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Administrateurs et mandataires judiciaires : la profession face à de profondes évolutions

Conséquence logique de la reprise économique constatée depuis un an, la profession des Administrateurs et Mandataires Judiciaires a vu son chiffre d’affaires diminuer en 2017. "Ce n’est pas fini, on s’attend à encore -20 à -30% dans les deux ans" pronostique Christophe Thévenot, président de l’AJMJ, réunie la semaine dernière à La Colle-sur-Loup pour son congrès annuel.

D’où une inquiétude palpable dans la profession, qui ne voit pas ses charges reculer dans les mêmes proportions et qui craint même une complication et un alourdissement de son exercice avec les évolutions législatives qui se profilent à l’horizon.
"Nous avons de nouvelles obligations, comme la lutte contre le blanchiment d’argent. Si Tracfin a souligné notre efficacité, il nous faudra sans doute créer un poste équivalent temps plein pour répondre aux nouvelles exigences, et ce n’est pas réaliste" a estimé le président Thévenot qui, plaide en permanence la cause des AJMJ à la Chancellerie. De la même façon, il a souligné que la mise en place du RGPD est "dévoreuse de temps" pour les entreprises.

Les tarifs qui fâchent...

La profession a "encaissé" deux baisses de tarif depuis 2016. D’abord celle commune à plusieurs professions du Droit - huissiers, notaires... - voulue par la Loi Macron de modernisation de l’économie. Plus un nouveau coup de rabot, depuis le 28 février, de - 5% pour les AJ et de - 2,5% pour les MJ dans un contexte de baisse du nombre des dossiers à traiter. "On ne comprend pas, et nous avons introduit un recours contre cet arrêté ministériel qui n’a pas de base légale selon nos juristes. De notre côté, nous avons lancé une étude qui permettra d’éclairer les responsables sur la meilleure façon de facturer les actes" précise Christophe Thévenot. Pour le reste le président des AJMJ a souhaité que la stratégie numérique soit développée. Il a incité les professionnels à utiliser davantage le portail, "outil moderne pour les actes dématérialisés" alors que les Legal Tech vont "transformer les pratiques". Enfin, il a évoqué la réforme profonde à venir des procédures collectives dans le Droit européen et le rapprochement des Droits français et allemands.

Thomas Andrieu et la "tarification raisonnable"

À La Colle-sur-Loup, l’intervention de Thomas Andrieu, directeur des Affaires civiles et du Sceau, était d’autant plus attendue que la Loi Pacte et des réformes impactant les AJMJ sont encore "dans les tuyaux".
"Les nouvelles règles professionnelles des administrateurs et mandataires feront l’objet d’un arrêté avant l’été" a t-il annoncé avant d’évoquer la loi Pacte : "C’est la grande loi de début de quinquennat qui va réformer l’économie. La simplification du Droit doit être un objectif majeur pour une plus grande attractivité et fluidité des activités. Nous avons donc travaillé à de nouvelles mesures pour aider les entrepreneurs à rebondir. Pour les petites entreprises, la liquidation judiciaire simplifiée deviendra obligatoire pour celles de moins de cinq salariés et de moins de 750 000 euros de chiffre d’affaires. La procédure sera plus courte. Le rétablissement professionnel créé en 2014 n’a pas rencontré son public alors qu’il permet d’effacer des dettes sans passer par la liquidation pour le petit entrepreneur de bonne foi. Avec la loi Pacte, il s’agit de donner une seconde chance et d’enlever la stigmatisation et les souffrances liées à l’échec".
Thomas Andrieu a par ailleurs estimé que le modèle français se joue à Bruxelles. Les négociations au conseil de l’Union européenne avancent "à un rythme soutenu", avec la possibilité d’une adoption dès l’année prochaine. "Il s’agit d’assurer l’attractivité du Droit français équilibré entre créanciers et débiteurs tout en protégeant l’ordre public économique". Pour atteindre ces objectifs, le gouvernement français a jugé nécessaire de modifier le droit national et a donné son accord à Bruxelles pour mieux prendre en compte l’intérêt des créanciers.
Enfin, concernant les tarifs, le directeur a estimé que la comptabilité analytique n’est pas la seule solution possible "pour arriver à une tarification raisonnable". La loi va prendre en compte la rentabilité globale et non pas "acte par acte".

Nos échos

- Journées studieuses pour les AJMJ et leurs collaborateurs : pas moins de six ateliers étaient proposés sur les deux jours du congrès pour leur formation : techniques de négociation et utilisation de modes alternatifs de résolution ; valorisation des cessions d’actifs ; débiteurs personne physique ; nouvelles règles professionnelles et déontologie ; financement des entreprises en difficulté ; fiscalité dans l’entreprise en difficulté.

- Vice président national des AJMJ, Christophe Basse a rappelé que "chaque manquement individuel rejaillit sur toute la profession". Il a regretté à cet égard que "quatre ou cinq confrères" se retrouvent sur le podium des réclamations. "Nous allons leur demander fermement d’adapter leur comportement" a t-il averti.

Photo de une : Le président Thévenot s’inquiète de la baisse des tarifs. (DR JMC)

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