70 ème festival de Cannes

70 ème festival de Cannes : retour sur un palmarès plutôt satisfaisant

La Palme d’Or de cette 70e édition du Festival de Cannes est revenue au film suédois "The Square". Diane Kruger et Joaquin Phoenix ont été récompensés.

Durant deux semaines Cannes est devenue la planète des images. Tous les regards des amoureux du cinéma se portent sur cette ville et sur les réactions, les avis, les commentaires des critiques qui abreuvent les médias d’articles et bavardages sur les films projetés tant dans la compétition que dans les sections parallèles. Chacun a ses préférences, aussi l’annonce du palmarès est-elle impatiemment attendue afin de justifier ses propres choix.
Pour cette année 2017, le jury, sous la présidence du trublion ibère Pedro Almodovar, a bien rempli son rôle.

Relevant la faiblesse du cru 2017, le palmarès a mis en valeur une sélection décevante et donné satisfaction, malgré quelques bémols.

La Palme d’Or a été attribuée à "The Square " permettant au Suédois Ruben Östlund d’entrer dans la cour des grands.

Après avoir présenté, en 2014, "Snow Therapy", dans la section Un Certain Regard, il franchit un palier avec "The Square" ("Le Carré"). Cette brillante satire du "politiquement correct" s’autorise à rire de l’art contemporain et du snobisme qui l’entoure souvent. Adorée ou détestée, cette comédie féroce élargit le champ du cinéma en renouvelant, avec intelligence, les thèmes habituels. Le film s’attache à un directeur de musée (Claes Bang, étonnant de subtilité dans ce personnage trop sûr de lui et de sa position) qui va connaître toutes sortes de déboires suite au vol de son portefeuille et de son portable.

Le Grand Prix est allé à "120 battements par minute" où Robin Campillo raconte le combat des jeunes activistes d’Act Up, au début des années 90, et leur acharnement à lutter contre l’indifférence des institutions face à l’épidémie de sida. Entre intime et politique, romanesque et réalité, cette émouvante fresque, grande favorite des critiques et amplement ovationnée, a secoué le Festival.

Très discutable, le Prix de la mise en scène est revenu à Sofia Coppola pour "Les Proies". Cette nouvelle adaptation du roman de Thomas Culligan n’ajoute rien à celle de Don Siegel datant de 1971. Clint Eastwood y avait un jeu autrement plus subtil que celui de Colin Farrell et une belle image de papier glacé ne fait pas un bon film.

Le prix d’interprétation masculine est revenu à Joaquin Phoenix dans "You were never really here" réalisé par l’Ecossaise Lynne Ramsay. Cet acteur, dont on compare le magnétisme à celui de Marlon Brando, joue un écorché de la vie devenu un brutal tueur à gages traqueur de pédophiles.

Le Prix d’interprétation féminine a été donné à Diane Kruger pour son premier rôle dans son Allemagne natale. Elle interprète avec intensité, dans "In the fade" de Fatih Akin, une jeune femme perdant mari et enfant lors d’un attentat commis par des néonazis. Entre pleurs et colère, elle décide de se venger. Ce "message" de la vengeance, oeil pour oeil, dent pour dent, nous déplaît tout autant que dans les deux prix ex aequo du scénario. Vengeance machiavélique dans "Mise à mort du cerf sacré" du Grec Yorgos Lanthimos, où persécution terrifiante et cruauté gratuite n’épargnent pas le personnage principal (Colin Farrell) et bousculent le spectateur. Vengeance encore dans "You were never really here" qui donne ainsi un deuxième prix à ce film poisseux qui ne méritait peut-être pas un tel éclairage.

Le Prix du Jury est revenu à l’émouvant "Faute d’amour" du Russe Andrey Zvyagintsev.
Indifférents à leur fils d’une douzaine d’années, un père et une mère se déchirent après la disparition du jeune garçon.

Par ailleurs, un prix du 70e anniversaire a été "inventé" pour récompenser Nicole Kidman présente dans quatre films l’ensemble de la sélection 2017, mais absente pour recevoir son prix.

Présidé par Sandrine Kiberlain, un jury a remis la Caméra d’Or, récompensant un premier film toutes sections confondues, à la Française Léonor Serraille pour "Jeune femme" qu’interprète avec une énergie remarquable Laetitia Dosch. Humour et émotion sont entremêlés avec aisance dans un film touchant.

Dans la section Un Certain Regard, le Prix a été attribué à "Un homme intègre" de l’Iranien Mohammad Rasoulof. Malgré ses valeurs radicales, le personnage du titre finit par sombrer, comme les autres, dans la corruption de son pays. Enfin le Prix de la poésie de cinéma (est-ce une première ?) est allé à Mathieu Amalric, qui évoque, dans "Barbara", les moments clés de la vie de la chanteuse racontée sous forme de tournage d’un film. Il interprète lui-même le metteur en scène et Jeanne Balibar l’actrice interprétant Barbara. Une merveille !
Dans cette distribution de prix, nous regrettons qu’aucune place n’ait été accordée à "Wonderstruck" où Todd Haynes jongle avec la magie du cinéma à travers le temps, ni à "Happy End" sans doute pas le meilleur film de Haneke, mais quand même passionnant. Sitôt le palmarès divulgué, Cannes et sa Croisette ont repris leur rythme paisible jusqu’à Mai 2018...

Caroline BOUDET-LEFORT

Photo de Une : Ruben Östlund pose avec sa Palme d’Or pour le film "The Square" (Photo JACOVIDES-BORDE-MOREAU / BESTIMAGE)

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