Mme Michu dans l'essoreuse

Mme Michu dans l’essoreuse

Avec plus d’un million de personnes dans les rues selon les décomptes du ministère de l’Intérieur, et beaucoup plus selon les syndicats, ces derniers ont réussi leur pari la semaine dernière. Ils jouent la rebelote le 31 janvier, en espérant gagner la « dix de der » : faire plier le gouvernement sur une réforme des retraites rejetée par une large partie de l’opinion parce que jugée injuste.
Rattrapés par la crise énergétique, matraqués par l’inflation, inquiets pour la paix en Europe et pour l’avenir de leurs enfants, les Français « moyens » ont le sentiment de payer la crise, une fois de plus. Ce qui leur paraît d’autant plus insupportable que l’éventail des richesses s’élargit sous leurs yeux. La rue a vite fait de jeter en pâture des noms de milliardaires lorgnant sur la nationalité Belge, non pas pour la bonne bière, le sens de l’humour et les frites croustillantes, mais pour alléger leurs impôts et les droits de successions.
Mme Michu, ménagère de plus ou moins 50 ans, n’a que faire de « l’optimisation fiscale ». Son souci à elle, c’est de faire bouillir la marmite jusqu’à la fin du mois avec des prix alimentaires qui ont progressé de plus de 10 % en un an. Elle espère aussi pouvoir continuer à se chauffer, alors même qu’elle n’a pas encore reçu sa prochaine facture d’électricité, qui va grimper au minimum de 15 %. Alors si, en plus, on lui dit qu’elle doit travailler deux ans supplémentaires pour toucher sa retraite, cette Mme Michu d’habitude si tranquille n’hésite plus à descendre dans la rue.
Justifiée sur le long terme, cette réforme « pour sauver la répartition » est incomprise parce qu’elle n’a pas été expliquée. Plutôt que « prioritaire », elle est davantage ressentie comme « doctrinaire » puisque ses effets seront plus sensibles - et négatifs - sur les petits revenus et les carrières hachurées. Les aménagements prévus (pour les grossesses, pour les métiers pénibles, etc.) ne suffisent pas à convaincre du bien-fondé d’un texte qui n’a pas donné lieu à de vraies négociations mais qui apparaît comme une sorte de « diktat » du gouvernement.
Il y a, bien sûr, en principe, une majorité à l’Assemblée pour adopter cette réforme sans 49.3 puisque le groupe LR - qui défendait un départ à 65 ans avec le candidat Fillon en 2017 - se dit aujourd’hui prêt à le voter s’il est un peu « adouci ». C’est cette plus ou moins grosse dose de « Soupline » destinée à rendre la lessive plus douce qui est maintenant discutée, en sachant que l’arbitrage final sera rendu par le teinturier en chef, Emmanuel Macron. Malgré l’onction probable d’une majorité de parlementaires, il est à craindre que ce passage en force caresse à rebrousse-poil une opinion qui aurait pourtant en ces temps bien besoin d’être écoutée, comprise, câlinée.
Cela risque de faire le jeu des extrêmes, prêtes à récupérer une colère qui touche même les plus modérés. Déjà fatiguée par l’actualité, Mme Michu n’a pas envie de se faire encore plus essorer, avec ou sans « Soupline », en voyant le ligne d’arrivée de sa retraite reculer alors que sa pension, au mieux, stagnera...

J.-M. CHEVALIER

deconnecte