Relations individuelles

Relations individuelles de travail : quoi de neuf avec la loi Macron ?

La loi Macron du 6 août 2015 pour « la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » comporte entre autres dispositions (308 articles) des ajouts et réformes qui touchent aux relations individuelles du travail. Il en est ainsi de l’amplification du droit de « faire travailler » et du droit de contester.

Si l’objectif est de libérer l’économie pour gagner en compétitivité et peut être ( ?) en emplois, il est certain que cette nouvelle loi (encore une…) qui modifiera le Code du travail déjà encombré, ne bouleversera pas la situation globale de l’emploi qui demanderait un traitement autrement plus ambitieux ; les développements qui suivent n’aborderont pas ce sujet qui dépasse d’ailleurs largement le seul « droit du travail ».

Le « Faire travailler plus »

Ce « faire travailler plus » est symptomatique de la période : libérer davantage l’offre pour libérer la demande, à tout le moins répondre aux nouveaux modes de consommation. D’où l’accroissement des amplitudes d’ouverture des magasins et l’extension du travail le dimanche. Ainsi, s’il était jusqu’aujourd’hui distingué entre travail de jour et travail de nuit (entre 21h et 6h), il faudra désormais envisager le travail en soirée. Un nouvel article (L3122-29-1) déroge au précédent (L3122-29) en ce qu’il prévoit, pour les établissements de vente au détail situés dans les « zones touristiques internationales », un report du travail de nuit à compter de minuit.

Les contraintes n’en demeurent pas moins nombreuses, liées à l’existence d’un accord collectif préalable devant contenir des dispositions impératives et l’ensemble aboutir au paiement double des heures ainsi travaillées et à l’octroi d’un repos compensateur équivalent. L’accord exprès de chaque salarié concerné est, en outre, requis.

« Faire travailler le dimanche »

Le travail le dimanche, dont l’évocation même suscite des débats nourris, est assoupli : si nombre de dérogations existaient déjà au principe suivant lequel « dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche », la loi nouvelle en ajoutent : elle crée
des périmètres géographiques particuliers, tels que les zones touristiques internationales (ZTI) ou les gares et étend la notion préexistante de zones touristiques et commerciales.

La possibilité ainsi faite à ces établissements situés dans ces lieux de donner le repos un autre jour que le dimanche est néanmoins conditionnée par la conclusion d’un accord collectif prévoyant une compensation non exclusivement pécuniaire (mesures destinées à concilier vie professionnelle/vie privée, notamment).

Pour les entreprises de moins de 11 salariés, l’accord collectif est substitué par un « référendum » interne, sauf s’il existe un accord collectif territorial susceptible de les couvrir.

Et le texte renforce les dérogations accordées par le maire lequel a la possibilité de supprimer le repos dominical dans les établissements de commerce de détails jusqu’à 12 fois par an, contre cinq auparavant.

Les salariés conservent dans ce cas le « bénéfice » d’une rémunération double et un repos compensateur équivalent, ils devaient auparavant avoir été « volontaires » à travailler le dimanche.

On l’aura compris tout ceci ne constitue en rien une « révolution » mais une « évolution » d’un droit d’essence libérale, mais largement encadré dans une société qui se cherche, oscillant entre l’envie de « faire sauter les verrous » et celle de « protéger », équilibre difficile et périlleux : l’ampliation législative donne, en effet, parfois le vertige.

« Droit de contester »

Principe fondamental s’il en est, le droit d’ester en justice pour ce qui concerne les relations individuelles du travail s’exerce exclusivement devant les conseils de prud’hommes, organisés de manière originale. Paritaire, le Conseil de Prud’hommes est composé de juges élus issus de collèges « employeurs » et « salariés ». En cas de blocage pour rendre une décision, les juges ont alors recours à un juge dit « juge départiteur », magistrat professionnel issu du Tribunal d’instance.
La réforme ici vise notamment à rogner ce paritarisme ancien (Loi de 1848) pour faire entrer, dès le Bureau de Jugement, un juge professionnel, issu du tribunal de grande instance (TGI).

Mais comme rien n’est simple en ce bas monde, la procédure est ainsi nouvellement déclinée :
Au stade du Bureau de conciliation, désormais baptisé « Bureau de conciliation et d’orientation », il sera décidé, à défaut de conciliation intervenue (soit dans 90% des cas), de :

- transmettre l’affaire devant le Bureau de Jugement (système actuel) ;
- ou devant le Bureau de Jugement présidé par le juge délégué du TGI (et non plus juge du tribunal d’instance) ;
- ou porter l’affaire devant un Bureau de Jugement composé de deux (et non plus quatre) juges prud’homaux devant alors statuer, au plus tard, dans un délai de trois mois.

Les deux dernières hypothèses requièrent l’accord préalable des parties au litige. Il faudrait donc que les deux parties soient d’accord pour un traitement rapide de leur dossier, impératif rarement partagé, notamment du côté du défendeur… Ou qu’elles trouvent avantage à faire juger, dès la première instance, leur litige par un magistrat professionnel renonçant d’une certaine manière à la juridiction paritaire qui caractérise « les prud’hommes ».

Seule la pratique déterminera si les options laissées seront de nature à rendre une « meilleure justice », c’est à dire de celle qui garantit les droits de chacun, dans le cadre d’un débat loyal.

Au-delà des techniques procédurales qui n’ont pas, ici, grand rapport avec l’objectif de la loi nouvelle de « libérer l’activité », il y avait eu cependant la volonté de limiter les indemnités susceptibles d’être versées à l’occasion des contestations d’un licenciement prononcé.
Si le principe de l’introduction d’un plafond a été validé par le Conseil Constitutionnel, les sages ont toutefois considéré que le plafonnement des indemnités, en fonction de l’ancienneté du salarié et de la taille de l’entreprise en cas de licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse, est contraire à celui d’égalité.

Indépendamment de cette exclusion d’un point de réforme attendu par bon nombre d’entreprises, et notamment des TPE, on relèvera l’introduction dans la loi nouvelle de la possibilité de recourir à la « convention de procédure participative » ou à la « médiation ». Ces procédures qui s’inscrivent dans un mouvement de « déjudiciarisation » des conflits visent chacune, suivants des règles strictes et préalablement définies, à trouver accord hors du prétoire. Cet accord signé pouvant être toutefois homologué par le juge…prud’homal : on n’est jamais trop prudent !

Point de révolution donc dans les rapports individuels du travail, mais une évolution certainement, dans un patchwork de dispositions qui n’en facilitent pas la lecture et vraisemblablement pas l’efficience !

Photo de Une : © DR

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