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ANNE LECHACZYNSKI « DE GRAVES QUESTIONS SONT ENCORE SANS REPONSES »

Avec son frère et ses employés, elle s’est battue pour relancer la Verrerie de Biot après la catastrophe du 3 octobre. Un pari qui ne pourra être définitivement gagné qu’après l’été.

- Comment avez-vous vécu cette soirée ?
Le soir du 3 octobre, j’étais à Nice au match à l’Allianz Riviera. Il pleuvait beaucoup, mais je n’étais pas inquiète. Jusqu’au moment où j’ai reçu sur mon portable une alarme m’indiquant que les fours élec- triques ne fonctionnaient plus et que les groupes de secours n’avaient pas pu prendre le re- lais. Je me suis dis : cette fois, c’est grave.

- Cette inondation était-elle une surprise ?
Il faut bien comprendre que nous sommes dans un vallon sec qui reçoit seulement l’évacuation à ciel ouvert des eaux pluviales des collines environnantes. Il n’y a pas le moindre ruisseau à cet endroit. Alors, ce n’est pas une inondation que nous avons subie, mais une vague de submersion, qui est venue d’un coup tout balayer.

- Avez-vous été alertée du danger ?
Il n’y a pas eu la moindre alerte. Nous n’avons pas été prévenus d’un risque particulier ce soir- là. D’ailleurs les sirènes de Biot étaient en panne...

- Comment cette vague a-t-elle pu se former ?
Comme il y a des bassins de rétention en amont pour éviter en principe ce genre de phénomène, cette vague pose de graves questions. Elles sont toujours sans réponses. Un juge d’instruction a été désigné. En aval, trois personnes ont perdu la vie. Nous, avec nos seuls dégâts matériels, nous n’avons vraiment pas le droit de nous plaindre.

- Comment vous êtes-vous organisés pour sauver l’entreprise ?
Le personnel de la Verrerie est venu immédiatement. Mes employés sont devenus nettoyeurs. Ils ont refusé le chômage intempérie. Ils ont déblayé, rangé pendant des jours. C’est uniquement grâce à cette mobilisation qui nous avons pu rouvrir aussi vite, dès le 21 décembre. Aujourd’hui, lorsque l’on vient sur notre site, on ne voit plus les traces de la catastrophe.

- Et autour de vous ?
Matériellement, notre assurance a permis de faire face. Le site était tellement détruit que, seuls, nous n’aurions jamais pu y arriver. Il a fallu des bulldozers, des camions. La partie nettoyage est achevée, mais pas les travaux. Nous avons encore quatre électriciens qui travaillent chaque jour, deux petites galeries et l’écomusée du verre restent à rouvrir, on espère en avril. Nous avons aussi puisé dans nos réserves, toutes nos réserves, pour couvrir les besoins.

- Y-a-t-il eu de la solidarité ?
Oui, beaucoup. Pour nous sou- tenir, des clients ont passé spé- cialement commande en disant « vous nous livrerez quand vous pourrez ». Des gens de la région sont venus pour acheter. La chambre de commerce a mené une campagne en faveur des entreprises qui a bien marché.

- Vous êtes maintenant tirés d’affaire ?
Vous savez, une grande partie du stock a été détruit. On ne peut pas encore dire si l’entreprise est sauvée car nous réalisons 75% du chiffre d’affaires entre juin et septembre. Il faut donc passer l’été avant de pouvoir se prononcer. Il faut tenir, réussir, nous n’avons pas de plan B. Au plan personnel, nous ne sommes pas encore sortis de cette épreuve, mais nous sommes différents. Dans l’urgence, dans l’action, on n’a pas encore eu le temps de souffler, de faire le point. La reconstruction n’est pas finie. Mais dans l’entreprise, nous sommes plus proches, plus so- lidaires, plus compréhensifs. Cette catastrophe, c’est notre « team building », mais vraiment je ne recommande à personne de passer par là...

- Regardez-vous le ciel avec crainte ?
A chaque fois qu’il pleut, oui. On a tous nos bottes rangées dans un coin, au cas où. Mais encore une fois, nous sommes dans un vallon sec, et si j’étais persuadée qu’il y a un danger, je partirais.

- Son parcours :
 ?passe 9 ans aux USA, où elle fait du commerce.
2000  : Devient PDG de la Verrerie de Biot, entreprise rachetée par sa famille en 1973.
membre de l’UPE-06, de la CCI-06.
Travaille avec son frère Serge.
25 employés
600 000 visiteurs par an

Photo : JMC
Toute son énergie passe dans le redémarrage de la Verrerie de Biot.

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