Confinement : comment

Confinement : comment les huissiers de justice se réorganisent-ils ?

Impossibilité de se déplacer, fermeture partielle des bureaux de Poste et non distribution des recommandés, les difficultés rencontrées par la profession pour la continuation de leurs missions durant ce confinement sont nombreuses. Le président de la Chambre Départementale des Huissiers de Justice des Alpes-Maritimes, Maître Jean-Charles Albertini détaille l’impact du confinement sur les missions de la profession et les actions mises en oeuvre pour pallier cette situation exceptionnelle.

Dès le début de la crise sanitaire la Chambre nationale des commissaires de justice, section huissiers de justice, a pris des mesures rapides de réorganisation et a diffusé à tous les huissiers de France ses directives professionnelles. La Chambre a mis en place un service d’assistance à distance pour répondre aux demandes de la profession et, assure un point d’actualités régulier via une newsletter.

Maître Jean-Charles Albertini explique pour Les Petites Affiches (à distance !) concrètement ce qui a changé dans le quotidien des professionnels.

Est-il possible pour la profession de faire du télétravail ?

Il faut séparer les deux parties de notre travail : il y a la gestion des dossiers, en interne à l’étude, où nous recevons des instructions de clients pour ouvrir des dossiers, exécuter des décisions de justice. Pour cette tâche, on aurait la possibilité de faire du télétravail, mais encore, faudrait-il que, nos gestionnaires puissent avoir accès aux courriers, etc.
La deuxième partie, c’est la signification, c’est-à-dire apporter les actes chez les gens, et ça, en télétravail, ça ne peut pas être fait. Nous sommes obligés de le faire et donc, ce sont les titulaires qui assurent cette tâche.

Comment les huissiers s’organisent-ils pour continuer de travailler ?

Dans toutes les études du département, il a été pris la décision de faire du chômage partiel et de renvoyer tous les employés à leur domicile pour respecter les règles de confinement. Les comptables des études sont les seules personnes qui peuvent faire du télétravail, parce qu’elles peuvent via internet récupérer les relevés de compte et effectuer les opérations bancaires. Mais c’est la seule chose qui peut être faite en télétravail.
Les titulaires sont sur place dans les études. Les études sont donc fermées au public mais une partie des huissiers est sur place.

Constatez-vous une baisse d’activité ?

Bien sûr, nous avons une très forte baisse d’activité, sur l’ensemble de la profession et pas que dans le département, mais aussi partout en France, et ce, pour diverses raisons. D’abord, parce que les clients de contentieux institutionnels dans les études (tels que Pôle Emploi, l’Urssaf, la Caf, les crédits à la consommation, etc) nous ont demandé de stopper toute procédure d’exécution face à la crise sanitaire que traverse le pays.

Ensuite, les tribunaux tournent au ralenti, donc il n’y a plus de procédures de justice qui sortent, puisqu’ils ne traitent que les urgences. Et pour finir, à cause des mesures de précautions imposées par le gouvernement, nous avons réduit le nombre de significations d’actes et nous ne signifions que les actes qui sont urgents.

Durant cette période de confinement où il faut éviter les contacts, comment les huissiers procèdent-ils pour la signification de ces actes urgents ?

Nous avons été obligés de modifier nos modes de significations. Quand nous signifions un acte chez les gens, nous devons, normalement, procéder à « une remise à personne », nous devons rencontrer physiquement le destinataire de l’acte et lui remettre en main propre. À défaut, s’il n’est pas là mais qu’il y a quelqu’un à son domicile, nous pouvons le remettre aussi et s’il n’y a personne mais que nous avons la certitude que le requis habite ici, nous faisons un « dépôt étude », c’est-à-dire qu’on envoie l’acte rédigé de manière très concise et le requis doit venir chercher l’acte complet à l’étude.

Mais avec les mesures de confinement, nous avons dû modifier nos méthodes, en effet, on respecte les gestes barrières et on évite de rencontrer les gens. Ce que nous faisons, quand les gens sont chez eux et nous disent à l’interphone «  oui, c’est bien moi  », nous mettons l’acte dans la boîte aux lettres sans avoir de contacts physiques. À défaut, si nous ne pouvons pas le faire, car la personne est à un rendez-vous médical ou partie sortir son chien, nous faisons un "dépôt étude" mais ce coup-ci, de l’acte au complet.

Concernant les personnes morales, autrement dit, les institutionnels, la Chambre est en train de mettre en place la signification dématérialisée. Si la personne morale acquiesce et donne son consentement, nous pouvons lui signifier l’acte par voie électronique.

Est-il possible de procéder à une signature électronique ?

En matière civile, à partir du moment où le requis déclare son identité, les actes n’ont pas besoin d’être signés. Par contre en matière pénale, la signature est une obligation.
Mais pour respecter les barrières de protection, et à cause de ces mêmes barrières, nous pouvons ne pas faire signer les actes. C’est une exception qui est due au confinement. Nous reprendrons les méthodes normales de signification à la fin du confinement.

Comment cela se passe-t-il avec les délais à respecter ?

Tous les délais ont été suspendus durant la période de confinement. Si, par exemple, une prescription devait tomber le 30 mars, le délai de prescription est reporté à la fin du confinement, puisque, effectivement, il n’y a pas de possibilité de pouvoir traiter l’affaire.

Propos recueillis par Marion Rolland

Photo de Une : Le président de la Chambre Départementale des Huissiers de Justice des Alpes-Maritimes, Jean-Charles Albertini (DR JMC)

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