Cyril Messika, président

Cyril Messika, président de l’OIH : « Le marché se tend de plus en plus »

Le président de l’Observatoire Immobilier d’Habitat de la CCI Nice Côte d’Azur explique qu’il devient chaque jour plus difficile pour les actifs de se loger dans les Alpes-Maritimes.

Quelle est la situation du marché de l’immobilier dans le département ?

Cyril Messika - Aujourd’hui le marché immobilier se tend de plus en plus parce qu’on a une problématique aussi bien au niveau du marché de la transaction que celui de la location. Il y avait une problématique de déficit structurel très fort de l’offre dans le neuf. L’ancien arrivait à compenser depuis plusieurs mois mais aujourd’hui, c’est de plus en plus difficile de compenser (baisse de 19 % au 1er semestre 2023). Et de l’autre côté nous avons une problématique locative avec peu de biens alloués à l’année. On assiste à une désalimentation du parc locatif traditionnel au profit des locations saisonnières.

Cyril Messika président de l’Observatoire Immobilier d’Habitat de la CCI Nice Côte d’Azur ©S.G

Quelles sont les principales victimes de cette tension sur le marché ?

- Ce sont les actifs puisqu’ils subissent de plein fouet la hausse des taux d’intérêt bancaires, la hausse du prix des matériaux. Aujourd’hui ils sont au centre de la problématique du logement. Il existe une schizophrénie dans notre département. Il y a deux marchés : le marché avec les prêts bancaires et le marché sans prêts. Les transactions sans prêts restent dynamiques sur le marché de l’existant. Ce n’est pas du tout le cas pour les primo-accédants.

Les prix ont commencé à baisser en France mais pas ici. Comment l’expliquer ?

- Bienvenue dans un village gaulois, bienvenue sur la Côte d’Azur. Il y a un déficit structurel de l’offre, d’année en année. Aujourd’hui les acquéreurs ont du mal à trouver un appartement, ce qui explique que les prix, pour le moment, ne baissent pas. Il y a même une augmentation des prix au niveau de l’existant (+ 8 % au 1er semestre 2023) et au niveau du neuf (+ 5 % pour les ventes au 1er semestre 2023).

Quels leviers pourraient être actionnés afin d’améliorer la situation ?

- Les leviers sont nombreux. On peut agir sur la fiscalité mais avec l’exécutif c’est très difficile. Commençons par libérer des terrains, arrêtons d’attaquer systématiquement les permis de construire et travaillons ensemble avec les collectivités et les professionnels et on aura déjà fait une avancée. La priorité aujourd’hui est d’être écouté. Il faut se mettre autour d’une table et dire pourquoi ça bloque. Quand on remet un permis de construire il est systématiquement attaqué. Pour quelles raisons ? Les promoteurs reçoivent un retour : permis refusé. On navigue à vue. Dites-nous ce qui ne va pas et cela nous permettra d’avancer.

Une enquête pour mesurer l’influence du logement sur les salariés


« La Chambre de commerce et d’industrie va lancer une grande enquête sur les entreprises de plus de 20 salariés. Et elles sont nombreuses dans notre département », a indiqué Cyril Messika. L’objectif est de « mesurer l’impact du logement sur les salariés, sur les personnes qui travaillent en entreprise. Quel est l’impact réel du logement sur nos entreprises ? Est-ce qu’elles vont rester, partir, s’agrandir ? Cela nous permettra de répondre de manière plus fine d’ici quelques semaines ou quelques mois  », a complété le président de l’OIH.

