CAHIERS UCEJAM : "Innovat

CAHIERS UCEJAM : "Innovations de la réforme des contrats/Morceaux choisis " - Exposé de Maître Marc LAYET - Avocat au Barreau de Nice

L’UCEJAM - a organisé quatre conférences-débats en 2017 qui ont permis d’apporter des réponses aux questions portant sur les thématiques suivantes :
- L’expert de justice face à la cybercriminalité.
- Actualités de l’activité d’expert de justice.
- L’expert de justice face à l’expert d’assurances.
- De la réforme du droit des contrats
Nous vous proposons de retrouver l’intégralité des actes des interventions par intervenant.
Cette semaine sur le thème de la quatrième conférence "De la réforme du droit des contrats", nous vous invitons à découvrir la dernière intervention sur le thème : "Innovations de la réforme des contrats/Morceaux choisis " par Maître Marc LAYET - Avocat au Barreau de Nice.

" Nous sommes amenés à intervenir devant vous sur ce sujet majeur s’il en est de la réforme des contrats du code civil, d’öres et déjà applicable [1].
Après la brillante synthèse du spécialiste universitaire, j’aimerai simplement attirer l’attention des professionnels que vous êtes sur quelques innovations susceptibles d’impacter de nombreux domaines.

On m’a demandé une petite discussion, le point de vue de l’avocat dans sa pratique, le point de vue du professionnel qui discute avec des citoyens avertis utilisateurs du contrat dans la vie quotidienne mais aussi avec des praticiens que vous êtes dans vos domaines de prédilection.
S’il ne doit pas dire le droit, l’expert judiciaire en effet doit nécessairement posséder des connaissances –que l’on peut qualifier de- solides, même s’il n’a pas une formation de juriste ou n’est pas juriste.
Dans le cadre de votre mission (et selon votre domaine d’intervention) l’expert judiciaire que vous êtes devra en effet être à même d’apprécier les conditions d’application des clauses contractuelles au regard de leur contenu, des faits soumis en vue de renseigner le juge sur leur fonctionnement. (mais c’est le juge qui interprète). On peut énumérer à titre d’exemples non exhaustifs :

• -Appréciation des clauses qui seraient contraires à l’ordre public, aux us et règles professionnels,
• -Appréciation de l’intention de bonne foi, de la loyauté des parties dans l’échange des consentements, puis dans l’exécution des prestations convenues,
• -Appréciation de l’opportunité du principe d’application de l’exception d’inexécution, de l’exception de turpitude
• -Appréciation des circonstances nouvelles imprévisibles rendant impossible l’exécution du contrat… etc.

L’expert devra donc connaître les nouvelles règles de la réforme, heureusement pour partie tirées d’une codification de la jurisprudence.

S’agissant de la mise en œuvre pratique de la réforme dans nos cabinets
• -Au niveau judiciaire l’avocat (comme le magistrat) pour des raisons évidentes de chronologie est à peine confronté au droit nouveau.
Mais il lui faut avoir déjà les "bons réflexes" lors de la primo-consultation en matière de contentieux contractuel.
Le problème posé ressort il du droit réformé ? Y a-t-il règle nouvelle ? Faut-il appliquer la nouvelle loi ? ….etc.
Si le contentieux relève de l’ancien droit alors que la nouvelle règle est différente et favorable à votre client, opportunité enfin de "proposer" au juge un revirement de jurisprudence (manifestement la Cour de Cassation encourage les juges du fond dans cette voie).
- Au fil des points soulevés ne sera évoquée essentiellement que ma pratique actuelle en matière de conseils et/ou de rédaction de conventions pour ma clientèle.

Le choix arbitraire dans le cadre et dans le temps qui m’est imparti sera limité à quelques innovations de l’Ordonnance : il était impossible d’ignorer l’obligation légale d’information précontractuelle [2], l’imprévision [3], les clauses abusives & déséquilibre significatif [4].

1. -Obligation précontractuelle de renseignement de l’article 1112-1

C’est l’article 1112-1 du code civil qui introduit un devoir précontractuel d’information général [avec son symétrique un "droit de savoir"](2).
Cette obligation, d’ordre public, se distingue désormais du devoir de bonne foi (principe également généralisé par la réforme).
C’est me semble t il une Innovation plus qu’une simple consolidation de la jurisprudence existante et une généralisation de lois spéciales existantes(3).

