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Transports : le vélo, c’est bon pour la santé et l’économie !

  • le 31 août 2010

A Copenhague, rouler à bicyclette pour se rendre au travail, c’est parfaitement banal. La conférence Velocity, qui réunit des militants et des spécialistes du vélo, s’y est tenue en juin dernier. Les participants cherchent à développer partout ce mode de déplacement, qu’ils estiment meilleur pour le climat, mais aussi pour la santé et ... l’économie.

A l’approche du feu rouge, le flux ralentit. Les premiers se sont déjà arrêtés au carrefour, contraignant les autres à freiner. Ceux qui doivent stopper brutalement ne manquent pas de le signaler aux autres en levant la main gauche, afin d’éviter les accrochages. Lorsque le feu passe au vert, tous remontent rapidement en selle et poursuivent leur trajet sur cette large piste cyclable des faubourgs de Copenhague.
Dans la capitale danoise, 37% des habitants se rendent chaque jour sur leur lieu de travail à vélo, la proportion atteignant même 55% dans le centre-ville. La ville est certes plate, mais le vent, la pluie et la neige sont fréquents, même si en plein été les températures peuvent avoisiner les 30°C. Les conditions demeurent globalement plus difficiles qu’à Strasbourg, la ville la plus « cyclable » de France, qui affiche fièrement son taux de 11% de cyclistes, contre 2 à 3%, maximum dans les autres grandes villes, Paris inclus. « On se sent tout petit », commente Alain Jund, maire-adjoint chargé de l’urbanisme de la capitale alsacienne, qui assistait à Copenhague, du 22 au 25 juin derniers, au congrès Velocity réunissant chaque année des spécialistes du vélo venus du monde entier.

Dans une ambiance joyeuse et vaguement new age, un millier de congressistes, représentants d’associations, universitaires, élus municipaux ou responsables des transports, ont devisé pendant trois jours des bienfaits de la bicyclette. Les organisateurs avaient mis à leur disposition, pour la durée de la conférence, un vélo qu’il était possible, si besoin, de faire réviser dans un atelier de réparation. Lors de la conférence d’ouverture, invités à serrer la main de leur voisin immédiat, les congressistes découvraient des militants du vélo venus du Brésil, du Japon ou du Kenya. Plus tard, ils écoutaient une journaliste canadienne résidant à Santiago du Chili expliquer par une série de raccourcis utopiques pourquoi le vélo est non seulement écologique mais aussi socialement vertueux et même vecteur de démocratie.

Des « voies vertes », synchronisées à la vitesse d’un cycliste

Velocity propose aussi des interventions plus sérieuses, comme celle de la commissaire européenne à l’Action climatique, Connie Hedegaard, de nationalité danoise, venue rappeler qu’« en Europe, les transports demeurent l’unique secteur dont les émissions de gaz à effet de serre augmentent encore ». Selon la commissaire, le vélo, qui « peut facilement remplacer la voiture pour les trajets inférieurs à 5 km », contribue à la lutte contre le dérèglement climatique. En outre, ainsi que le rappelle Frank Janssen, le maire social-démocrate de Copenhague, « l’usage de la bicyclette procure un bénéfice considérable pour la santé ». Pédaler régulièrement « limite les risques d’obésité, d’accidents cardiovasculaires, de maladies mentales », corrobore John Whiteclegg, professeur en « transports durables » à Liverpool. Selon lui, « rouler 100 km par jour à 35 ans génère une espérance de vie de deux ans et demi supplémentaires ».
Pour toutes ces raisons, de nombreuses villes se sont résolues à développer les déplacements à vélo. A Copenhague, il semble que la tendance soit naturelle. « C’est un moyen de transport facile, pas cher et beaucoup plus rapide que les autres », explique simplement Niels Torslov, chargé de la circulation à la municipalité. En réalité, c’est la pénurie de pétrole, dans les années 70, qui a mis massivement les Danois en selle. Le légendaire pragmatisme scandinave a fait le reste. En limitant progressivement l’accès du centre-ville aux voitures, en aménageant un réseau cohérent de pistes cyclables et en généralisant l’apprentissage du vélo aux enfants, Copenhague est devenue la ville la plus « cyclable » du monde, à égalité avec Amsterdam. Aujourd’hui, la politique de la municipalité vise à apporter « toujours davantage de sécurité » aux cyclistes, explique Bo Asmus Kjeldgaard, maire-adjoint en charge de l’environnement. La ville dessine de larges pistes, sur lesquelles peuvent circuler trois vélos de front, convenant aussi bien « aux cyclistes pressés qu’à ceux qui aiment faire la conversation », indique Niels Torslov. Lorsqu’elles traversent un carrefour important, les pistes sont peintes en bleu, ce qui les rend aisément repérables par tous les usagers. La municipalité, suivie par des villes de la proche banlieue, a imaginé des « voies vertes ». Il ne s’agit pas, comme en France, de chemins arborés ou d’anciennes voies ferrées bordant un canal bucolique mais d’itinéraires où les feux de signalisation ont été synchronisés selon la vitesse moyenne d’un cycliste.