Le logement est « en soins palliatifs »


Invité par la CCI Nice Côte d’Azur, Pascal Boulanger, président national de la Fédération des promoteurs immobiliers s’est prêté au jeu de la séquence des « 10 questions à … », rendez-vous habituel des AG de la Chambre azuréenne. En se référant au logement, il a assuré que le malade n’était « plus aux urgences mais en soins palliatifs ». Il estime que « depuis les dernières élections municipales, et même s’il y a des maires qui sont des bâtisseurs, les maires, en général, n’ont plus envie de construire, que ce soient des logements, des hôpitaux, des éoliennes… Aujourd’hui, dans l’esprit, un maire bâtisseur est un maire battu. Il y a des régions dans lesquelles c’est violent avec des statistiques qui s’effondrent ».
Pascal Boulanger a également évoqué la «  crise des prix, avec des prix de construction supérieurs à ce qu’on estimait. Il y a cette crise de l’offre qui continue. Et on a maintenant une crise de la demande, c’est-à-dire qu’on a 35 % de ventes en moins, avec un taux de désistement qui est passé de 13 à 51 % ». Il y a trois raisons à cela selon lui : les désistements psychologiques, les refus de prêts et les désistements en raison des opérations qui mettent beaucoup de temps à démarrer. «  C’est une crise multifactorielle », a-t-il résumé : « une crise de l’offre avec des maires qui ne signent pas les permis et des taux de construction incompatibles avec les prix de vente et une crise de la demande avec moins d’acquéreurs et beaucoup plus de désistements ».

Pascal Boulanger s’est prêté au jeu des "10 questions à ..." ©S.G

Ce que proposent les notaires


Les notaires de France se réuniront dans quelques jours à Deauville pour leur 119e Congrès, dont le thème abordé est le logement, avec en ligne de mire un objectif global : « Le devoir de faire mieux, le droit pour faire autrement ». Après « plus de deux ans de réflexion, de documentation et d’échanges, le rapport et les propositions du 119e Congrès des notaires de France 2023 viennent de paraître », a indiqué l’association dans un communiqué du 7 septembre. Treize propositions sont formulées, présentées sous quatre grands axes qui ont été travaillés par trois commissions : développer l’offre de logements, favoriser l’accès au logement, pérenniser le logement et favoriser la rénovation des copropriétés. L’association Congrès des notaires de France souligne que 120 textes législatifs et règlementaires ont jusqu’ici été issus de ses travaux. Ce qui confère un poids évident à ces propositions.

Axe 1 : Développer l’offre de logements

- Proposition n°1 : réduire la durée d’obtention d’un permis de construire définitif par la concertation et par une instruction collégiale et certifiée des projets de logements.
- Proposition n°2 : développer les partenariats entre le public et le privé, notamment par une simplification du droit de la commande publique.
- Proposition n°3 : instituer une autorisation d’urbanisme favorisant la réversibilité du bâti en faveur du logement.
- Proposition n°4 : favoriser la concordance entre les cahiers des charges des lotissements et la règlementation d’urbanisme en faveur du logement.

Axe 2 : Favoriser l’accès au logement

- Proposition n°5 : créer un statut fiscal du bailleur privé global, cohérent et attractif.
- Proposition n°6 : égalité de traitement fiscal de la performance énergétique des logements locatifs nus ou meublés, anciens comme neufs.
- Proposition n°7 : généraliser une offre locative privée solidaire grâce au dispositif « Loc’Avantages ».
- Proposition n°8 : simplifier et généraliser le droit de préemption du locataire pour favoriser l’accession à la propriété.
- Proposition n°9 : maintenir dans le temps les décotes consenties au premier accédant dans les modes d’accession aidés à la propriété.

Axe 3 : Pérenniser le logement

- Proposition n°10 : pérenniser le logement de nos aînés en repensant les solutions viagères dans le cadre familial.
- Proposition n°11 : pérenniser le logement de la famille en clarifiant les modalités de sa vente.
- Proposition n°12 : pérenniser le logement du dirigeant de société en étendant à son profit le bénéfice de l’insaisissabilité de la résidence principale.

Axe 4 : Favoriser la rénovation des copropriétés

- Proposition n°13 : faciliter la rénovation des copropriétés en travaillant la question du tiers-financement afin d’apporter aux propriétaires une solution contractuelle, économique et clef en mains (…).

Photo de Une : Cyril Messika lors de la présentation des chiffres du premier semestre 2023 à la CCI ©S.G

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