Notariat : 4 000 professi

Notariat : 4 000 professionnels réunis à Cannes à l’occasion du congrès annuel

L’insaisissabilité de la résidence principale inscrite dans la loi "pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances" est une mesure entrée dans le Droit à la suite d’une proposition faite par le Congrès des Notaires de France en 2006. Ce grand rendez-vous annuel, qui se déroule en 2018 à Cannes, est un lieu d’échanges et de réflexion sur la pratique professionnelle. Il enrichit le débat politique au sens noble du terme en s’appuyant sur l’expérience de terrain des Notaires. Au contact de leur clientèle, ils sont en effet bien placés pour ressentir les évolutions sociétales, les besoins des citoyens à tous les moments de leur vie privée comme professionnelle.

Au cœur de la vie économique du pays

En mettant chaque année un thème à l’honneur - la place de l’enfant, le PACS, etc. - les Notaires apportent donc leur contribution à la vie démocratique du pays. De leur travail synthétisé dans un (gros) volume de plus de 1 300 pages (!) pour cette édition 2018, le Législateur va trouver de nouvelles pistes pour construire, demain, un monde plus en prise avec les réalités. Cette contribution des officiers ministériels est aussi indispensable que souvent méconnue.
Le congrès de Cannes va donc mettre en lumière leurs propositions pour un territoire mieux organisé, pour des pratiques plus respectueuses de l’environnement, du cadre de vie, sur des thèmes aussi variés que la ruralité, le futur des villes, la gestion de l’énergie, et la fiscalité dont dépend la vie économique du pays, donc au final la façon dont nous vivons et travaillons... Maître Emmanuel Clerget, président de l’association Congrès des Notaires de France, a donné une feuille de route ambitieuse aux quatre mille professionnels attendus pour ce congrès !

Urbanisme : la ville du futur devra être compacte et "intelligente"

"Notre réflexion conduite autour de l’article L 101-2 du Code de l’urbanisme, et nourrie des retours de nos clients (...) nous a permis de dégager les besoins des occupants et utilisateurs de la ville de demain". Maîtres Christophe Sardot et Antoine Teitgen ont copiloté la réflexion sur les "terres habitées" et acquis une certitude après ces mois de travail : "nous ne créerons pas la ville (de demain) si les habitants ne sont pas les acteurs de ces projets".
Alors que 95% des Français vivent désormais en ville ou "sous l’influence" directe des centres urbains, il apparaît comme urgent de faire évoluer les outils législatifs et réglementaires pour organiser et partager aux mieux les espaces urbains.
Un télescopage des usages
Au XIXème siècle, avec ses grands boulevards et sa nouvelle organisation territoriale, le baron Haussmann avait transformé Paris, et nous vivons
encore sous les effets de sa vision. Aujourd’hui, le numérique va à son tour bouleverser aussi profondément nos usages de la ville. Il faut inventer de nouveaux systèmes pour une cohabitation harmonieuse entre le logement et le travail, les transports et le maraîchage, les services publics... Cette évolution viendra forcément télescoper la topographie, la sociologie, la propriété, les usages. Les baux, les réglementations des nouvelles activités comme le coworking, l’évolution de la "propriété" vers la location d’une utilisation de services, tout cela viendra s’inscrire dans un Droit encore à inventer que les Notaires pressentent déjà, au contact de leur clients appartenant à ces nouvelles générations qui imaginent un futur différent, plus participatif, plus éco-responsable.
Au législateur de saisir les opportunités, de les traduire maintenant dans les textes.

Fiscalité : imaginer un outil à la fois efficace et incitatif pour l’économie réelle

Maîtres Christophe Le Guyader et Marie-Lore Treffot ont animé, en amont du congrès, la réflexion autour de l’avenir des politiques fiscales. "Parce que le financement est à la croisée des enjeux et le passage obligé d’une vision globale et cohérente de l’avenir".
La commission a tracé des pistes pour une fiscalité qui soit "à la fois cohérente et incitative" pour l’ensemble du territoire, dans sa variété et sa complexité. Voici ses principales préconisations pour le "territoire" :
- Agriculture et forêt  :
Allègement du poids du foncier dans l’entreprise agricole, nouveaux outils à mettre en place pour mieux gérer des aléas climatiques, économiques et sanitaires des exploitations, incitations pour aider les propriétaires forestiers à gérer au mieux de petites parcelles aux revenus aléatoires.
- Efficacité énergétique :
Accompagner les particuliers qui souhaitent se lancer dans la production d’énergies renouvelables, aller vers l’autoconsommation. Imaginer des aides qui permettent des installations sur le long terme, imaginer une fiscalité qui permette des pratiques plus efficaces et vertueuses.
- Ville  : Aux objectifs de lutter contre la pénurie de logements et l’étalement urbain, la commission propose des modifications de la fiscalité, la vente d’espaces constructibles dans les friches industrielles, la surélévation des bâtiments existants.