En effet, si sur le plan des sanctions, les solutions dégagées sont déjà connues (alinéa 6 [5]) pour le surplus et les moyens mis en œuvre cet article apporte des modifications importantes, ainsi que des interrogations et une insécurité dont je ne sais si elles seront levées par le législateur "ratificateur" ou laissées au juge.

D’ores et déjà dans ma pratique de conseil, nous avions effectivement mis en place avec nos clients cette information spécifique -je pense notamment aux contrats en matière de cession d’entreprises qui supposent souvent des négociations préalables longues et fournies- avec corrélativement des obligations de confidentialité mises à charge de l’éventuel cocontractant [obligation reprise dans la loi par l’article 1112-2 [6]].
Pour les autres types de contrats, nous revoyons aussi les procédures de collecte et fournitures de renseignements même si ces dernières étaient déjà bien développées au regard des règles dégagées par la jurisprudence, s’ajoutant et/ou doublonnant aussi avec nos propres obligations de conseil et rédacteur envers nos clients et parties.

D’autres secteurs que le droit des affaires pourront évidemment être impactés comme le droit du travail par exemple. On peut penser que l’employeur détenant bien souvent plus d’informations que le futur salarié, devra veiller à lui avoir fourni tous les éléments nécessaires à son consentement éclairé (durée du travail, rémunération, statut collectif applicable, etc.). L’obligation d’information précontractuelle pourrait également se poser, au-delà de la formation du contrat de travail, en matière de transaction, voire de rupture conventionnelle, etc.…
On pense également aux contrats de sous-traitance dans le bâtiment, les transports…, le domaine est vaste.

Les parties doivent être bien éclairées, bien renseignées pour contracter.

Quels sont donc les Débiteurs et créanciers de l’obligation d’information ?

La définition est apportée par l’alinéa 1 (de l’article 1112-1)

«  celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant  ».

On constate que l’existence et l’étendue de l’obligation d’information dépendent à la fois de la situation du débiteur de cette obligation et de celle de son créancier.

 ? La situation du débiteur

(Par exemple le vendeur de l’entreprise envers un éventuel acquéreur mais nous verrons qu’il ne s’agit pas uniquement du vendeur …).
Il doit connaitre l’information : la partie au contrat, débitrice de cette obligation, qui ne connaissait pas l’information, est de ce seul fait dispensée de la fournir à l’autre partie.
Doit on en conclure que notre vendeur en l’espèce n’aurait pas lui-même à se renseigner pour informer, s’informer, qu’on ne tient pas compte finalement de ses propres capacité, compétence, savoir, expertise ?(6)

Si je reviens à mon exemple concret de contrats de cessions acquisitions.

J’observe une prudence et une attention peut être encore plus grande qu’auparavant lorsque nous sommes le conseil du vendeur.
Celui-ci selon moi doit "anticiper", se monter pro actif et ne pas attendre une demande de documents et renseignements de la part de l’autre partie
Pour ces opérations significatives, le vendeur (son conseil expert comptable ou financier le plus souvent) devra avoir pris soin de préparer ainsi un rapport complet, le rapport de Vendor Due-Diligence (VDD). Parallèlement, les données préparées par l’avocat devront être complètes et structurées.
L’ensemble de ces précautions doit permettre un déroulement harmonieux et facilité de cette phase précontractuelle à l’acquisition future.
Corrélativement dans un souci primordial de sécurisation de cette phase, la loi impose aux parties qui négocient une obligation de confidentialité qui est une véritable nouveauté (avant ce sont les conseils des parties qui prévoyaient conventionnellement cette obligation).

Le rôle des conseils dans cette phase (hommes du chiffre et hommes du droit) est crucial : leurs opérations de diligence raisonnable (due-diligence) deviennent fondamentales (Certains d’entre vous dans le cadre de leur métier seront particulièrement concernés et exposés).
Nous verrons en effet que bien réalisées ces opérations de "due diligence" vont protéger le débiteur de l’obligation, le prémunir de l’ignorance de son cocontractant futur.

Quel type d’informations faut-il fournir ? C’est une information « dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre ».
Point n’est donc besoin de fournir des informations inutiles (et couteuses).
L’alinéa 3 apporte la "définition" de ce caractère déterminant de l’information « Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties »,
Le code civil nous donne ainsi une accumulation de termes à contenu variable, source d’interprétations multiples (et donc d’insécurités probables).

