Chez Matisse : La grâce

Chez Matisse : La grâce dans les traits

Dès les premiers pas dans le hall du musée Matisse, nous sommes saisis par le polyptyque des très reconnaissables figures à taille humaine de Djamel Tatah.

Des toiles issues de sa production de ces vingt dernières années. Le polyptyque est la marque de fabrique de ce peintre à la double culture, auvergnate et algérienne. Il reprend le concept de ces tableaux multiples qui jalonnent l’histoire de l’art, du Moyen Âge à nos jours, une pratique ininterrompue à laquelle d’innombrables artistes majeurs se sont livrés. En cela Djamel Tatah rejoint - nous faisons de grands bonds dans le temps - par exemple Paul Cézanne, Riopelle ou bien Soulages, et finalement presque tous...
L’influence d’un des représentants le plus important du mouvement expressionniste abstrait comme Barnett Newman est claire, visible, et revendiquée. Chez l’Américain, comme chez tant d’autres, la liste est infinie : « moins c’est plus », des monochromes, des champs de couleurs séparés par des lignes verticales. On retrouve tout cela chez Tatah, cela semble si simple aux yeux du public...

L’ « avoir appris » est, pour le visiteur qui s’interroge sur les raisons de cette attraction, très éclairant. Si cet encore jeune peintre prolonge l’art du polyptyque, c’est à sa manière, en le développant de manière obsessionnelle. Il creuse ce sillon avec toujours la même élégance et la même délicatesse de trait : des portraits hiératiques, aux visages crayeux, fantasmés et fantomatiques, d’hommes et de femmes solitaires, perdus, ne se regardant pas, et ne se rencontrant jamais vraiment. Des figures qui nous hanteront pour longtemps, pour toujours, s’imprimant sur notre rétine, dans une dimension hautement spirituelle.
Djamel Tatah a été, comme tant d’autres, fortement et très tôt influencé par Matisse, séduit par « une représentation de l’espace
totalement nouvelle ». Sa présence dans le musée niçois (jusqu’au 27 mai) s’imposait donc. Avec ces peintures à l’huile et la cire (pas de petits tableaux, que des toiles de grandes dimensions), cet accrochage privilégie le Matisse du noir et blanc, du trait, de la ligne, le Matisse qui étudie à la plume et à l’encre de chine, la gestuelle et ses variations.

Chez Tatah, la grâce répond à celle de Matisse

Le dialogue instauré avec le maître du XXe siècle ne passe pas à première vue par les couleurs, celles du cadet sont beaucoup plus sourdes, mais par le traitement par à-plats et la juxtaposition de ceux-ci.
On retrouvera aussi chez lui d’autres éléments importants, comme « le dénuement des figures, les espaces vides, la simplicité des traits, le dessin qui ne perd jamais le contact avec l’idée, le concept ».
Entrons librement « dans » les tableaux de Djamel Tatah : il nous y invite, c’est ce qu’il souhaite…

Photo de Une DR M.L

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