Détachement de salariés :

Détachement de salariés : de nouveaux changements

  • le 29 juillet 2015

Un nouvel arsenal législatif et réglementaire vise à renforcer la lutte contre le travail illégal. Dernières mesures en date, celles prévues par la loi Macron à paraître. Tour d’horizon.

Le 30 mars dernier était publié le décret n°2015-364 pris en application de la loi n°2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale. Ces nouvelles dispositions visent à encadrer plus rigoureusement le recours aux salariés détachés et à mettre à la charge du maître d’ouvrage ou du donneur d’ordre certaines obligations et notamment celle de vigilance à l’égard des conditions de travail des salariés détachés.

C’est sous impulsion européenne, et plus particulièrement de la directive 2014/67/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à l’exécution de la directive de 1996 concernant le détachement de travailleurs dans le cadre d’une prestation de services, qu’a été envisagé ce nouvel arsenal législatif et réglementaire.

Cette nouvelle directive est, en effet, destinée à garantir le respect du niveau approprié de protection des droits des travailleurs détachés pour une prestation transfrontalière de services, notamment l’exécution des conditions de travail et d’emploi applicables dans l’État membre où le service doit être fourni. Ce, tout en facilitant l’exercice de la liberté de prestation de services pour les prestataires et en favorisant une concurrence loyale entre ces derniers, et donc en soutenant le fonctionnement du marché intérieur.

Concrètement, afin de moraliser les pratiques et dissuader ceux qui en abusent, la loi du 10 juillet 2014 a prévu la possibilité d’engager la responsabilité du donneur d’ordre en cas d’irrégularité dans le détachement des salariés. Le texte met également à la charge du prestataire étranger de nouvelles obligations.

Responsabilité du donneur d’ordre et du prestataire

Le décret du 30 mars 2015 vient quant à lui préciser ces nouvelles obligations ainsi que les conditions de mise en jeu de la responsabilité du donneur d’ordre et du prestataire. Il prévoit :

- la communication au donneur d’ordre, en amont de la prestation, de la copie de la déclaration de détachement envoyée à la Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) et de la copie du document désignant le représentant du prestataire étranger ;

- les modalités selon lesquelles la copie de la déclaration de détachement est annexée au registre unique du personnel de l’entreprise qui accueille les salariés détachés et rendue accessibles aux délégués du personnel ;

- la liste des documents que l’entreprise étrangère doit conserver sur le lieu de travail du salarié détaché sur le territoire national et visant à vérifier les informations relatives aux salariés détachés et l’existence d’une activité réelle et substantielle du prestataire étranger dans son pays d’établissement ;

- l’obligation du prestataire étranger de désigner son représentant en France. Ce représentant aura pour mission de détenir l’ensemble des documents, sur le territoire national, permettant de justifier à tout moment de la régularité du détachement. Il devra, entre autres, présenter la déclaration de détachement en cas de contrôle, notamment de l’inspection du travail ;

- les conditions de mise en œuvre de la responsabilité du cocontractant, en cas de manquement à l’obligation de déclaration préalable ou de désignation d’un représentant ;

- les modalités de mise en œuvre de l’obligation de vigilance et de la responsabilité du donneur d’ordre vis-à-vis de ses sous-traitants et cocontractants, notamment quant au respect du paiement du salaire minimum légal ou conventionnel ou encore aux conditions d’hébergement collectif des salariés détachés ;

- les précisions relatives aux informations à insérer dans le bilan social concernant les salariés détachés ;

- les modalités selon lesquelles les organisations syndicales représentatives de travailleurs informent les salariés des actions en justice formées en leur nom.

En tout état de cause, à l’occasion de ces échanges entre donneurs d’ordre et prestataires de services étrangers, l’agent de contrôle sera averti et informé de l’évolution de la situation à tous ses stades.

Naturellement, le non-respect de ces obligations expose le donneur d’ordre et le prestataire étranger à des sanctions.

En pratique, de nombreuses questions se posent encore sur l’application de ces nouvelles règles. Cependant, une mesure dénote en ce qu’elle soulage le donneur d’ordre dans le cadre de contrats plus modestes. Le décret prévoit que désormais, les obligations mises à la charge du donneur d’ordre en matière de vérifications préalables ne sont supportées qu’à l’occasion d’un contrat dont le montant est au moins égal à 5 000 euros HT. Auparavant, l’obligation se déclenchait dès 3 000 euros TTC.

Renforcement avec la loi Macron

Ce nouveau dispositif juridique, pleinement en vigueur depuis quelques semaines seulement, de nouveaux moyens vont être mis en place, cette année, pour renforcer la lutte contre les fraudes au détachement dans le cadre des prestations de services internationales. Le projet de loi pour la croissance et l’activité ( loi Macron), adoptée le 10 juillet dernier, contient de nouvelles mesures pour lutter contre le travail illégal. Le texte comporte, notamment, quatre nouvelles dispositions :

- l’augmentation du plafond de l’amende administrative, en cas de défaut de déclaration de détachement, de défaut de désignation d’un représentant par le prestataire étranger et de défaut de vérification par le maître d’ouvrage. Ce plafond passe de 10 000 à 500 000 euros ;

- la possibilité pour l’autorité administrative de suspendre une prestation de service internationale pour une durée d’un mois maximum, en cas de manquements graves à certaines règles de détachement constatés par l’inspection du travail. En cas de non-respect de cette injonction, l’entreprise s’exposera à une amende inférieure ou égale à 10 000 euros, par salarié concerné ;

- une nouvelle déclaration à effectuer auprès de l’inspection du travail par le donneur d’ordre si ce dernier ne s’est pas fait remettre la copie de la déclaration de détachement par le prestataire ;

- l’instauration d’une carte d’identité professionnelle obligatoire pour tous les travailleurs présents sur des chantiers de BTP. L’employeur qui ne respecterait pas son obligation de déclaration des salariés en vue que leur soit délivrée une carte d’identification professionnelle serait passible d’une amende administrative pouvant aller jusqu’à 500 000 euros au total, et non plus 150 000 euros.

En pratique, ce renforcement de l’arsenal juridique et des sanctions va s’accompagner d’une systématisation des contrôles dans le cadre du plan de lutte contre le travail illégal. Quelque 30 000 sont prévus pour cette année, plus particulièrement sur les chantiers importants.

Cependant, ces mesures ne seront certainement pas suffisantes pour lutter efficacement contre le « dumping social », notamment au regard des différents niveaux de cotisations sociales au sein de l’union Européenne.

Par Grégory OLCZAK-GODEFERT, Avocat, directeur associé département droit social

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