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Alain Chateauneuf "Le TGI de Nice a besoin de ressources"

Même si la situation de la juridiction niçoise n’est pas aussi délicate que d’autres en France, elle doit cependant fonctionner avec des moyens humains et matériels suffisants

-  Etes-vous un président heureux à Nice ?
Oui, en un an et demi, j’ai pu m’acclimater facilement à cette ville et à sa région. Cette juridiction a une grande activité, tant civile que pénale, avec ses soucis propres, comme toutes les juridictions de France, mais c’est un bel endroit.

-  Le garde des Sceaux a parlé d’une « justice en voie de clochardisation ». Cela concerne-t-il aussi notre tribunal ?
Toutes les juridictions sont concernées. Nous pouvons avoir des moments avec des difficultés marquées, et des rémissions à d’autres moments. Ce constat est celui des acteurs de terrain - magistrats, greffiers, avocats - sur des difficultés de fonctionnement. Nous les faisons remonter, pas pour notre confort, mais pour la Justice, et pour le service à rendre aux justiciables.

- Y-a-t-il, ici à Nice, des secteurs particulièrement sinistrés ?
Nous ne sommes pas dans une situation aussi tendue que dans la périphérie parisienne, Bobigny ou autres. Mais nous aimerions avoir plus de moyens humains et matériels.

- Le ministère vient de débloquer 107 millions d’euros. Avez-vous des espérances de ce côté ?
Cette somme sera répartie pour des programmations immobilière, des équipements informatiques, des frais de justice... Elle arrivera aussi au niveau des Cours d’Appel et des tribunaux. Nous avons besoin de ces ressources.

- Dans quels domaines ?
Par exemple, pour les frais de justice, nous faisons appel à des experts, des interprètes, des médecins, mais l’Etat les paie parfois avec plusieurs mois de retard. On peut imaginer que ces sommes redistribuées dans les juridictions aideront à nous remettre à niveau. Il faudra aussi de la constance.

- Avez-vous des contraintes d’effectifs, des postes non pourvus ?
Dans l’absolu, la juridiction du TGI de Nice représente 48 postes de magistrats du siège, 16 postes de magistrats du parquet et 125 fonctionnaires. On n’en est pas à ce seuil-là. Aujourd’hui, deux postes sont vacants au siège, au parquet c’est encore plus marqué puisque le procureur est confronté à des absences, pour des raisons diverses, de 25% de son effectif. Nous sommes aussi un peu en dessous pour les fonctionnaires. Cette tension a forcément un impact sur l’activité, sur les délais de jugement. Au service des Affaires familiales, nous n’avons été en effectif complet que pendant trois mois en un an et demi. Ce n’est, évidemment, pas une situation satisfaisante.

- Instruction : + 25% d’informations pénales en 2015. Les juges réussissent à faire face ?
C’est un point de vigilance. Aujourd’hui, nous avons six juges d’instruction sur Nice. Ils travail- lent sur des dossiers complexes (escroquerie, fraude à la TVA, etc.) pour lesquels on estime qu’une enquête classique n’est pas la plus appropriée. Cela représente 250 dossiers par an, soit entre 2 et 4% du total de la délinquance pénale, mais cela prend beaucoup de temps.

-  Nous sommes dans la 2è région la plus violente de France...
Je n’ai pas d’explications sur une sociologie particulière qui expliquerait ces violences. Mais nous devons travailler sur cette situation. Cela veut aussi dire que la Cour d’Assises siège quasiment trois semaines par mois, elle est donc quasi permanente...

- Quid du tribunal correctionnel pour mineurs ?
Il n’est pas encore supprimé, cela fait partie du projet de loi en discussion devant le Parlement. S’il venait à disparaître, cela donnerait plénitude de compétences au tribunal pour enfants qui récupérerait ces dossiers.

-  La Maison d’arrêt surpeuplée, une préoccupation ?
Forcément, pour tous les magistrats. La saturation des établis- sements carcéraux est générale en France mais est encore plus sensible à Nice où l’on atteint 170 ou 180% de taux d’occupation. Cet établissement est ancien mais entretenu. Il présente aussi l’avantage d’être en centre ville, ce qui facilite la communication familiale et celle des avocats. 180% d’occupation ne peut que générer des tensions et des difficultés, mais la solution ne nous appartient pas.

- L’accès à la justice vous paraît-il satisfaisant en France ?
Il ne l’est jamais assez. On essaye d’innover, de nous rendre accessibles, d’aider ceux qui sont en situation de précarité. C’est pourquoi l’on développe sans cesse les permanences d’avocats, les maisons de justice, les points d’accès au droit.

LE TGI EN QUELQUES CHIFFRES
Activité civile :
14 160 affaires nouvelles, 13 672 affaires terminées.
Affaires familiales :
3 712 affaires nouvelles, 3 409 terminées.
Tribunal d’instance :
7 152 affaires nouvelles, 7 685 terminées.
Activité pénale :
63 972 affaires nouvelles.
4 093 jugements correctionnels. 556 comparutions immédiates. 242 ouvertures d’information. 35 arrêts de cour d’assises.
Tribunal pour enfants :
2 387 mesures éducatives. (Chiffres de l’activité 2015 du TGI de Nice)

Photo : JMC Alain Chateauneuf, président du TGI de Nice.

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