Préfet Xavier Pelletier :

Préfet Xavier Pelletier : "L’Etat et les collectivités main dans la main"

L’État a placé Xavier Pelletier au chevet des vallées sinistrées par la tempête Alex. Dès le 14 octobre, il a été nommé préfet délégué chargé de la reconstruction.

Cet énarque de 52 ans, qui fut notamment directeur de cabinet de Bruno Le Maire au ministère de l’Agriculture et au secrétariat d’État aux Affaires européennes, était encore le directeur général de la CCI Lyon Métropole Saint-Etienne Roanne quand le déluge s’est abattu sur le haut pays. L’avenir des vallées est désormais entre ses mains.

Pouvez-vous nous rappeler la nature de votre mission ?

- La lettre de mission que j’ai reçue du Premier ministre est très claire : placé auprès du Préfet des Alpes-Maritimes, je suis chargé de piloter la gestion de crise suite aux intempéries dévastatrices de début octobre et de coordonner le processus de reconstruction.

Quels ont été les principaux écueils que vous avez rencontrés lors de la gestion de l’urgence ?

- Dans le traitement des urgences, j’ai constaté et bénéficié d’une grande cohésion d’approche et d’action de l’État et d’une excellente coopération avec l’ensemble des acteurs au premier rang duquel on trouve les collectivités territoriales. Les opérations ont sans aucun doute été plus difficiles dans la vallée de la Roya en raison de la configuration de cette vallée, de sa topographie particulièrement encaissée, notamment au niveau des gorges de Paganin et de l’absence d’itinéraire alternatif à la RD 6204, seule route reliant la basse à la haute vallée. Cela a freiné et rendu plus difficile l’acheminement du ravitaillement, des engins, du matériel. Difficulté augmentée par les coupures de voie sur la ligne de chemin de fer.
Ceci étant, il faut saluer l’action du Conseil départemental des Alpes-Maritimes qui a déployé l’ingénierie et l’énergie de ses équipes sur le terrain, notamment Force 06, la direction des routes et ses subdivisions, qui sont parvenues à réparer ces routes éventrées, à ouvrir des pistes et des accès pour désenclaver les habitants.

Jusqu’à quand va durer cette phase d’urgence et quels sont les derniers chantiers ?

Depuis son arrivée dans le département, le préfet Pelletier multiplie les rencontres sur le terrain. Ici à Saint-Martin-Vésubie lors d’une mission de l’Inspection générale de l’Administration et du Conseil général de l’environnement et du développement durable. DR

- Aujourd’hui, à l’exception de quelques poches résiduelles, les habitants des vallées bénéficient des raccordements essentiels à l’électricité, à l’eau potable. Là aussi, nous avons pu mesurer l’efficacité d’ENEDIS, qui a fait des prouesses pour rétablir l’alimentation en énergie dans les vallées. La communauté d’agglomération de la Riviera française (CARF) s’est aussi attachée, village par village, à restaurer la distribution d’eau et notamment d’eau potable dans des zones où l’ensemble des canalisations avaient souvent été totalement emportées. Les axes principaux de circulation sont praticables, même si les solutions sont encore fragiles, notamment dans la vallée de la Roya avec une RD 6204 qui reste un axe entrecoupé de segments de pistes exposés aux intempéries et encore précaires. La circulation se fait sur des créneaux horaires afin de permettre au chantier de se poursuivre. La ligne de chemin de fer Nice-Tende est un sujet d’attention et d’inquiétude. Si le chantier de Saint-Dalmas de Tende sera bien achevé d’ici fin janvier, nous sommes très préoccupés par le mur à arcatures situé au niveau de Fontan qui, depuis la tempête, se dégrade et s’enfonce avec des glissements de terrain et une érosion du sol. Malgré les importants travaux visant à le conforter, avec un chantier sous tension 7 jours sur 7, nuit et jour, les experts ne rendront leur verdict que courant février.
Dans la Vésubie et la Tinée, la "puissance de frappe" de la Métropole Nice Côte d’Azur, dont le périmètre est novateur en France, avec une Métropole qui irrigue territoires périphériques et de montagne, a donné à voir très rapidement des résultats spectaculaires. La décision trouve vite une traduction du fait de l’intégration efficace du bureau d’études avec la conception à la maîtrise d’ouvrage opérationnelle. Aujourd’hui, les axes principaux de circulation détruits par la tempête sont rouverts. Dans l’efficacité opérationnelle, je n’oublie pas aussi le SMIAGE...
En résumé, il reste à fortifier les voies de circulation encore précaires ; travailler sur les routes secondaires, les pistes forestières endommagées ou détruites... Il faut par ailleurs intégrer le fait que la reconstruction remettra en cause certains tracés afin de bien prendre en compte l’indispensable résilience des infrastructures face au risque. La mobilité dans les vallées devra aussi être étudiée finement, le développement et l’attractivité des vallées étant un enjeu central. Concrètement, avec les collectivités territoriales et l’ensemble des parties prenantes, nous lancerons en ce début 2021 le lourd travail de reconstruction.

