Emmanuelle Perreux : (...)

Emmanuelle Perreux : « La justice tient sur le dévouement de ses agents »

La présidente du Tribunal judiciaire de Grasse et le procureur de la République, Damien Savarzeix, s’alarment de la charge de travail des magistrats et attendent impatiemment des renforts.

Les chiffres sont édifiants. A Grasse, «  on est à 46 magistrats du siège et si on devait s’aligner sur les critères européens, on devrait être à 63 », a expliqué Emmanuelle Perreux au cours d’un point presse organisé lundi 24 janvier. « Pour les magistrats du parquet, c’est 56 et on est 15  », a asséné Damien Savarzeix, qui est même allé plus loin, présentant le nombre des affaires par procureur en France et chez certains de nos voisins. La moyenne hexagonale est à 2 200, en Belgique elle est à un peu plus de 600, en Allemagne à 830 et en Italie à 1 330. A Grasse ? Il y a eu 44 800 nouvelles affaires pénales en 2021, ce qui représente près de 3 000 affaires par magistrat. Le procureur de la République pose alors la question suivante : « Alors qu’on est dans une gestion de flux massive, comment recréer une qualité et du sur-mesure ? C’est ce qu’attendent nos concitoyens. Quand on demande des magistrats supplémentaires c’est pour avoir un nombre de procédures traitées par magistrat qui permette de donner des réponses qualitatives ». Il demande « à très brève échéance  », « cinq magistrats de plus  ». « On est très conscient de la réalité. Mais si vraiment il y a une politique très forte dans ce sens, on peut arriver à un rattrapage progressif  ». Pour le siège, la présidente du Tribunal « demande pour 2022 la création de trois postes : un poste de juge d’instruction, un poste de juge des enfants et un poste de juge correctionnel ». Elle n’est pas du tout sûre de les avoir même si elle peut compter sur le soutien de la Cour d’appel. « On a besoin de reconnaissance », plaide-t-elle.

Travail le week-end

« La justice tient sur le dévouement de ses agents. Et alors qu’ils sont extrêmement dévoués, le discours ambiant est plutôt de les critiquer, ce qui est parfaitement injuste. A un moment, ce dévouement-là va avoir une fin », prévient Mme Perreux. « Le juge est face à un arbitrage permanent : faire vite ou faire de la qualité. Il faut prendre le temps d’écouter les gens en audience, avoir le temps de rédiger sa décision de telle façon qu’elle soit hyper compréhensible. Mais aujourd’hui ce n’est plus possible de faire tout cela en même temps. Ce dilemme conduit à une perte de sens. Mais les collègues ne se résolvent pas à ces arbitrages et prennent sur leur temps libre. Si vous saviez le nombre de magistrats ici qui travaillent chaque week-end… Le nombre d’heures passées au travail dépasse largement toutes les normes. Il faut qu’on en sorte ». Cette problématique de charge de travail et de manque de moyens humains se retrouve également au sein du greffe. Point positif toutefois pour la directrice du greffe Pascale Darras : l’accélération de la dématérialisation de la procédure pénale avec la procédure pénale numérique (PPN). « C’est fondamental  », abonde le procureur de la République. « L’idée est de ne plus avoir du tout de support papier ». « L’original de la procédure c’est le numérique. Les avocats reçoivent le dossier en temps réel. C’est une avancée colossale  », confirme la présidente du Tribunal.

Hausse des violences conjugales

Emmanuelle Perreux et Damien Savarzeix ont également évoqué les violences conjugales, une priorité nationale, avec un nombre plus important d’ordonnances de protection prononcées par le TJ de Grasse en 2021 : 65, contre 52 en 2020 et 28 en 2019. Pour le procureur de la République de Grasse, « la question de la prise en charge des victimes est fondamentale. Et il faut essayer de développer une réponse pénale plus pointue, plus adaptée, qui prenne en compte le niveau de risque présenté par l’auteur des violences  ». Pour la présidente du TJ, «  se pose la question du logement des auteurs. Dans ce département, il n’y a pas assez de structures d’hébergement pour les auteurs de violences conjugales. Certains dorment dans leur voiture, sont sans domicile fixe. Et cela met une pression sur la victime car l’auteur est tenté de revenir au domicile. On ne mènera pas une bonne politique de prévention de la récidive en matière de violences conjugales si on ne s’attaque pas à cette question du logement des auteurs », prévient-elle.

Site justice.fr : des informations et des démarches possibles

Emmanuelle Perreux et Pascale Darras invitent toutes les personnes qui ont des questions sur la justice ou des démarches à entreprendre, à se rendre sur le site justice.fr, « le portail du justiciable ». « C’est hyper simple et cela permet d’avoir des orientations, des conseils juridiques et vous pouvez concrètement faire des démarches. Beaucoup de requêtes peuvent être faites en ligne, notamment les requêtes de tutelle. Le justiciable n’a plus besoin de se déplacer pour faire enregistrer sa requête », explique la présidente du TJ. « Vous pouvez aussi vous constituer partie civile  », a complété la directrice du greffe. Et il est possible de suivre sa procédure sur son espace personnel après avoir rempli un formulaire de consentement à la transmission par voie électronique.

Photo de Une : De gauche à droite : Damien Savarzeix, Emmanuelle Perreux et Pascale Darras. ©S.G

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