Le casque mauvais pour l’image

Les spécialistes prônent la généralisation des contresens cyclables, ces voies en sens unique interdites aux automobilistes mais autorisées aux cyclistes, ce qui leur permet de joindre plus rapidement leur destination. Un décret impose d’ailleurs à l’ensemble des communes françaises, depuis le 1er juillet 2010, d’instituer ces contresens dans toutes les « zones 30 », dans lesquelles la vitesse des véhicules est limitée à 30 km/h.
Ces voies existent également à New York, où la ville a entrepris un remodelage de plusieurs quartiers. « Multiplier par deux le nombre de cyclistes, c’est baisser le nombre d’accidents de circulation », argumente Janette Sadik-Khan, chargée des transports auprès du maire Michael Bloomberg. Aux Etats-Unis, la plupart des cyclistes portent un casque, même si ce n’est pas obligatoire. Rien de tel en Europe. Les spécialistes du vélo s’y opposent : « Cela donne du vélo une image de transport dangereux, ce qui n’est pas le cas », rapporte Mikael Colville-Andersen, photographe et urbaniste à Copenhague. Les statistiques montrent invariablement que le nombre d’accidents de vélo diminue à mesure que les cyclistes sont plus nombreux.
Les participants à Vélocity se sont également attachés à prouver que la pratique de la bicyclette favorisait l’économie locale. Aux Pays-Bas, les petits magasins situés au cœur des villages survivent grâce à la clientèle qui se déplace à vélo. En Autriche, le distributeur Spar, qui détient 1 500 moyennes surfaces, tente de modifier les habitudes de ses clients. Des emplacements pour vélos sont installés à l’entrée des magasins qui proposent des produits adaptés telles que des cadenas ou des sandwiches que l’on peut facilement emporter dans un sac à dos ou sur un porte-bagage. Pour John Whiteclegg, le cyclisme présenterait un dernier avantage. Il favoriserait « la cohésion sociale, à travers les conversations que les gens entretiennent, ce qui est impossible en voiture », souligne-t-il.

Vérité au nord, erreur au sud

Le paradis cycliste décrit par les congressistes de Copenhague est un luxe de pays riches. Dans les pays pauvres, ou émergents, la situation est diamétralement opposée. L’importante proportion de cyclistes indiens ou chinois diminue à la vitesse à laquelle la croissance économique progresse. Pékin ou Dehli comptent depuis plusieurs décennies plus d’automobilistes que de cyclistes. Et en Chine, le district de Shenzhen ou la ville de Qingtao cherchent même à limiter, voire à interdire, l’usage du vélo. En Amérique du Sud, quelques associations, encouragées par des Occidentaux, tentent de convaincre la population de continuer à pédaler, mais l’usage et la possession d’une voiture demeurent, dans les pays émergents, un signe extérieur de réussite sociale.

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