Où en sont les Sociétés

Où en sont les Sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL) ?

On sait que les SPFPL sont des sociétés de participations financières de professions libérales, en somme, des sociétés holding pour l’entreprise libérale, destinées à en favoriser le financement.
On sait également que la loi « Macron » en a modifié le régime, dans le sens d’une « libéralisation » de genre de celle qui a marqué également les sociétés d’exercice libéral (Pet.Aff. 06, n° 3787 du 3 décembre 2015), notamment les sociétés interprofessionnelles (Pet. Aff. 06, n° 3778 du 1e octobre 2015). En particulier, la loi modifie les articles 31-1 et 31-2 de la loi du 31 décembre 1990 relatives aux SEL (Sociétés d’Exercice Libéral).

C’est ainsi désormais « toute personne physique ou morale légalement établie dans un autre Etat membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou dans la Confédération suisse qui exerce, dans l’un de ces Etats, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d’une qualification nationale ou internationale reconnue et dont l’exercice constitue l’objet social de la société et, s’il s’agit d’une personne morale, qui répond, directement ou indirectement par l’intermédiaire d’une autre personne morale, aux exigences de détention du capital et des droits de vote prévues par la présente loi » qui pourra participer à la constitution d’une SPFPL.

La loi prévoit donc déjà la possibilité de trois échelons de détentions récurrentes : 1°/ une détention dans la personne morale associée dans la société associée de la SPF visée à l’article 5-I-B-6° ; 2°/ une détention de cette personne dans la société de participations financières ; 3°/ une détention de cette dernière dans la SEL, que l’on peut désormais qualifier de « société cible », tant le droit commun des sociétés holding investit le domaine des entreprises libérales.

Bien entendu, des mécanismes sont prévus qui doivent permettre aux professionnels en exercice dans les sociétés cibles de détenir une place prépondérante dans la détention du capital social, et plus encore dans la gouvernance de la SPFPL.

La mise en oeuvre de la directive « Services » de l’Union européenne du 12 décembre 2006 n’a donc pas conduit à une dérégulation complète sur ce plan, dans le genre de celle qui a été adoptée outre Manche (Legal Services Act de 2007) où l’on peut voir par exemple une entreprise non juridique financer un cabinet d’avocats.

La loi Macron n’est pourtant qu’une étape qu’il n’est pas inutile de replacer dans le contexte de ce qui la précède et surtout, de ce qui devrait la suivre.

La SPFPL apparaît avec la loi MURCEF du 11 décembre 2001. La loi du 11 février 2004 desserre le cadre strict de ses activités, et la loi LME du 4 août 2008 précise le régime de la détention de la majorité des droits de vote dans la société cible. La SPFPL est encore « mono-professionnelle » ; son régime figure à l’article 31-1 de la loi du 31 décembre 1990. Au 1er janvier 2009, on compte par exemple 96 SPFPL d’avocats.

C’est la loi du 28 mars 2011 qui rebat les cartes de la SEL interprofessionnelle et de la SPFPL en instituant la SPFPL interprofessionnelle, ou pluri-professionnelle, dont le régime est inséré à l’article 31-2 de la loi du 31 décembre 1990. Le décret n° 2014-354 du 19 mars 2014 en fixe les conditions d’application. Par exemple, pour la constitution c’est un mandataire commun qui procède aux formalités, en particulier la phase délicate d’inscription ou d’agrément auprès des ordres concernés ; en effet, le principe est que la SPFPL doit se conformer aux dispositions en vigueur pour toutes les professions représentées ; l’application du principe posera deux problématiques, celle du contrôle conjoint ou croisé de plusieurs autorités (ordre des avocats et ordre des experts comptables), et le cas échéant celle de la mise en œuvre d’une sorte de « socle » commun de règles professionnelles. Du beau travail en perspective.

La loi Macron internationalise la SPFPL. Elle n’est qu’une étape dans cette évolution. Comme souvent, ce sont les décrets d’application qui seront déterminants des conditions de son application pratique. Ces décrets devraient (en principe …) intervenir en 2016. On en rendra compte dans ces colonnes.

Reste une question. Tout cela procède d’une méthodologie de type capitalistique, dont il est encore permis de se demander si elle est pertinente dans une application aux professions libérales. Parfois sans doute, et dans une certaine mesure, comme un moyen utile à l’indépendance de la profession libérale. Mais pas toujours. L’asservissement financier du conseil préfigure un risque d’atteinte aux droits de la personne conseillée. Le droit du citoyen à pouvoir bénéficier des conseils avisés d’un homme de loi indépendant pourrait-il être considéré comme un « droit de l’homme » ?

En tout état de cause, cette logique capitalistique est peut-être déjà dépassée par la mutation numérique de la profession, phénomène qui s’accommode fort bien de la légèreté et de la souplesse des structures.

Par Dominique Vidal,
Professeur émérite,
Avocat honoraire,
Arbitre agréé ICC, IEMA
[email protected]

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