Depuis cinq siècles, (...)

Depuis cinq siècles, Le Moulin d’Opio met la nature en bouteille

Près de la moitié de l’huile d’olive produite dans les Alpes-Maritimes est issue du Moulin d’Opio. Une entreprise gérée par la même famille depuis sept générations.

Les vénérables meules en pierre et leurs engrenages de bois trônent toujours dans le bâtiment datant du XVe siècle, sur les bords de la Brague. C’est là que le moulin d’Opioa désormais sa boutique, véritable maison du terroir où l’établissement commercialise ses produits à base d’olive et une large gamme de spécialités issues de l’agriculture et de l’artisanat de la région. Au terme d’un labeur séculaire, l’installation traditionnelle a été mise au repos en 1930. Et, après plusieurs opérations d’agrandissement et de modernisation, la trituration est désormais réalisée dans un nouvel espace voisin, via la technologie industrielle dite de "la chaîne continue".

L’or vert ! DR J.P

Par trituration il faut entendre la transformation des olives en huile, grâce à un process capable de traiter 2,5 tonnes de fruits par heure. Une fois lavée, la matière première est broyée jusqu’à l’obtention d’une pâte dont est extraite l’huile, à l’issue d’un savant malaxage, puis d’une phase de centrifugation. "En moyenne, nous traitons chaque année 600 à 700 tonnes d’olives récoltées dans les Alpes-Maritimes", indique Christine Michel, qui dirige le Moulin d’Opio aux côtés de son fils, Julien Hamard. "Mais notre activité étant liée aux aléas climatiques, les quantités sont bien sûr variables d’une saison à l’autre". Propriété de la famille depuis 1848, soit sept générations, le site est devenu le plus important pôle maralpin de fabrication d’huile d’olive. "Nous accueillons environ 45% de la production du département. Elle provient à 90% de petits oléiculteurs amateurs, adeptes de l’autoconsommation, pour lesquels nous assurons une prestation de service".

Une saison généreuse

Tous les possesseurs d’oliviers sont donc des clients potentiels de l’entreprise, qui compte quelque 3 800 apporteurs d’olives venus le plus souvent du pays grassois, de la vallée du Loup et du bassin vençois. La récolte, qui s’étale généralement de fin octobre à fin février, est particulièrement abondante en cette saison 2020-2021. Tant mieux, car elle fait suite à un millésime catastrophique. "Nous n’avons reçu l’an dernier que 40 tonnes, le chiffre le plus bas jamais réalisé au Moulin d’Opio. Je me suis un moment interrogée sur la pérennité de la société", confie Christine Michel, qui a pu compter sur un inattendu coup de pouce au cours de l’automne dernier. "Au-delà de la charge importante sur les arbres en 2020, le confinement a offert plus de temps aux gens au moment d’effectuer la récolte". Et la filière a pu obtenir du gouvernement une autorisation de transport vers les moulins pour que l’aubaine ne soit pas gâchée.
La patronne sait déjà que son tonnage moyen sera nettement dépassé dans quelques semaines. Mais qu’il ne battra pas le record de 1 600 tonnes enregistré lors de l’hiver 1991-1992. "Il y avait tellement de travail que mon père a dormi durant trois mois sur les sacs d’olives. Il n’a dû passer que deux ou trois nuits à la maison. Nous ne connaîtrons plus jamais une telle situation, car le paysage oléicole a changé. Les professionnels de l’oléiculture sont de plus en plus rares et la plupart des amateurs n’ont pas la connaissance et les moyens de tirer le meilleur de la productivité de leurs oliviers".
Ce n’est pas pour rien si le modèle économique du moulin ne repose qu’à 30% sur la prestation de service. Christine Michel et son fils fabriquent en effet leurs propres huiles et olives salées grâce à leur verger de 700 pieds labellisé en appellation d’origine protégée "Olive de Nice". "Nous achetons aussi des récoltes dans les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône et les Hautes-Alpes que nous transformons et écoulons sous notre marque en "Huile de France". Un business axé à 80% sur la vente directe dans le magasin historique. "La commercialisation par correspondance représente 10% des volumes, de même que l’export". Il est orienté vers les États-Unis et l’Europe du Nord, où les offrandes de la nature, depuis si longtemps mises en bouteille au Moulin d’Opio, ont leurs fidèles.

Photo de Une : Christine Michel, co-gérante du Moulin d’Opio, a pris la suite de son père, Roger Michel, en 1997. DR J.P

deconnecte