"Le tueur de la Promenade

"Le tueur de la Promenade", contre-enquête exigeante sur le drame du 14 juillet

Comme l’investigation, la contre-enquête est tout à la fois l’art le plus difficile et l’honneur du journalisme. Ne se contentant pas des clichés et vérités rapides rabâchés dans l’urgence par les médias, notre confrère niçois Vincent-Xavier Morvan (AFP, Le Figaro) a remonté la piste du tueur du 14 juillet.

Il en dresse un portrait infiniment plus précis et plus juste que tout ce qui a été écrit jusqu’ici. Plus inquiétant aussi. Sous-titré "enquête sur une mystification", ce livre se lit aussi facilement qu’un article de journal et en apprend beaucoup sur un personnage trop rapidement catalogué par facilité et par l’envie de l’oublier...

- Pourquoi ce livre, comment l’idée vous est-elle venue de le faire ?
J’étais présent "à chaud" le 14 juillet et j’ai couvert l’événement pour les médias auxquels je collabore. Au cours de l’été, j’ai essayé d’en savoir plus car je trouvais que le portrait dressé du terroriste était assez caricatural, avec de surcroît beaucoup d’éléments contradictoires. Je ne retrouvais pas le djihadiste dans la personnalité décrite. Dans un esprit de journaliste, en pensant aussi aux victimes et aux proches, j’ai cherché à savoir si l’on n’était pas passé à côté de quelque chose. J’ai voulu cerner les motivations réelles qui l’ont conduit à ce geste fou.

- A t-il été facile de faire parler les témoins ?
Tout de suite après l’attentat, beaucoup de témoins ont parlé sous le coup de l’émotion, en se livrant spontanément car ils étaient comme tout le monde sidérés. Mais à partir d’octobre, lorsque j’ai débuté ma contre-enquête, ils avaient disparu dans la nature ou ne voulaient plus parler. Mon travail a consisté à les retrouver, à les convaincre et surtout à en trouver de nouveaux. Sur ce dernier point, mon livre apporte quelque chose de neuf par rapport à tout ce qui avait été écrit par les centaines de journalistes venus à Nice du monde entier.

- Quels nouveaux témoins ?
J’ai retrouvé des anciens collègues de travail, qui n’avaient jamais parlé, et des proches qui l’avaient très bien connu. Leurs témoignages dessinent plus finement le personnage.

- Mais pourquoi parlez-vous de mystification ?
J’ai pris contact avec le père en Tunisie, qui condamne l’attentat, mais dont le souci aujourd’hui est de récupérer le corps, toujours à l’institut médico-légal, pour lui donner une sépulture musulmane. Voulant protéger son fils, il a expliqué que celui-ci avait été chez le psychiatre, brandissant une ordonnance, pour le présenter comme irresponsable. On peut comprendre qu’il veuille dresser un écran de fumée, mais la vérité c’est que le terroriste était un vrai djihadiste, entré en guerre sur un théâtre d’opération nommé Promenade des Anglais. Entre guillemets, je rends "justice" à ce dernier car beaucoup ont affirmé qu’il avait commis cet attentat pour la "gloire". Il y a un aveuglement collectif, on n’a vu que ce que l’on a voulu voir. Car il y a chez lui une radicalisation qui s’opère au dernier moment, une conversion aux thèses de Daesh et à l’islamisme le plus radical. Il n’était pas seulement un "allumé", mauvais musulman et obsédé sexuel.

- Pas franchement rassurant...
Effectivement.

Le tueur de la Promenade.
Editions Heliopoles.

deconnecte