Jurisprudence relative

Jurisprudence relative aux congés payés

Dans le cadre de notre mission de veille juridique, nous partageons l’analyse de de notre partenaire Médiation Conseil sur plusieurs arrêts importants rendus par la Cour de cassation le 13 septembre 2023, en matière de congés payés. Par ces arrêts, la Cour de cassation consacre une solution dégagée par la réglementation et la jurisprudence européenne – en contradiction avec notre droit français - qui va avoir une incidence sur vos pratiques RH.

Revirement de jurisprudence et acquisition des congés payés

Le code du travail ne prévoit pas qu’un salarié acquiert des congés payés quand il est arrêté pour une maladie « simple ».

En effet, l’article L3143-3 ne prévoit l’acquisition de congés payés que durant les périodes d’arrêt de travail liées à un accident du travail ou à une maladie professionnelle et ce, dans la limite d’une durée d’un an (Si l’arrêt lié à un AT durait 3 ans, seule la 1ère année d’arrêt pour AT générait un droit à congés payés).

Donc, selon le code du travail, et jusqu’à ces arrêts du 13 septembre dernier :
Un salarié en arrêt maladie simple n’acquiert pas de congés payés, sauf si la convention collective applicable prévoit expressément cette acquisition – d’où l’importance de bien connaître les dispositions de votre convention collective ;
Un salarié en AT ou MP n’acquiert des CP pendant son arrêt de travail que dans la limite d’une durée d’un an – sauf si la convention collective applicable prévoit expressément cette acquisition.

Or, dans deux arrêts du 13 septembre dernier, la Cour de cassation se fonde sur l’article 31§2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne relatif au droit au repos pour écarter les dispositions du droit français qui ne sont pas conformes au droit de l’Union européenne et indique qu’un salarié acquiert des congés payés :
- Pendant un arrêt maladie simple, et ce, pendant toute la durée des arrêts (sans limitation de durée) : Cass. soc., 13 sept. 2023, n°22-17.340 ;
- Pendant un arrêt maladie lié à AT ou à une maladie professionnelle – pendant toute la durée de ses arrêts, sans limitation de durée : Cass. soc., 13 sept. 2023, n°22-17.638.

Non perte des congés payés acquis et non pris avant le départ en congé parental d’éducation

Jusqu’à maintenant, les congés payés non pris avant le départ en congé parental d’éducation étaient perdus s’ils étaient non pris avant le terme de la période de prise des congés payés, sachant que le congé parental peut durer jusqu’aux trois ans de l’enfant.
Dans ce cadre, les salariés étaient invités à poser leurs jours de congés payés acquis entre la fin de leur congé maternité (ou paternité) et le début de leur congé parental d’éducation car à défaut, ceux-ci étaient perdus.

Dans l’arrêt du 13 septembre dernier, la Cour de cassation, se fonde sur les articles L. 3141-1 et L. 1225-55 du code du travail, interprétés à la lumière de la Directive 2010/18/UE du Conseil du 8 mars 2010 (relatif à un accord cadre sur le congé parental), pour nous indiquer que :

- Le salarié qui s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l’année de référence en raison de l’exercice de son droit au congé parental, bénéficie du report des congés payés acquis à la date du début du congé parental après la date de reprise du travail et donc, les congés payés ne peuvent pas être supprimés par l’employeur. Cass. soc., 13 sept. 2023, n°22-14.043.

Prescription des droits à congés payés – délai de prescription non débuté – actions en rappel de salaire

La Cour de cassation rappelle :
- Que pour le juge européen, la perte du droit au congé annuel payé à la fin d’une période de référence ou d’une période de report ne peut intervenir qu’à la condition que le travailleur concerné ait effectivement eu la possibilité d’exercer ce droit en temps utile ;
- Sa jurisprudence selon laquelle il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombaient légalement.

Puis, elle en déduit que la prescription ne peut courir à compter de la fin de la période au cours de laquelle les congés auraient pu être pris, que si l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement, afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé payé (cass. soc. 13 septembre 2023, n° 22-11106 FPBR). Dans le cas contraire, les droits du salarié ne sont pas prescrits, quelle que soit la période à laquelle ils remontent, puisque le délai de prescription n’a pas débuté.

Le délai de prescription de l’indemnité compensatrice de congés payés n’ayant pas débuté, il s’ensuit d’importants risques de demandes de rappel d’indemnité compensatrices de congés payés de la part de vos salariés actuels et passés.

Pour l’avenir, une solution est possible car le juge européen a déjà estimé que rien ne s’oppose à ce que des dispositions ou à des pratiques nationales, telles que des conventions collectives, limitent ce report.
- C’est ainsi qu’a déjà été validée une limitation du report de 15 mois, à l’expiration desquels le droit au congé annuel payé s’éteint. À contrario, il a considéré que 9 mois étaient une durée trop courte, la période devant dépasser la durée de la période de référence (CJUE 3 mai 2012, Neidel, aff. C-337/10).

Il est donc possible au législateur, et dans l’attente à un accord collectif, de fixer une période maximale de report des congés payés. Ceci pourrait permettre de limiter l’impact de ces arrêts du 13 septembre 2023, mais uniquement pour l’avenir.

Autres problématiques liées au droit Européen

Les contrats de travail temporaire et les congés payés = mettez les salariés en mesure de prendre leurs congés payés

Le droit français prévoit bien que les salariés en CDD ou en intérim bénéficient d’une indemnité de congés payés et dans ce cadre le juge a précisé, concernant les CDD, que cette indemnité n’est due qu’à titre exceptionnel «  dans l’hypothèse où le régime des congés payés dans l’entreprise ne lui permet la prise effective de ceux-ci » (cass. soc. 25 février 1998, ; cass. soc. 4 janvier 2000).

Cette précision devrait aussi concerner les travailleurs temporaires car, il faut le rappeler, la directive européenne prohibe le remplacement de la prise des congés payés par une indemnité financière sauf fin des relations de travail : Il est donc essentiel, même pour des contrats courts, d’avoir mis en mesure le salarié de prendre ses congés ou de démontrer que cela n’était pas possible.

Le calcul des heures supplémentaires et les congés payés

En janvier 2022, le juge européen a indiqué que la directive européenne « doit être interprétée en ce sens qu’il s’oppose à une disposition d’une convention collective en vertu de laquelle, afin de déterminer si le seuil des heures travaillées donnant droit à majoration pour heures supplémentaires est atteint, les heures correspondant à la période de congé annuel payé pris par le travailleur ne sont pas prises en compte en tant qu’heures de travail accomplies » (CJUE, 13 janvier 2022, Koch Personaldienstleistungen Gmbh, aff. C-514/20).

Or, le code du travail n’assimile pas la durée des congés payés à du temps de travail effectif pour le calcul des heures supplémentaires et de leur majoration et s’agissant des modes d’aménagement du temps de travail organisés sur une base annuelle, les jours de congés payés sont déjà déduits pour calculer la durée de référence , par exemple de 1607 heures ou 218 jours, et considérer les congés payés comme du temps de travail effectif pour calculer les majorations dues en matière d’heures supplémentaires serait, de fait, une remise en cause importante du mécanisme.

Nous devons donc espérer que les conséquences de cet arrêt de la CJUE de 2022 soient limitées au cadre hebdomadaire, hors forfait ou aménagement négocié du temps de travail pour lesquels les congés payés sont déjà déduits pour calculer la durée de référence, et au congé principal.

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