Chaire Koyré : comment

Chaire Koyré : comment l’I.A. modifie la pratique du droit

La chaire d’excellence de recherche en droit sur l’intelligence artificielle de la Faculté de Nice reçoit cette année le professeur Benyekhlef, spécialiste de la "cyberjustice". Titulaire pour cette année universitaire de la chaire d’excellence Koyré en droit économique et intelligence artificielle à la Faculté de Droit et de Science Politique de Nice, le professeur Karim Benyekhlef* a donné ce mardi devant les étudiants et les enseignants sa leçon inaugurale.

À la Faculté de Montréal, il dirige un laboratoire de "cyberjustice" regroupant une cinquantaine de chercheurs et de partenaires publics et privés. Il a expliqué comment les autorités canadiennes ont, très tôt, manifesté la volonté d’adapter le fonctionnement de la justice aux nouvelles technologies.

Les métiers du droit seront transformés

Le professeur Karim Benyekhlef
(DR JMC)

Depuis le début de son séjour niçois, le professeur Benyekhlef a déjà pu détailler lors de ses rencontres avec les professions juridiques les différentes expériences menées par Ottawa pour faciliter l’accès du public à la justice, pour réduire les délais et les coûts. Il y a là, pour nous Français, matière à réflexion pour l’Institution dont la modernisation est un chantier toujours en cours... Et aussi pour tous ceux qui concourent au quotidien à l’exercice de la justice - Avocats, Magistrats, Huissiers, etc. - dont les professions sont déjà impactées par le numérique et qui le seront encore plus dans les années à venir par l’Intelligence Artificielle. Une seule certitude : plus rien ne sera comme avant...
"Vous êtes ici dans une université qui innove, qui fédère les énergies et s’ouvre aux autres disciplines, en attirant aussi les ingénieurs et les sciences dures" l’a informé le doyen Xavier Latour, heureux d’accueillir à Nice "un éminent collègue" qui saura partager son travail sur l’IA, notamment sur les moyens de prédiction qui peuvent être utilisés "à bon ou mauvais escient". La directrice de la chaire Koyré, Marina Teller, a rappelé combien la justice algorithmique va transformer les métiers du droit et le droit lui-même.

L’indépendance en question

À Montréal, ville aux quatre Universités et à la grande diversité culturelle, l’IA a trouvé un terreau fertile pour se développer grâce à un écosystème favorable mais aussi grâce à "un programme fiscal depuis vingt ans qui a attiré les entreprises" développant les logiciels. Le professeur Benyekhlef a ainsi rappelé les premiers balbutiements du règlement des conflits en ligne dans les années 97 et 98.
Le nouveau titulaire de la chaire Koyré s’interroge sur les moyens de conserver souveraineté et indépendance face à de puissants groupes comme Google ou Facebook, avec des "clouds" qui stockent dans un éther juridiquement international.

"En Europe, j’ai le regret de vous dire que vous avez raté le bateau, il vous faut maintenant choisir le pavillon sous lequel vous allez naviguer, celui des US ou de la Chine". Au moins, voilà qui est clair...

Les retours d’expérience

À la Maison de l’Avocat de Nice, où le bâtonnier Thierry Troin l’a reçu, le professeur Benyekhlef a disserté sur la "privatisation de la justice" avec ces plateformes qui, outre-Atlantique, permettent de trouver un épilogue aux différends "de faible intensité" portant sur la location immobilière, la consommation etc. Négociation et médiation sont des préalables, les juges n’ayant à connaître des affaires qu’en cas d’insuccès.
"Des conflits sont résolus en ligne, mais la technologie a des effets normatifs. Elle impose des choix aux parties et il faut veiller à l’architecture des plateformes" prévient l’universitaire.
Au Canada, les retours d’expérience des usagers sont positifs, les décisions mieux comprises et admises grâce à des parcours bien balisés et à des efforts d’information du public pendant toute la procédure.

Sans doute une voie d’avenir puisque l’expérience de la plateforme PARLe au Canada, obligatoire avant que le dossier n’atterrisse sur le bureau du juge pour des questions de dette, de logement, de consommation, permet de trouver un accord entre les parties douze fois plus vite que par la voie judiciaire classique et pour huit fois moins cher pour l’état...

Le professeur Benyekhlef, entouré du doyen Latour et du professeur Marina Teller. (DR JMC)

Curriculum express

Professeur à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, le professeur Karim Benyekhlef est le directeur du Laboratoire de cyberjustice qu’il a fondé en 2010. Il est titulaire de la Chaire de recherche LexUM en information juridique et a créé en 1995 la première revue juridique électronique en langue française Lex Electronica.
Il est aussi à l’origine des premiers projets de règlement en ligne des conflits pour faciliter l’accès à la justice par le développement de logiciels. Il dirige maintenant le projet "Autonomisation des acteurs judiciaires par la cyberjustice et l’intelligence artificielle".
Il est cette année professeur invité à la Faculté de Droit et de Science Politique de Nice, titulaire de la chaire Alexandre Koyré, du nom du mathématicien, philosophe et historien des sciences, théoricien de la révolution scientifique. Cette chaire d’excellence pluridisciplinaire dans le domaine de la recherche en droit sur l’intelligence artificielle, dont l’ambition est d’explorer, analyser et critiquer le phénomène Deep Tech sous l’angle juridique, est dirigée par le Professeur Marina Teller.

Chaire d’excellence Koyré : les promotions se suivent...

Dirigée par le Professeur Marina Teller, la chaire d’excellence Koyré pluridisciplinaire dans le domaine de la recherche en droit sur l’intelligence artificielle a reçu l’année dernière Grégory Lewkowicz - qui enseigne à l’Université Libre de Bruxelles, à HEC Paris et à la Goethe Universität de Francfort - comme professeur invité. Il vient de passer le flambeau au professeur Karim Benyekhlef, de la Faculté de Droit de l’Université de Montréal, grand spécialiste de la "cyberjustice" pour laquelle il a mené des travaux pour le compte du gouvernement canadien.

Les deux promotions d’étudiants sont ici rassemblées sur ce cliché devant la villa Passiflore.
(DR JMC)

Visule de Une : Le professeur Benyekhlef (DR JMC)