Il est à penser que le juge aura probablement tendance à revenir à ses pratiques et questions usuelles pour nous praticiens et qui permettent de s’assurer d’un consentement libre et éclairé :

L’information retenue (ou erronée) a-t-elle incité le cocontractant à conclure le contrat ? Ou en d’autres termes, si ce futur éventuel contractant avait eu l’information ou la bonne information aurait-il refusé de conclure, ou pour le moins de conclure aux mêmes conditions ?

 ? -La situation du créancier de ce devoir d’information :

Celui qui a le "droit de savoir" (acheteur éventuel dans notre exemple de cession d’entreprise mais parfois … aussi le vendeur qui aura droit de connaitre information de son potentiel acquéreur)

A quelle condition est-on en droit d’attendre d’une partie qu’elle exécute son obligation d’information à l’égard de l’autre ? C’est à la condition « que, légitimement, (l’autre partie) ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ».
Voilà encore des notions à contenu variable qui vont donner une marge de manœuvre importante au juge dont on attendra qu’il dégage ici également ce nouveau standard
Les pistes sont multiples pour cette ignorance légitime : cas où le cocontractant a l’obligation de se renseigner, cas où l’information était parfaitement accessible, l’aptitude à l’information pouvant être technique, économique…
Si nous revenons à notre exemple de cessions-acquisitions, on pourrait parfaitement être plus exigeant à l’égard de parties averties (pourvues de conseils hommes de l’art), l’ignorance de la partie qui va manquer à son devoir de diligence raisonnable (due diligence) sera jugée illégitime.

 ?- L’éviction de l’obligation d’information sur l’estimation de la valeur de la prestation.

L’alinéa 2 de l’article 1112-1 nouveau du Code civil répondant à certaines inquiétudes ? précise

«  Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation ».

On comprend ici que sont visés les marchés immobiliers, ceux de l’art ou encore le domaine des cessions de droits sociaux.

Par exemple dans ce dernier cas, il est courant que les acquéreurs de droits sociaux négocient parallèlement à leur achat, la revente à un prix qui sera bien évidemment supérieur. La jurisprudence ne leur imposait pas d’information sur la valeur de ces actions et sur l’existence de négociations parallèles.
L’acheteur d’un objet d’art, également n’avait pas à informer de la valeur du bien vendu ; le fait -et certains d’entre vous confortent aujourd’hui cette opinion des professionnels- d’estimer une valeur a un coût. Pourquoi faudrait-il spolier son auteur, son détenteur ?
Cette éviction de toute information sur la valeur semble toutefois incompatible avec l’article 1137, alinéa 2, du Code civil, relatif à la réticence dolosive : « Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie ».
Le prix, la valeur du bien n’est il pas le plus souvent, dans la majorité des cas déterminant, que ce soit pour le vendeur ou l’acquéreur dudit bien. ?
Ce sera au juge de résoudre cet apparent conflit.
Il reste que les secteurs qui s’étaient cru protégés (acquéreurs de biens immobiliers,
amateurs d’œuvres d’art et actionnaires-cessionnaires) devront patienter et pourraient même avoir de mauvaises surprises s’ils ne pré-informent pas volontairement l’acquéreur de la valeur du bien.

 ? -La charge probatoire de l’obligation d’information

Pour une fois le législateur nous donne une règle de preuve (contredisant la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation). Elle est posée par l’alinéa 4 de l’article 1112-1 qui dispose

« Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie ».

Ce choix de rupture devrait avoir ce me semble pour conséquence pratique d’alléger considérablement la charge du potentiel débiteur d’une telle obligation car apporter la preuve que les conditions d’une obligation due par l’autre partie étaient réunies sera très difficile.
Les parties pourront toutefois convenir d’aménager cette charge de la preuve car le caractère d’ordre public de ce devoir d’information affirmé par l’alinéa 5 ne saurait concerner selon nous que le fond de ce droit.

 ? Le caractère d’ordre public du devoir d’information est affirmé expressément par l’alinéa 5 « les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir ».
On peut s’interroger sur la coexistence de ce caractère avec l’existence de clauses de confidentialité (liant le débiteur de l’information) ; une partie excipant de cette obligation pourra t elle par exemple refuser d’informer son partenaire de négociations

La généralisation de cette obligation précontractuelle d’information participe certes de cette fin légitime d’obtention d’un consentement libre et éclairé des parties mais le dispositif retenu finalement manque de clarté et de rigueur, sera source de désillusions voire d’effets inattendus.

