Téléréalité et droit : (...)

Téléréalité et droit : comment les producteurs d’émissions de téléréalité et les candidats gèrent-ils leur business ?

Les 17,18 et 19 janvier 2017 a eu lieu l’annuel NATPE, à Miami. Il s’agit d’un marché international qui, depuis plus de 54 ans, dynamise les carrières des créateurs de l’audiovisuel par le biais de rencontres avec des acheteurs (chaînes TV et productions) du monde entier !
C’est à cette occasion que le cabinet d’avocats ATurquoise a pu éclairer les producteurs sur les statuts relatifs aux participants d’émissions de téléréalité ainsi que sur la protection effective du format de ces émissions.

Par Anne-Marie PECORARO, Avocat au Barreau de Paris -Cabinet ATurquoise Avocats

Comment le format des émissions est protégé ?

La législation française ne permet pas de protéger les idées par le droit d’auteur.
Cependant, "le format" d’un programme TV peut être protégé s’il décrit de façon précise le programme et s’il diffère "d’un format" standard qui adapterait d’autres programmes de la même sorte. Les juges évaluent alors les ressemblances et les différences entre les programmes télévisés pour identifier une infraction potentielle. La plupart du temps, le juge considère que les programmes sont différents en se référant à des détails qui permettent une comparaison précise entre eux.
À titre d’illustration, dans un arrêt du 26 novembre 2013 (Cass. Com., le 26 novembre 2013, n°12 27.08), la société Endemol a été déboutée dans le litige qui l’opposait à la société ALJ Productions, dirigée par Alexia Laroche-Joubert. Ayant été salariée au sein d’Endemol, elle était accusée d’avoir copié le format d’un programme de téléréalité.
Ainsi, le format de télévision serait protégé par le droit d’auteur seulement s’il remplit les conditions d’une création originale. À défaut, il pourra l’être sur la base de la concurrence déloyale et du parasitisme.
Dans tous les cas, les créateurs et producteurs de l’audiovisuel sont encouragés à procéder à un dépôt pour protéger leurs droits.
Une autre question était au cœur de la discussion ; celle du statut relatif aux participants d’émissions de téléréalité.

Quel statut juridique pour les candidats de téléréalité ?

Les juges ne considèrent pas les participants aux programmes de téléréalité comme étant des artistes-interprètes (affaire Ile de la tentation / TF1 Production - Cass. Civ.1, 24 avril 2013, n°11-19.091).
En effet, pour pouvoir être qualifiés d’artistes-interprètes, les joueurs doivent non seulement prouver qu’ils ont apporté une contribution originale et personnelle par leur performance, mais ils doivent démontrer qu’ils ont exécuté une interprétation.
Une telle interprétation ne peut pas être déduite de l’existence d’un casting ou d’un montage vidéo.
Ainsi, le candidat qui ne joue pas un rôle, qui est lui-même en exprimant ses sentiments naturels lors de situations auxquelles il est confronté, ne peut être considéré comme un interprète.
Les juges français assimilent les participants aux émissions de téléréalité à des salariés (jurisprudence constante confirmée par Cass. Soc., le 18 février 2016, n°14 23.39).
Un faisceau d’indices permet aux juges de recourir à une qualification de subordination entre le producteur et le participant.
Ils se réfèrent notamment à l’existence d’un programme défini à l’avance, se traduisant par des entretiens organisés, des vêtements sélectionnés par la production, un calendrier imposé, le fait qu’il n’existe aucune activité personnelle ou encore lorsqu’il existe une obligation de respecter les instructions fournies par le producteur (Cass. Soc. Le 25 juin 2013, n°12 13.96).
Bien que les candidats soient placés sous la direction du producteur, il n’en demeure pas moins qu’ils doivent nécessairement rester maîtres de leur vie privée.
En effet, les joueurs autorisent généralement les producteurs à pénétrer dans leur intimité mais ces accords sont très encadrés. À titre d’exemple, les informations ou les images ne doivent être utilisées que pour ce qui a été autorisé à l’avance. Le producteur doit donc toujours agir en respectant la dignité des candidats.
Le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) exige d’ailleurs que les producteurs de télévision incluent des conditions spécifiques dans leurs contrats pour protéger les droits fondamentaux des participants.

Et le suivi des candidats à succès par le producteur ?

S’est en effet posée la question du suivi des candidats à succès par les producteurs. En effet, de nos jours, la téléréalité fait naître de nombreuses carrières et permet aux candidats de trouver rapidement une activité lucrative.
Par exemple, Shana et Thibault ; ayant participé à l’émission « Les marseillais », ont créé leur propre marque de vêtements.
D’autres, n’hésitent pas à publier un livre et/ou se faire rémunérer pour leurs apparitions en discothèques. Aussi, l’activité qui paraît être la plus lucrative est celle qui consiste à promouvoir des marques sur les réseaux sociaux, notamment sur Instagram. Par exemple, Caroline Receveur, participante des "anges" compte à ce jour à elle seule 2 millions d’abonnés sur Instagram.
Face au succès des candidats, engendré par leur passage dans des émissions de téléréalité, le producteur dispose de plusieurs moyens juridiques lui permettant de poursuivre son business avec les joueurs.
Il peut par exemple prévoir un contrat plus long. Il pourrait ainsi établir un engagement de plusieurs années avec le candidat, incluant la gestion des activités postérieures au tournage et qui sont liées à l’image générée par l’émission, et une certaine exclusivité.
Il peut également organiser le dépôt des marques potentiellement à succès avant même la diffusion de l’émission de téléréalité.
Enfin, il pourrait utiliser l’image des candidats pour vendre divers objets tels que des casquettes, des sonneries etc.

En résumé, la téléréalité fait l’objet d’un encadrement législatif, tant du point de vue du droit de l’audiovisuel que du droit social, mais les juges devront veiller au respect des droits fondamentaux des candidats.

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