Question prioritaire (...)

Question prioritaire de constitutionnalité : Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

  • le 12 octobre 2016

Après Monsieur Macron, après Madame El Khomri, c’est désormais le Conseil constitutionnel qui est saisi de la question très en vogue de l’indemnisation des salariés licenciés pour une cause qui n’est ni réelle ni sérieuse.

Actuellement, l’article L.1235-3 du Code du travail accorde au salarié injustement licencié une « réparation minimum garantie » à hauteur des six derniers mois de salaire s’il compte deux ans d’ancienneté et si son employeur emploie habituellement au moins onze salariés.
C’est en sa qualité de juge de la constitutionnalité des lois a posteriori que le Conseil Constitutionnel statuera prochainement.

En effet, une disposition législative en vigueur peut être soumise à son contrôle si, au cours d’une instance, une partie est d’avis que cette disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.

C’est la question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

1. De la censure du plafonnement de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le référentiel indicatif d’indemnisation institué par la loi Macron du 6 août 2015 visait à assurer une plus grande sécurité juridique en faisant varier l’indemnisation allouée en fonction de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l’entreprise.
Dans le cadre de l’examen - a priori - de la loi, ce dispositif s’était vu opposer une fin de non-recevoir.
En effet, le Conseil constitutionnel, garant de la conformité des normes, l’a invalidé dans sa décision n°2015-715 du 5 août 2015 au motif que si le législateur pouvait plafonner l’indemnité due au salarié, "il devait retenir des critères présentant un lien avec le préjudice subi par le salarié".
Or, le critère lié aux effectifs de l’entreprise ne satisfaisait pas cet impératif, de sorte que la différence de traitement instituée était contraire au principe constitutionnel d‘égalité devant la loi.
Aujourd’hui, c’est un contentieux pendant devant le Conseil de prud’hommes d’Amiens, opposant 772 salariés licenciés pour un motif économique à leur employeur, qui est à l’origine de la saisine du Conseil constitutionnel.

2. A l’inconstitutionnalité de son plancher ?

C’est la Société attraite en justice qui a soulevé en première instance une question prioritaire de constitutionnalité rédigée en ces termes :
"L’article L.1235-3, alinéa 2, du code du travail visant à octroyer au salarié, licencié pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, lorsque le licenciement est opéré dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, porte-il atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et notamment au principe d’égalité devant la loi et à la liberté d’entreprendre ?"

C’est donc l’indemnité due en cas de licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse prise en son montant "plancher" qui interroge aujourd’hui alors que cette disposition est inscrite au Code du travail depuis la loi n°73-680 du 13 juillet 1973.

Il semblerait qu’en instituant un montant plancher à l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse déterminé, notamment, en considération du critère des effectifs de l’entreprise, le législateur ait ainsi institué une différence de traitement qui méconnaitrait également le principe d’égalité devant la loi.

Aussi, il est loisible de penser que la position du Conseil constitutionnel qui examine cette QPC en audience publique le 4 octobre prochain devrait être identique..., décision qui conforterait ainsi la rédaction de l’avant-projet de décret portant sur le référentiel indicatif d’indemnisation, lequel ne tient plus compte que d’un seul élément : l’ancienneté du salarié.



Agnès BALLEREAU-BOYER

Cabinet Capstan
Avocat au barreau de Grasse
http://www.capstan.fr/fr/

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