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Yves Strickler : le vice-doyen de la fac de droit a écrit le code civil de la république de Djibouti

Plus de 4 000 articles pour le code civil et le code de procédure civile ! C’est à ce travail aussi passionnant que titanesque que s’est attelé pendant deux années le professeur Yves Strickler, vice-doyen de la faculté de Droit et de Science Politique de Nice, accompagné de Maîtres Alain et Marie-Paule Martinet, avocats à Djibouti, au bénéfice de la République de Djibouti.

Leur travail achevé a été entériné par l’Assemblée nationale de ce pays de la corne de l’Afrique le 9 avril, et promulgué trois jours plus tard par le Président de la République, M. Ismael Omar Guelleh.

"À l’origine, un collègue professeur à Lyon a été contacté par des avocats de Djibouti pour répondre à un appel à projet concernant la rédaction de ces codes. Comme il savait que j’avais la double compétence en cas matières, il m’a proposé et ma candidature a été retenue avec Maîtres Alain et Marie Paule Martinet. Nous avons travaillé en équipe, avec l’appui du gouvernement et particulièrement de M. Moumin Ahmed Cheikh, Ministre de la Justice, qui nous a épaulés pendant toute la construction" explique Yves Strickler.

Répondre à des besoins concrets

Il a d’abord fallu une bonne année aux rédacteurs pour réaliser un état des lieux de la législation pour mettre sur pied l’application du droit. "J’ai rencontré des gens compétents, motivés, qui avaient envie de faire progresser leur pays" poursuit le professeur qui a dirigé l’ensemble des travaux. "Ce fut une aventure extraordinaire, il y eut bien sûr des difficultés, mais nous les avons surmontées les unes après les autres. Ce ne fut, finalement, pas si compliqué que cela, après le travail accumulé pendant toutes ces années qui a ainsi trouvé son aboutissement".

Répondre à des besoins concrets, stabiliser le Droit en apportant des textes pertinents, s’adapter aux connaissances locales furent quelques-uns des challenges relevés par l’équipe dirigée par le professeur Strickler. L’apport des avocats djiboutiens et de l’ensemble de l’équipe gouvernementale fut déterminant pour construire des codes répondant aux attentes et aux besoins.
"Il a fallu imaginer, proposer, choisir ce qui convenait" poursuit le vice-doyen qui a également travaillé avec l’appui de la Banque Mondiale qui avait pour l’occasion délégué ses experts. Jusqu’alors, c’était le Code civil français qui s’appliquait dans cette ancienne colonie devenue indépendante en 1977. "Il a fallu supprimer le droit et les tribunaux coutumiers, revoir l’organisation juridictionnelle, prévoir l’organisation des droits de recours. L’État de Djibouti avait déjà beaucoup innové, en adoptant en 2002 un code de la famille, en 2006 un code du travail, commerce, en 2009 un code de
l’environnement et en 2011 un code du commerce
".

Le climat des affaires

Maître Alain Martinet a principalement travaillé sur le code civil, son épouse sur le code de procédure civile. "L’apport de ce couple d’avocats a été déterminant" ajoute le professeur, "ainsi que celui de l’équipe constituée autour du Ministre de la Justice".

Désormais, les 4 133 articles rédigés n’appartiennent plus à l’équipe du professeur Strickler mais au peuple de Djibouti qui a su s’en saisir.
"La République de Djibouti est, dans ce coin du monde troublé, un pays stable sur lequel il faudra compter dans les dix ans à venir" conclut le vice-doyen. Pour son développement, le pays pourra s’appuyer sur son tout jeune code civil. Ces nouveaux codes amélioreront "le climat des affaires et des investissements à Djibouti et répondront aux besoins des citoyens en renforçant la sécurité juridique, tout en devant constituer un modèle et une référence pour les autres pays".

Un travail délicat dans un contexte particulier

Le professeur Strickler explique sa démarche : Dans le travail de création de nouveaux codes, il a fallu commencer par dresser un état des lieux de la législation existante, travail d’autant plus délicat que des textes ont pu être adoptés localement pendant cette période sans lien direct avec la législation métropolitaine. Il a aussi fallu tenir compte d’autres textes existants et équilibrer ou organiser leur coexistence (code de la famille, code foncier). Dans cette visée, le code de la nationalité a été intégré dans le code civil dont il constitue un des aspects nécessaires ; le code de la famille, fondé sur la Charia et qui est actuellement en cours de réforme, n’a pas été modifié à l’occasion du travail sur le code civil, mais dépend, dans son application, du Tribunal du Statut Personnel ; en revanche, le régime du droit de la famille du code civil, lui, relève de la Chambre civile du Tribunal de Première Instance et permettra aux personnes qui ne relèvent pas du code de la famille de disposer d’une législation spécifique. Sur d’autres aspects de fond, le code civil de Djibouti pourra être une référence pour les autres pays sur bien des aspects et permettra, à la population et aux milieux d’affaires, de disposer d’un outil clair, accessible, fiable pour les personnes privées et rassurant pour les investisseurs, dans une zone géographique où la République constitue un axe commercial et de stabilité de première importance, et un secteur stratégique d’avenir.

Modernisation
Quant à la mise en œuvre du droit substantiel, les textes en matière de procédure civile de Djibouti nécessitaient une refonte complète tant sous l’angle de l’organisation juridictionnelle, que de la procédure proprement dite, et encore des procédures d’exécution. Une œuvre qui relève plus de la création que de la modernisation, guidée par des grands principes, a ainsi été conduite, avec le souci d’embrasser un parti pragmatique : aller vers une justice simple et rapide, sans être expéditive, et générant un coût modéré pour le justiciable comme pour l’État, le tout dans un souci d’efficacité réelle.
L’ensemble créé et en vigueur depuis la promulgation des codes par le président de la République le 12 avril 2018, permettra à la population et aux milieux d’affaires de disposer d’outils efficaces et modernes, et d’une justice rapide dans la résolution des litiges.

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