Favoriser la pérennité

Favoriser la pérennité des entreprises familiales : un enjeu majeur pour l’économie

Quand on interroge les entreprises familiales sur leurs enjeux stratégiques majeurs, ce sont les problématiques d’organisation et de structure de la direction qui arrivent en tête. Leurs propriétaires sont plus de 80% à vouloir garder le contrôle de l’entreprise et privilégier une transmission du capital familial.

Mais la complexité administrative et le coût fiscal d’une transmission sont souvent les obstacles cités à la conservation de l’entreprise dans le patrimoine de la famille.

Il est clair qu’avec une taxation entre 31% et 45% de la valeur de l’entreprise en France, l’addition pour conserver le patrimoine familial est salée !

Deux fois moins cher en Allemagne et en Angleterre

A titre comparatif, à l’échelle européenne, le coût fiscal d’une transmission d’entreprise de 10 millions d’euros s’établit à plus de 4 millions d’euros en France (transmission d’une entreprise à titre gratuit au taux de droit commun), contre environ moitié moins au Royaume Uni et en Allemagne. En France, la donation d’entreprise est soumise aux droits de mutation à titre gratuit. Comme en matière de succession, ceux-ci sont calculés suivant un barème progressif après un abattement forfaitaire selon le lien de parenté et la reprise des donations antérieures de moins de 15 ans.
Au-delà de 1 800 K€, le taux de prélèvement est de 45% ce qui explique bien la difficulté à transmettre son entreprise. L’impossibilité de faire face à ces coûts constitue un obstacle majeur à la transmission au sein de la famille sous peine de mettre en danger l’outil économique, sa pérennité et son développement. Les pays européens ont pour la plupart adopté des dispositifs particuliers permettant de réduire ces coûts. Ainsi, ils peuvent se trouver réduits à néant en Allemagne, au Royaume Uni, en Suède et en Italie et de moins d’un million d’euros en France (notamment dans le cadre du pacte Dutreil) pour une valeur d’entreprise de 10 millions.

Parmi les dispositifs plus favorables, le « Pacte Dutreil » permet, dans des conditions complexes et relativement strictes, de réduire l’assiette des droits de 75%.
Globalement, l’engagement collectif sur le pacte Dutreil doit porter sur au moins 20% des titres, avoir une durée de détention minimum et être subordonné à l’exercice d’une fonction de direction dans l’entreprise.
De plus, le maintien des abattements est conditionné par des obligations déclaratives annuelles. Certaines opérations juridiques peuvent par ailleurs remettre en cause le dispositif tant au moment de la conclusion du pacte que de la transmission. A titre d’exemple, la société doit fournir une attestation annuelle certifiant que l’engagement collectif est toujours en cours et que le pourcentage concerné par cet engagement est respecté. Les héritiers doivent individuellement attester qu’ils respectent toujours leurs obligations une fois la transmission réalisée. La complexité de la législation et les conditions d’application du pacte supposent une vigilance particulière de l’entreprise, de la famille et de ses conseils pour prévenir tout risque de remise en cause.

Communication intergénérationnelle

Au-delà des aspects fiscaux économiquement essentiels à l’équilibre financier d’une transmission du patrimoine familial, les actionnaires des entreprises familiales citent également comme point critique dans la transmission, la communication intergénérationnelle (92% selon le dernier baromètre KPMG, European Family Businesses). La transmission peut être affectée par une communication insuffisante entre les différentes générations. Les situations diffèrent si une partie de la famille est impliquée dans la direction opérationnelle de l’entreprise et/ou si une partie de la famille ne participe qu’en tant qu’actionnaire.

Une entreprise familiale est bien plus qu’une entité économique, c’est l’histoire d’une famille porteuse d’une culture et de valeurs transmises de génération en génération et qui font son ADN.
La dimension affective et émotionnelle n’est pas à négliger. Il convient de maintenir la cohésion entre famille, management opérationnel et entreprise et mettre en place des processus de gouvernance pour définir les règles familiales et prévenir les risques de conflit.

Transmettre n’est pas qu’affaire de titres, de parts sociales et d’actions.

C’est aussi donner le leadership à la personne de la famille la plus à même d’assurer la conservation et le développement du patrimoine familial et de ses valeurs, et si cela s’impose, aller trouver à l’extérieur de la famille les talents pour assurer ces fonctions.

Cela suppose une communication claire entre les membres de la famille et donc la rédaction de certaines règles de conduite : Quelles sont la vision et les valeurs de la famille ? Quelles règles s’appliquent quand la famille s’agrandit ? Quels processus mettre en place pour accueillir un membre de la famille au sein de l’entreprise ? Comment préserver le patrimoine familial tout en assurant la reconnaissance de l’actionnaire, etc...
Ce « cahier des charges » souvent non écrit au départ mérite une attention particulière, la composante familiale devenant plus difficile à gérer à mesure que l’entreprise passe de génération en génération.

Dominique DAZZA - KPMG Entreprises Familiales Network
Photo DR

La gouvernance familiale permet de comprendre et de gérer les différents points de vue et priorités de chaque membre de la famille en tenant compte des interactions entre la famille, l’entreprise et son management.
Il n’est pas de vérité unique en la matière : chaque famille construit sa charte en fonction de son histoire. Cependant, elle devra veiller à définir les règles du jeu pour les prévenir d’éventuels conflits et apporter des solutions pour préserver l’unité familiale et son patrimoine.

A la question « quelles sont les options importantes pour votre entreprise dans les 12 prochains mois ? », plus d’un tiers des entreprises interrogées mentionnent, outre les aspects économiques, la transmission de l’entreprise à la nouvelle génération.

Cela nécessite une préparation bien en amont qui dépasse les aspects économiques, juridiques, et fiscaux et permet d’accueillir et d’accompagner les nouveaux talents qui construiront le patrimoine de demain.

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