans le cadre des dispositifs d’aides du gouvernement. Ce qui veut dire que s’il y a des entreprises en souffrance, il y a des salariés en souffrance. Donc on a trouvé intéressant de pouvoir créer ces audiences pour traiter au plus vite les opérations délicates.

Toutes les affaires seront-elles traitées ?

Non, nous ne les traiterons pas tous. Nous allons traiter les déclarations de cessation de paiement, si le chef d’entreprise considère qu’il n’y a plus de possibilités de faire quoi que se soit au niveau de l’entreprise, alors à ce moment-là, on vérifie la possibilité de liquider la société. Nous allons aussi traiter tous ce qui est, sauvegarde et conciliation, parce que le tribunal peut travailler aussi, pas forcément sous forme d’audience, mais au moins de manière dématérialisée. Seront traitées également les conversions en liquidation, c’est-à-dire, les sociétés qui étaient en souffrance sous redressement ou en période d’observation et qui n’ont pas la possibilité de reprendre une activité rentable et normale, à ce moment-là, nous les mettrons en liquidation. Et aussi, tout ce qui est demande de mise sous protection du tribunal.

Combien d’affaires seront traitées ?

Mardi, pour notre première audience dématérialisée, qui sera la troisième à avoir lieu en France, nous traiterons une dizaine de dossiers, que l’on aura, au préalable, jugés urgents et prioritaires. Ce seront des dossiers dans lesquels il est question de souffrance au travail des salariés, de risques d’effets dominos ou de risques d’augmenter le passif de certaines entreprises qui n’ont plus la capacité de fonctionner.

Ce système pourrait-il être prolongé après le confinement ?

L’idée est d’abord de mettre en place un dispositif temporaire et provisoire pour pouvoir traiter ces affaires-là. Mais pourquoi pas, ne pas se servir de cette crise, comme d’un laboratoire, pour pouvoir dématérialiser, plus tard, certaines audiences plus légères ou avec peu d’intervenants. Je pense que cela prépare le tribunal de demain. On peut optimiser les médias d’aujourd’hui pour commencer à optimiser les méthodes de demain. Je considère que nous, les tribunaux de commerce, tout du moins celui d’Antibes, nous sommes un peu en retard sur l’utilisation de ces médias. Cela crée beaucoup de déplacements, beaucoup de papiers, d’organisation, alors que si nous pouvions nous habituer à faire cela en dématérialisation, ce serait bénéfique pour tout le monde.

Propos recueillis par Marion Rolland

Photo de Une : le président Martin (ici lors de l’audience solennelle de rentrée de la juridiction en janvier 2020) va tester dès le 7 avril une audience collégiale avec toutes les parties prenantes en visio-conférence. Objectif : poursuivre le traitement des dossiers urgents et ne laisser aucune entreprise en souffrance. DR MR

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