C'est grave docteur (...)

C’est grave docteur ?

Après le départ à la retraite de ses deux médecins n’ayant pas trouvé de successeurs, cette petite communauté de communes de la France profonde (dans le Berry, c’est vous dire !) pensait avoir trouvé LA solution pour permettre l’accès aux soins d’une population vieillissante. Grâce à diverses aides, elle a investi un peu plus de 700 000 euros, pour elle une fortune, pour construire une maison de santé.
Inauguration et coupage du ruban, deux praticiens, une infirmière, un kiné (à temps partiel), tous exerçant en libéral. Le bonheur était dans le pré. Pas pour longtemps. Pendant la crise sanitaire, l’un des deux médecins s’est révélé être antivax et a été suspendu. Il a plié bagages, et n’a pu être remplacé. Sa collègue restante seule est débordée, ne prend plus de nouveaux patients parce qu’elle multiplie déjà les heures de consultation.
Dans ce pays de George Sand, il faut donc disposer d’une voiture et s’armer de patience (plusieurs semaines) pour aller consulter à la sous-préfecture distante de 25 kilomètres parce que dans le village voisin le plus proche les toubibs sont eux aussi débordés et ne prennent plus de nouveaux patients…
Inutile d’insister sur le sentiment d’abandon ressenti par la population. Pour une consultation de spécialiste, c’est en longs mois qu’il faut compter pour obtenir un rendez-vous à 60 kilomètres de là.
Conscients du problème, deux cents députés de tous les bords – sauf du RN qui n’a pas été invité à se joindre – ont préparé une proposition de loi transpartisane pour lutter contre les déserts médicaux. Des zones blanches où il vaut mieux ne jamais tomber malade, et qui s’agrandissent chaque année. Ces élus voudraient réguler les installations des jeunes médecins en fonction des besoins du territoire. Pour l’instant, malgré leur ’agit-prop’ (réunions, pétitions, etc.), leur proposition n’a pas été validée par la commission des affaires sociales et ne peut donc être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée…
En attendant, dans son petit patelin berrichon, Mme Michu continue à avoir mal à l’épaule, et son voisin a noté sur le frigo le rendez-vous chez son cardio pris en janvier pour septembre car « il ne s’agirait pas de le louper »…
Le ministre de la Santé François Braun, qui est aussi médecin, n’ignore rien de la situation. Avec son entourage, il considère cependant que l’installation forcée de jeunes médecins dans nos vertes campagnes n’est pas LA solution car les blouses blanches s’en iraient vers la ville après deux ou trois années d’exercice.
L’État, qui a financé une grande part de leur formation, ne serait donc pas en droit de leur demander cet effort ? Après tout, du temps du service militaire obligatoire, on ne demandait pas aux trouffions s’ils avaient envie d’aller à Canjuers ou Mourmelon. Et l’on ne demande pas aux profs en début de carrière s’ils ont envie d’être nommés à Vesoul ou à Vierzon...
J’entends d’ici les protestations (bien légitimes !) des futurs médecins qui ne sont en rien responsables du numerus clausus nous ayant amené à cette situation. Il y a longtemps, quelqu’un, quelque part, a eu l’idée
« géniale » de limiter le nombre de praticiens en pensant que du même coup on allait réduire les frais de santé. En attendant, Mme Michu a toujours mal à l’épaule et la doctoresse du village prend à la volée, entre deux RV sur un agenda surbooké, la mère de famille qui arrive avec son bébé fiévreux. Chronique ordinaire et quotidienne...

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