Barreau de Nice : Aimable avec l’amiable
- Par Sébastien Guiné --
- le 27 septembre 2024
Malgré des efforts importants depuis quelques années, la justice amiable peine à s’imposer en France. À Nice, le barreau, relance son centre de justice amiable afin de promouvoir les alternatives au procès, dans l’intérêt de tous.
Sous l’impulsion du bâtonnier Emmanuel Brancaleoni et de la vice-bâtonnière Valérie Serra, le centre de justice amiable (CJA) de Nice a pour but de promouvoir l’amiable auprès du plus grand nombre, notamment avec des formations gratuites baptisées « les MARDis de l’amiable ». Le premier, sur la conciliation, a eu lieu le mardi 10 septembre. Entretien avec la présidente déléguée du CJA de Nice, Me Jenny Sauvage-Fakir, avocat-médiateur, également présidente de la commission MARD du barreau de Nice.
Où en est la justice amiable dans notre pays ?
- Me Jenny Sauvage-Faki : On parle beaucoup plus de l’amiable. Il y a eu un élan important au niveau du ministère de la Justice, avec les ambassadeurs de l’amiable et des dispositions prises. Pour s’adresser à la justice, il y a dans certains cas un préalable amiable obligatoire, soit par la médiation soit par la conciliation soit par la procédure participative. Il s’agit de l’article 750-1 du code de procédure civile qui concerne les petits litiges qui n’excèdent pas 5 000 euros, comme les conflits de voisinage. Et il y a le projet d’augmenter cette somme à 10 000 euros. La médiation est de plus en plus développée, la conciliation fonctionne plus ou moins mais la procédure participative, qui repose sur une collaboration des avocats, est encore très peu connue. Ceux qui sont convaincus par la médiation veulent apporter au justiciable cette possibilité de parvenir à une solution sur-mesure. Et nous aspirons également à la pacification des relations même si c’est un peu idéaliste de dire cela. Les gens ne voient pas tous les avantages que peuvent procurer les modes amiables. Beaucoup pensent encore qu’il n’y a que le juge qui peut rendre justice. L’amiable ce n’est pas uniquement pour désengorger les tribunaux. Il y a un peu de ça c’est vrai mais pas que.
Quels sont les avantages des modes amiables ?
- Me Jenny Sauvage-Faki :La rapidité (quelques semaines ou mois au lieu de plusieurs mois voire années), un coût moindre, la confidentialité et le fait d’aboutir à une décision sur-mesure et pérenne. La médiation par exemple permet de traiter le litige dans sa globalité. Dans la médiation, les justiciables sont acteurs de la solution. Et la médiation peut être utilisée à tout moment, avant un procès, pendant mais aussi après. Le juge peut décider de renvoyer en médiation pour éviter aux parties d’interjeter appel mais aussi parce qu’il considère que le conflit n’est pas réglé, donc il invite les parties à rencontrer un médiateur.
Est-ce que l’amiable rencontre un peu plus de freins dans les Alpes-Maritimes, « pays de la castagne » ?
- Me Jenny Sauvage-Faki : J’interviens en tant que référent des modes amiables auprès de la conférence des bâtonniers et, en écoutant les uns et les autres, je me suis rendu compte que nous n’avions pas à rougir. A Nice, l’amiable avance. Nous mettons des choses en place. A Grasse aussi, avec même un pôle dédié au niveau de la juridiction. Et nous avons des associations : AMI Médiation, Alpes-Maritimes Médiation ou encore Médiation 111.
Quelle est la place de l’avocat dans la médiation ?
- Me Jenny Sauvage-Faki : L’avocat a toute sa place, il a un rôle très important. Les avocats connaissent le droit, ils accompagnent les parties et ils rédigent l’accord. Cet accord peut être contresigné entre avocats et depuis fin 2023, il est possible de demander au greffe l’apposition de la formule exécutoire, ce qui vaut jugement. Cela signifie que les avocats ont un pouvoir important mais ils n’en ont pas forcément conscience.
Quelle différence y a-t-il entre la conciliation et la médiation ?
- Me Jenny Sauvage-Faki : La conciliation concerne surtout les petits litiges civils. Elle se fait avec un conciliateur, qui est un auxiliaire de justice et qui va préconiser une solution et qui rédige l’accord. La médiation s’adresse à tous les litiges et le médiateur ne préconise pas de solution et il ne rédige rien. C’est un facilitateur de dialogue dans un espace confidentiel. Selon les critères du CNB, l’avocat-médiateur doit avoir eu au minimum 200 heures de formation. C’est un vrai professionnel, qui est assuré. Il est impartial et indépendant.
Pouvez-vous donner quelques exemples concrets de litiges qui peuvent être réglés par une médiation ?
- Me Jenny Sauvage-Faki :Il y a les litiges familiaux, comme les litiges successoraux, et tous les litiges en matière commerciale. Dans ce domaine, il y a souvent des litiges soit entre associés soit avec des membres du personnel. Et la médiation a toute sa place. Si vous avez une personne dans l’entreprise qui ne s’entend pas avec son collègue, cela met une ambiance catastrophique. La médiation a toute sa place en matière administrative également. Souvent, derrière un acte administratif comme un permis de construire, se cache un conflit de voisinage.
Que manque-t-il pour développer encore plus l’amiable ?
- Me Jenny Sauvage-Faki :Ce qu’il faudrait améliorer c’est l’économie de l’amiable. Cela a commencé. Avec le décret du 28 décembre 2023, l’aide juridictionnelle a été revalorisée pour tous les avocats qui utiliseraient l’amiable. Il faudrait peut-être que le justiciable accepte de payer un peu plus cette justice amiable à un moment donné en lui expliquant que cela lui éviterait de payer beaucoup plus pendant des années. Cela pose indéniablement la question de la justice et de son coût. Tout ce qui est amiable peut venir en amont aussi. Pourquoi ne pas introduire des clauses de médiation dans tous les contrats ? Si vous avez une clause de médiation, vous ne pouvez pas aller en justice. Ce serait incitatif.
1er octobre : « L’assurance et l’amiable » avec Me Thierry Troin et Me Jenny Sauvage-Fakir.
19 novembre : L’avocat et la médiation administrative avec Amaury Lenoir, délégué national à la médiation pour les juridictions administratives et référent médiation du tribunal administratif de Nice et Caroline Zuelgaray, aide à la médiation au TA de Nice.
7 janvier : L’avocat et l’arbitrage, avec Jean-Baptiste Racine, professeur.
Formations gratuites mais inscription obligatoire : [email protected]