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CONGRÈS ACE ANTIBES - Maître Isabelle Grenier : "des opportunités nouvelles s’ouvrent à la profession"

Les Avocats Conseil d’Entreprise (ACE) vont tenir leur congrès à Juan en septembre. Le point avec Maître Isabelle Grenier, coprésidente, sur les évolutions du métier.

Vous avez tenu ce printemps à Opio un congrès sur les nouvelles technologies. C’était réservé aux avocats "geek" ?

Les thèmes de nos conventions "Jeunes Avocats" sont souvent orientés vers la digitalisation et les nouvelles technologies, et l’on constate que toutes les tranches d’âge y participent. Il y a autant de gens réfractaires au progrès technologique chez les jeunes que chez les autres... Ce n’est donc pas un comportement générationnel mais personnel, selon les centres d’intérêt et les attentes des uns et des autres. Les questions liées à la mutation professionnelles intéressent particulièrement les jeunes avocats arrivant sur un marché qui se modifie profondément. Des rencontres comme celles d’Opio servent à leur donner les clés pour appréhender ce nouveau monde. Mais l’on y croise aussi des confrères qui nous disent : "J’ai soixante ans et je ne m’adapterai pas, je continuerai à travailler comme je l’ai toujours fait". Leur position est tout aussi respectable.

La profession craint-elle les conséquences du changement ?

Ce sont les utilisateurs qui bouleversent les choses, on l’a bien vu par exemple avec la vente sur internet. Ces changements s’opèrent de façon brutale. Ils vont s’accélérer. L’ancienne façon d’exercer continuera, en s’amenuisant progressivement dans le temps. Mais il restera une part de marché pour les "anciens" qui, soit dit en passant, peuvent travailler avec des confrères plus agiles avec les nouvelles technologies.

Autre changement, la profession s’est beaucoup féminisée...

La féminisation est une évidence. Nous sommes maintenant 54% de femmes, tous âges confondus. Deux entrants sur trois dans la carrière sont des femmes. Le taux de féminisation va continuer à s’accélérer dans les années à venir.
Mais il y a aussi chez les femmes un grand taux de sortie de la profession dans les dix premières années d’exercice. Cela est dû sans doute aux difficultés à concilier vie professionnelle et vie personnelle, surtout lorsqu’il y a des enfants en bas âge. Cela pousse les femmes à partir dans d’autres directions, même si quelques-unes reviennent plus tard.

On parle de "paupérisation" des jeunes Avocats, est-ce excessif ?

Malheureusement, lorsque l’on constate qu’un Avocat sur trois du Barreau de Paris exerçant en libéral gagne moins que le SMIC... Il existe, bien sûr, une grille pour les avocats salariés, mais ils sont peu nombreux et sont surtout concentrés dans les gros cabinets anglo-saxons. Les écarts entre les associés de ces cabinets et les revenus moyens de la profession se creusent. En province, ce n’est pas la même culture : nous sommes plutôt sur de la collaboration libérale.

La profession doit trouver de nouveaux marchés...

Oui. L’évolution numérique et la digitalisation sont plutôt des leviers de croissance à saisir pour des cabinets moyens. Jusqu’à présent, les gros cabinets anglo-saxons avaient des marques bien identifiées et reconnues à l’international. Avec le numérique, on voit que les choses sont en train de changer puisque l’on peut maintenant imposer plus facilement sa marque et se faire une réputation.

Et la médiation fait aussi partie des nouveaux marchés ?

Elle est un secteur sur lequel les Avocats ont tardé à démarrer. Mais les choses avancent : à Marseille par exemple, des bureaux ont été achetés dans ce but près des locaux de l’Ordre. La médiation a trop souvent été réduite au domaine familial, elle est aussi très intéressante dans le domaine du droit de l’entreprise.

Une évolution si rapide provoque t-elle de l’inquiétude ?

Il y a une inquiétude, mais c’est normal : le changement n’est jamais facile, on a toujours l’impression qu’il va être négatif. Par exemple, on sent bien que l’on va perdre une partie du marché avec la LegalTech. Mais dans le même temps, de nouveaux pans du droit s’ouvrent, qu’il faut conquérir, par exemple avec le RGPD, les audits d’entreprise, etc. Le marché du droit est en expansion. Les gens ont des problèmes juridiques que, parfois, ils n’arrivent pas même à identifier, Les Avocats pourront apporter des réponses adaptées et personnalisées à leurs besoins, en ne donnant pas du "prêt à porter" comme avec la LegalTech. Cette évolution va modifier la structure des cabinets : les Avocats exerçant seuls vont se retrouver sur des marchés de niche, pointus, et l’on assistera à des regroupements. Il y a dans la loi Macron de nouveaux outils pour l’interprofessionnalité et pour faciliter l’exercice en commun.

L’intelligence artificielle, une aide pour les Avocats ?

Là où l’on passait des heures à rechercher à l’ancienne dans la jurisprudence, on pourra grâce à ces techniques consacrer du temps pour apporter de la valeur ajoutée au dossier. Aux USA, il y a déjà deux mille cabinets qui sont équipés du robot Watson qui fait ces recherches. De ce point de vue, l’IA est positive mais il y a des écueils à éviter : la justice prédictive ne doit pas, par exemple, être utilisée par les clients pour faire leur supermarché du droit et trouver les juridictions a priori les plus favorables pour juger leur problème.

Congrès ACE ANTIBES : Toutes les informations par là http://bit.ly/2w34A7m

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