DROIT SOCIAL : Le test

DROIT SOCIAL : Le test salivaire aux mains de l’employeur

Il faut rappeler que l’article L.1121-1 du Code du travail pose le principe selon lequel l’employeur ne peut apporter aux droits des salariés et à leurs libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché. Ainsi, au nom du respect de la vie privée des salariés, tout système de surveillance ou de contrôle des salariés doit être justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché. 

Par caroline BLANCHARD-CREGO Avocate au Barreau de Grasse - Capstan Avocats

C’est ainsi que la Cour de cassation a admis qu’un dispositif de contrôle de l’alcoolémie des salariés puisse être mis en place dans l’entreprise dans le cadre d’un règlement intérieur dès lors que les dispositions dudit règlement permettent la contestation de ce contrôle et qu’il s’agit d’éviter, au vu de la nature du travail confié au salarié, que son état d’ébriété puisse exposer les personnes ou les biens à un danger (Cass. soc. 22.05.2002, n°99-4578).
Il résulte de la jurisprudence constante en la matière que le résultat positif du contrôle réalisé dans les conditions précitées, puisse justifier un licenciement pour faute, voire pour faute grave.
Lors de la mise en circulation des tests salivaires, il a donc été rapidement envisagé par les entreprises de mettre en place un système de contrôle équivalent, afin de dépister au moyen de ces tests la consommation de drogues par les salariés occupant des postes dits "à risque".
Or, en janvier 2012, la Direction générale du travail (DGT), en collaboration avec la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) et l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS), a publié un guide pratique fixant la position de l’administration du travail quant à la légalité d’un tel système de contrôle de l’usage de stupéfiants par les salariés.
En effet, il ressort de ce guide que le test salivaire serait un examen biologique nécessitant qu’il soit pratiqué exclusivement par le médecin du travail et dont le résultat serait soumis au secret médical.

L’administration du travail refusait ainsi de reconnaitre la licéité d’un système de contrôle d’usage de stupéfiants impliquant l’intervention de l’employeur.

Dans l’affaire qui nous intéresse, le règlement intérieur d’une entreprise permettait de soumettre les salariés affectés à des postes à risque, à des contrôles aléatoires, réalisés par un supérieur hiérarchique au moyen de tests salivaires et ce, afin de vérifier qu’ils n’étaient pas sous l’emprise de drogues.

L’inspecteur du travail, auquel le règlement intérieur a été soumis pour avis, comme le commande l’article L.1321-4 du Code du travail, en a exigé le retrait au motif que le test salivaire ne pouvait être réalisé par un supérieur hiérarchique et qu’une sanction disciplinaire ne pouvait être infligée au salarié en cas de résultat positif.
La juridiction administrative a été saisie en contestation de la décision de l’inspecteur du travail et la Cour Administrative d’Appel de Marseille (CAA Marseille 7ème ch. 21 août 2015 n°14MA02413) a confirmé la position de l’inspecteur du travail.
Elle a repris les arguments développés par l’administration dans le cadre du guide pratique précité en considérant que le prélèvement d’échantillons biologiques contenait des données soumises au secret médical, interdisant qu’il puisse être réalisé par un supérieur hiérarchique, tout en insistant sur le manque de fiabilité des tests salivaires qui excluait toute sanction.

Par un arrêt du 5 décembre 2016, le Conseil d’État n’a pas suivi la position de l’administration et a donc annulé l’arrêt de la Cour d’Appel au motif que toutes les garanties nécessaires avaient été prises dans le règlement intérieur. Le Conseil d’État part du principe selon lequel un test salivaire peut être réalisé par un supérieur hiérarchique, au motif qu’il ne s’agit pas d’un acte de biologie médicale puisqu’il a pour seul objet "de révéler, par une lecture instantanée l’existence d’une consommation récente de substances stupéfiantes".

Au visa de l’obligation de sécurité de résultat qui incombe à l’employeur et au vu du risque que peut représenter la consommation de drogue sur certains postes, le Conseil d’État affirme qu’un tel dispositif de contrôle ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté des salariés, dès lors que certaines garanties sont assurées.
La haute juridiction précise aussi les garanties conditionnant la validité d’un tel dispositif de contrôle prévu par le règlement intérieur, à savoir :

- Reconnaitre au salarié le droit d’obtenir une contre-expertise médicale,

- Réserver les contrôles aléatoires aux seuls postes pour lesquels l’emprise de la drogue constitue un danger particulièrement élevé pour le salarié et les tiers,

- Imposer à l’employeur et au salarié chargé du contrôle le secret professionnel sur les résultats.

On remarquera que ces garanties sont calquées sur celles du contrôle d’alcoolémie, permettant ainsi de la même manière la mise en œuvre du pouvoir disciplinaire de l’employeur en cas de résultat positif dudit contrôle.

Le pragmatisme du Conseil d’État est à saluer et, un tel dispositif de contrôle étant désormais admis, l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur commande de le prévoir au plus vite dans les règlements intérieurs pour les postes dits "à risque".

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