2. -L’imprévision consacrée : le nouvel article 1195 du code civil

La réforme consacre la théorie de l’imprévision contractuelle bouleversant le droit privé français fixé depuis l’arrêt dit du canal de Craponne du 6 mars 1876 avec de surcroit un très important pouvoir de révision donné au juge par ce nouvel article 1195 [7]. Notre système se rapproche ainsi des orientations européennes et allemandes.
Tous les domaines contractuels sont désormais concernés.
Ainsi déjà dans nos cabinets, du bail ’tout simple", civil ou commercial au contrat de travail en passant par les multiples contrats de la vie des affaires, voire aux nouvelles conventions de divorce de l’article 229-1 du code civil. Tant dans vos professions que dans vos missions d’expert, vous y serez donc confrontés.

Lorsqu’il y a matière à imprévision, la loi prévoit un mécanisme en plusieurs phases
Désormais, quand "un changement de circonstances imprévisibles lors de la conclusion du contrat rend son exécution excessivement onéreuse,"
- -Un contractant peut d’abord demander la renégociation du contrat ;
- -Si cette renégociation est refusée ou échoue, les contractants peuvent convenir de résoudre le contrat ou de saisir le juge pour qu’il l’adapte ;
- -Faute d’accord dans un délai raisonnable, un contractant peut demander au juge de mettre fin au contrat ou de le réviser.

La liberté contractuelle en matière d’imprévision conserve une place de choix : elle est prévue directement par le texte de l’article 1195 qui précise que (l’imprévision ne jouera pas) " pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque".

Il est donc parfaitement possible d’insérer une clause d’acceptation du risque d’imprévision et donc neutraliser l’ensemble du nouveau mécanisme légal.

Voici un exemple de ce type de clause stipulé déjà dans nombre de contrats au cabinet depuis octobre 2016.
Ce type de clause est ce que je pourrai qualifier de "clause confort" pour le praticien conseil/rédacteur puisqu’il pérennise le statu quo ante [8].

- -Si on peut le neutraliser on pourra a fortiori aménager le dispositif de maintes façons

Une clause permettra par exemple
• -De déterminer précisément le type de changement de circonstances de l’alinéa susceptible de déclencher les différentes phases prévues par le reste de l’article 1195,
• -Ou encore décider que le refus de la renégociation du contrat est impossible,
• -Prévoir toutes les modalités possibles de déroulement de cette négociation
• -Imposer pendant cette renégociation, la suspension du contrat,
• -Limiter les pouvoirs du juge, voire les supprimer

La liberté des parties en la matière est grande n’étant limitée que par leur imagination, celle de leurs conseils, et les autres limitations légales ….
Ainsi pour apprécier la validité de ces clauses, il conviendrait déjà de connaitre la catégorie de contrat dans laquelle elles sont stipulées.

C’est examiner le problème des clauses abusives de l’article 1171.

3. -Le déséquilibre significatif des clauses abusives de l’article 1171

Désormais la notion de (lutte contre les) clauses abusives se généralise dans le droit commun des contrats (à l’aune de l’évolution européenne).

Avant Il y avait des droits spéciaux d’ordre public
Dès 1978, le déséquilibre a été poursuivi dans les contrats conclus entre les professionnels et non-professionnels, ou consommateurs. Le législateur sanctionna les clauses conférant au professionnel un avantage excessif puis, à compter de 1995 [9], les clauses créant au détriment du non-professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat". Ces clauses sont réputées non écrites dans le Code de commerce par la loi LME du 4 août 2008. Dans les relations entre professionnels, ce déséquilibre est défini comme le fait de « soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » (article L442-6 I 2° du Code de commerce…qui stipule qu’un tel fait engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé de ce fait)

 ? La lutte contre les clauses abusives est organisée par le nouvel article 1171 qui introduit le déséquilibre significatif dans le droit commun du contrat. Le code civil (en filiation directe avec les notions susvisées des droit de la consommation et du code de commerce) consacre cette notion définissant comme suit les clauses abusives :
« Dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite  ».