Agriculture : les enjeux de l’aménagement sur l’alimentation et l’environnement

Il s’agit de nourrir l’humanité ! De cultiver et d’élever de manière "durable", selon le mot qui a fini par s’imposer, après des décennies d’abus de toutes sortes dans les pratiques agricoles qui ont conduit à des difficultés - environnementales, à des problèmes économiques pour les exploitants, à des enjeux de santé publique pour tous...
Aussi n’est-il pas étonnant que les Notaires des villes et ceux du monde rural se penchent sur "l’avenir de nos terres nourricières", grignotées par une urbanisation galopante, mises sous pression par des besoins de rendement, tandis que de vastes régions se dépeuplent et que les populations s’agglutinent autour des grandes métropoles.

Durable, raisonnable...
Cette évolution, qui s’est accélérée ces dernières années, ne sera pas sans conséquences sur les espaces encore dévolus à l’agriculture. Avec les élus locaux, les syndicats d’exploitants et les propriétaires, une équipe du Congrès des Notaires conduite par Maîtres Guillaume Lorisson et Rachel Dupuis-Bernard a mené plusieurs mois de réflexion pour apporter des éléments de réponse à des questions comme "à qui appartient la terre cultivée ? À qui devrait-elle appartenir ? Comment concilier les besoins vitaux, nourrir l’humanité et respecter l’environnement ?".

De ce brainstorming, le Congrès ouvre des perspectives originales qui pourraient inspirer - c’est le but - les politiques publiques en matière d’organisation du territoire, mais aussi de pratiques "vertueuses" pour l’environnement, de fiscalité et de transmission des exploitations...
Autant de vrais sujets, qui doivent être accompagnés par "une législation en mouvement" pour coller à la réalité du moment et des
années à venir.

C’est la façon dont les Notaires cultivent notre jardin. Avec les connaissances de ceux qui connaissent le terroir et les us et coutumes des populations
locales qui font qu’ici on pratique l’arboriculture sous la forme de coopérative, là on est sur du "bio" produit en permaculture, ailleurs en GAEC pour l’élevage de bêtes à viande.
Le constat dressé par les Notaires est inquiétant : à force de régulation, "le système est en train de se nécroser" déplore la commission de travail. Les statuts inventés dans les années 60 ne répondent plus aux besoins d’aujourd’hui. Les officiers ministériels demandent "un choc de simplification" pour les aides afin de "faciliter la transition agro-écologique". Ils s’interrogent sur la pertinence des modèles qui produisent en quantité "industrielle" comme les fermes de 1 000 vaches ou les élevages en batterie de volailles, dénonçant "ces modèles uniques". Pour eux, les petites productions, y compris le maraîchage autour des villes, doivent pouvoir coexister. Ce qui implique d’inventer de nouveaux modèles économiques si nous voulons sauvegarder nos paysages, nourrir sainement les populations et permettre aux agriculteurs de vivre de leur travail. Autant d’objectifs qui sont loin d’être atteints aujourd’hui et qui demandent des traductions concrètes dans notre Droit pour passer des beaux discours aux actes.

Forêt et énergies : renouvelables et rentables

Parce que les énergies de demain seront forcément plus douces que le pétrole et le nucléaire - davantage par la force des choses que par vertu...- il est très largement temps de se préoccuper de la place de la "filière bois" qui est en France chroniquement déficitaire alors que presque un tiers du territoire national est couvert par la forêt.
La commission sur les énergies renouvelables, animée par Maîtres Antoine Gence et Éric Meiller, a travaillé sur les problématiques forêt publique/forêt privée en cherchant à améliorer l’exploitation. Pour qu’elle soit à la fois durable et rentable, pour valoriser la ressource, pour attirer les investissements et participer ainsi à l’équilibre écologique de la planète.
Forêts sans maître, en friches, parcelles renouvelables. Mais aussi groupements forestiers, coopératives... Des outils juridiques existent et sont à améliorer, encore et toujours.
Dans la panel énergétique, l’éolien, l’hydraulique et le photovoltaïque devront être développés, c’est une évidence. Mais pour cela, il faudra d’abord lever des freins pour faciliter de nouvelles installations, pour les intégrer au mieux dans le paysage, pour lever les "blocages juridiques".

Les Notaires sont donc aux premières loges pour "défricher" les textes et permettre aux acteurs publics comme aux propriétaires privés d’améliorer une situation chaotique héritée des usages des siècles précédents.

Photo de Une : l’équipe organisatrice de ce 114ÈME Congrès national ! DR

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