Le contrat saisonnier,

Le contrat saisonnier, vigilance orange

La loi El Khomri du 8 août 2016 n’a toujours pas fini de faire parler d’elle avec sa litanie de décrets d’application. Au cas particulier, c’est une ordonnance du 27 avril 2017 qui vient donner des précisions quant à l’application de l’article 86 de la loi. Cet article est relatif aux contrats de travail à durée déterminée saisonniers. II a notamment introduit dans le code du travail la définition jurisprudentielle et administrative du caractère saisonnier des emplois. Il s’agit ainsi des tâches appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou des emplois.

Par Maître Pauline Malgras - Avocat Associé Cabinet Capstan Sophia-Antipolis

Par ailleurs, le texte prévoit que dans les six mois suivant la promulgation de la loi, les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs des branches, dans lesquelles l’emploi saisonnier est particulièrement développé et qui ne sont pas déjà couvertes par des stipulations conventionnelles en ce sens, doivent engager des négociations relatives au contrat de travail à caractère saisonnier afin de définir les modalités de reconduction de ce contrat d’une part, et celles de prise en compte de l’ancienneté du salarié d’autre part.
Parallèlement à cette obligation de négociation, la loi prévoit que dans un délai de neuf mois à compter de sa promulgation, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance ces mesures à défaut d’accord de branche ou d’entreprise.

Une fois n’est pas coutume, le délai imposé par la loi a été respecté et l’ordonnance n° 2017-647 relative à la prise en compte de l’ancienneté dans les contrats de travail à caractère saisonnier et à leur reconduction a été ratifiée le 27 avril 2017 et publiée au JO du lendemain.
Pour la clarté des présentes, rappelons que les mesures présentées ci-dessous s’appliquent sous condition que l’entreprise concernée :
- relève d’une branche dans laquelle le travail saisonnier est particulièrement développé, étant précisé que ces branches ont été définies par un arrêté ministériel du 5 mai 2017. Elles sont au nombre de 17 dont notamment celles des Casinos, des Hôtels, Cafés, Restaurants et des Transports routiers ;
- et ne soit pas couverte par un accord de branche ou d’entreprise fixant les modalités de reconduction du contrat saisonnier et de prise en compte de l’ancienneté pour ce type de contrat.

La prise en compte de l’ancienneté

Pour rappel, l’article L. 1244-2 alinéa 3 du Code du travail dispose que pour calculer l’ancienneté des salariés en contrat saisonnier, les durées de contrat de travail à caractère saisonnier successifs dans une même entreprise doivent être cumulées. Cette disposition légale, antérieure à la loi El Khomri, demeure.
L’ordonnance du 27 avril 2017 est venue préciser que les contrats de travail à caractère saisonnier dans une même entreprise sont considérés comme successifs lorsqu’ils sont conclus sur une ou plusieurs saisons, y compris lorsqu’ils ont été interrompus par des périodes sans activité dans cette entreprise.
Ainsi, un salarié qui a accompli une saison de trois mois en 2016 et de cinq mois en 2017, disposera d’une ancienneté de huit mois au terme de la saison 2017.

L’information sur la reconduction

L’ordonnance précise par ailleurs que l’employeur doit informer le salarié en contrat saisonnier des conditions de reconduction de son contrat avant l’échéance de ce dernier et ce, par tout moyen permettant d’y donner date certaine.
Pour rappel, l’article L. 1244-2 alinéa 1er dispose qu’un contrat de travail saisonnier peut contenir une clause de reconduction pour la saison suivante, éventuellement en application d’un accord collectif, lequel doit alors prévoir les conditions de cette reconduction.
À titre d’exemple, dans la branche des hôtels, cafés, restaurants, l’article 14-2 de la convention collective applicable dispose que l’une ou l’autre des parties doit confirmer par lettre recommandée sa volonté de renouvellement au moins deux mois à l’avance et en cas de non confirmation, la clause de reconduction devient caduque.

Le droit à la reconduction

L’ordonnance dispose que tout salarié ayant été embauché en contrat saisonnier dans la même entreprise bénéficie d’un droit à la reconduction de son contrat dès lors :
- qu’il a effectué au moins deux saisons dans cette même entreprise sur deux années consécutives ;
- et que l’employeur dispose d’un emploi saisonnier à pourvoir, compatible avec la qualification du salarié.
En outre, dès lors que ces conditions sont réunies et sauf motif dûment fondé, l’employeur doit informer le salarié du droit à la reconduction de son contrat et ce, par tout moyen permettant d’y conférer date certaine.

Avant le 31 décembre 2017, le Gouvernement doit remettre au Parlement un rapport sur le bilan des négociations menées par les partenaires sociaux portant notamment « sur les modalités de compensation financière versée aux salariés en cas de non reconduction du contrat de travail », ce qui augure que prochainement le non-respect du droit à la reconduction sera sanctionné par le versement d’une indemnité au salarié.

En conclusion, malgré les apparences, pour un employeur, recourir à un contrat à durée déterminée saisonnier peut constituer un engagement allant au-delà d’une seule saison.

Afin de connaître son véritable niveau d’engagement, le chef d’entreprise devra s’enquérir des dispositions conventionnelles qui lui sont applicables et bien connaître les dispositions légales issues de la loi El Khomri afin d’être en mesure de déterminer les dispositions qui lui sont opposables en la matière et éviter ainsi certaines déconvenues. Naturellement, dans un certain nombre de situations, il aura également intérêt à engager une négociation avec ses partenaires sociaux sur ce thème.

Photo de Une (illustration Vendanges en Bourgogne DR PRA)

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