 ? Le champ d’application est limité aux seuls contrats d’adhésion.
L’article 1110 du Code civil définit le contrat d’adhésion comme « celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties ».
Par opposition au contrat de gré à gré (contrat dont les stipulations sont librement négociées entre les parties),

Suivant que le contrat appartienne à l’une ou l’autre catégorie une clause sera abusive ou non ; l’enjeu est donc fondamental et nul ne doute que le contentieux sera important.
A ce jour, les contours et la définition de ce contrat d’adhésion ne sont malheureusement pas nets et les controverses doctrinales, idéologiques foisonnent. On peut espérer que la loi de ratification (les parlementaires s’étant emparés notamment de ce problème) apporte une clarification en réécrivant cet article 1110 pour ne pas laisser un juge cette lourde tâche.

 ? L’appréciation du déséquilibre significatif s’effectue au regard des droits et obligations des parties mais sur l’économie générale du contrat (et non clause par clause)
L’alinéa 2 précise que ce déséquilibre
• -Ne doit pas porter sur l’objet principal du contrat [10]
• -Ne peut pas porter sur l’adéquation du prix à la prestation [11]
Le juge du contrat aura à apprécier in concreto ce déséquilibre significatif aidé il est vrai déjà par la filiation du code de la consommation et celui des pratiques restrictives de concurrence. Il devra sans doute articuler l’application de ce texte de portée générale avec ces textes particuliers.
 ? Une sanction lourde : la clause créant le déséquilibre significatif est réputée non écrite. On ne pourra donc pas l’opposer au cocontractant victime du déséquilibre ; les autres clauses et conditions restant totalement valables et applicables.

D’un côté pratique, il faudra pour le moins en matière de conseil et rédaction d’acte bien préciser que le contrat a été négocié préalablement pour échapper à la notion de contrat d’adhésion et risquer ensuite une qualification de clause abusive.

En matière contentieuse, les matières traditionnelles d’application de ces clauses abusives risquent d’être dépassées.
Ainsi par exemple en droit du travail, certains confrères spécialistes voient déjà en l’article 1171, un argument pour contester la validité de certaines clauses, déjà "délicates" telles que les clauses de mobilité ou de non concurrence.

Ces quelques exemples vous auront convaincu qu’une vigilance renforcée doit être de mise pour tous les professionnels du droit certes, mais aussi pour vous tous que ce soit, dans l’exercice de vos missions expertales, de votre profession, ou encore des actes courants de votre vie civile. ?

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RÉFÉRENCES
(1) Applicables au 1er octobre 2016, les textes issus de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 sont en cours d’examen par le Parlement qui doit procéder à leur ratification.
(2) Article 1112-1 "Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation. Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie. Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir. Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants."
(3) Pour rappel non exhaustif : La loi est intervenue pour les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur (C. conso. art. L.111-1 à L. 111-3), les contrats de distribution avec un engagement d’exclusivité (C. com. art. L. 330-3, R. 330-1 et R. 330-2) , le contrat d’arbitrage (CPC art. 1456, al. 2 et 1506, 2e). et en matière de vente immobilière d’un terrain ayant abrité une installation classée L514-20 du Code de l’environnement, etc. …
Le juge est intervenu dans les domaines où la loi était absente ou défaillante (assureur, prestataire de services, commissionnaire de transport, vendeur professionnel de marchandise, banquier offrant des produits financiers ou des services financiers ou accordant des crédits, professionnel rédacteur d’actes [praticien du droit], etc.).
(4) Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.
(5) Article 1112-2 "Celui qui utilise ou divulgue sans autorisation une information confidentielle obtenue à l’occasion des négociations engage sa responsabilité dans les conditions du droit commun."
(6) Le texte est en retrait par rapport au projet qui mentionnait "devait connaitre" mais en réalité cela n’aura qu’une portée limitée ; les droits spéciaux n’étant pas touchés par ce droit commun des contrats. Ainsi par exemple le devoir de mise en garde du banquier dispensateur de crédit, le devoir de conseil des rédacteurs d’actes (notaire avocat) ou des vendeurs professionnels, … pour ne prendre que ces exemples qui nous concernent particulièrement dans nos dossiers, ne seront être impactés par cette disposition.
(7) Article 1195 " Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe."
(8) Il est certain que le client en cas de demande de révision de la part de son cocontractant sur la base de 1195 pourra en faire le reproche à son conseil.
(9) Selon les dispositions de l’article L. 132-2 du code de la consommation, "dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, la présence d’une ou de plusieurs clauses abusives est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique"
(10) Cette disposition doit permettre probablement d’écarter tout le droit des suretés par exemple du champ d’application.
(11) La lésion n’est donc pas prise en compte : l’interdiction est posée par le nouvel article 1168 du Code civil.

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