Quels sont les moyens mobilisés ?

- Tout d’abord, l’État et les collectivités territoriales, qui travaillent main dans la main au quotidien, mobilisent l’ensemble de leurs compétences et de leurs moyens pour permettre aux vallées et aux habitants de retrouver une vie normale. Les entreprises ont engagé, elles aussi, de lourds moyens sur l’ensemble du territoire des trois vallées.
Il y a ensuite les dispositifs dédiés à la reconstruction et notamment les moyens financiers. Le premier outil mobilisé est la dotation de solidarité qui permet à l’État d’indemniser les collectivités territoriales pour les biens, les infrastructures détruites. Les collectivités territoriales nous adressent actuellement leurs demandes. Dans le cadre de ce dispositif, l’État a procédé en décembre dernier à une avance financière de 26 millions d’euros aux collectivités territoriales. Ce premier versement, qui intervient très rapidement, permet d’accompagner les collectivités territoriales face aux dépenses d’urgence qu’elles ont engagées. Au regard des dégâts, dont l’importance est inédite en France métropolitaine depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l’engagement financier de l’État au titre de la solidarité nationale sera majeur.
Nous mobiliserons également le fonds de prévention des risques naturels majeurs, appelé Fonds Barnier, qui permet d’acquérir des biens détruits ou exposés aux risques. Plus de 400 biens ont été impactés par la tempête ; les montants financiers instruits seront donc exceptionnels. Pour compléter le financement de cette reconstruction, que le chef de l’État souhaite résiliente et durable, l’État et les collectivités territoriales contractualiseront sur des ambitions de durabilité des équipements, de développement et de cohésion des territoires. Enfin, il faut signaler que la France a sollicité auprès de la Commission européenne le fonds de solidarité de l’Union européenne.

Quelle est votre méthode de travail ?

D’importants moyens ont été mis en œuvre pour rouvrir un accès routier dans le lit du Boréon à la sortie de Saint-Martin-Vésubie. DR J.P


- La philosophie centrale : la présence dans les vallées auprès des maires, de l’ensemble des acteurs, des habitants, des chefs d’entreprises afin d’appréhender de manière concrète l’ensemble des sujets et des enjeux.
Ensuite et pour assurer un pilotage global des sujets, j’ai mis en place une petite équipe de spécialistes : la Mission interministérielle pour la reconstruction des vallées (MIRV). Autour de collaborateurs de la préfecture, de la DDTM, de la DDFIP, la MIRV anime des groupes de travail. On peut par exemple citer le groupe chargé d’accompagner les entreprises et la reprise de l’économie dans les vallées qui est animé par la DDFIP avec la CCI, la CMA, le département, la Métropole de Nice, la CARF, l’UPE 06, l’URSSAF, le tribunal de commerce. Sa mission est de rencontrer les chefs d’entreprise dans les villages et, au regard des difficultés qu’ils rencontrent, de leur apporter des réponses et des solutions. Lorsque la question ne peut pas être traitée localement, le préfet des Alpes-Maritimes saisit les ministres. Nous avons aussi un groupe chargé d’accompagner les agriculteurs, de suivre les questions sociales, notamment le relogement.
Une gouvernance politique de la reconstruction sera formalisée en ce début d’année avec les collectivités territoriales afin de bien rythmer le travail et d’arbitrer les stratégies. Il faut bien mesurer aussi l’attention toute particulière portée au plus haut sommet de l’État sur cette reconstruction.

Propos recueillis par Jean Prève

Photo de Une : Xavier Pelletier estime que l’état a fait preuve d’une grande réactivité. DR

deconnecte