Le "calibrage" de l'info

Le "calibrage" de l’info

Si l’adage populaire selon lequel « les extrêmes se rejoignent » n’est pas toujours vérifié dans la nature (l’eau et le feu, le solide et le liquide par exemple), il se confirme en revanche jour après jour dans notre monde politique tricolore. L’actualité récente en donne encore deux exemples si saisissants qu’ils relèveraient presque de la caricature.

Le premier est celui de Jean-Luc Mélenchon, toujours attiré par les micros comme un papillon de nuit par des lumières. Il a piqué il y a quelques semaines une bonne grosse colère sur le plateau de BFM-TV au motif que les journalistes lui auraient tendu « un piège » en lui posant des questions pas annoncées à l’avance sur la réintégration d’Adrien Quatennens à l’Assemblée. Drapé dans son courroux, le chef insoumis a claqué la porte de la chaîne, jurant mais un peu tard qu’on ne l’y prendrait plus. Du moins jusqu’à la prochaine fois, car ses proches ont fait discrètement des pieds et des mains peu après pour que « Jean-Luc » puisse à nouveau venir distiller sa pensée sur cette même chaîne. Nous pensions que l’époque était révolue des interviews préparées comme au bon vieux temps de l’ORTF, ou comme encore maintenant à Moscou ou Pékin (liste non limitative).Il n’en est rien, et la semaine dernière c’est l’extrême-droite qui en a donné une nouvelle illustration.

Marine Le Pen se montre plus chatouilleuse avec les médias que son père qui n’hésitait pas à se jeter dans la fosse aux lions, en direct à la radio ou à la télé, avec des gens qu’il savait ne pas partager (du tout) ses idées. Pour lui, iI y avait une réelle prise de risque de se mesurer à des esprits brillants. Il faisait confiance à son verbe et, sauf dérapages fréquents et plus ou moins contrôlés, ne se sortait pas si mal de cet exercice périlleux. Sa participation au « Tribunal des flagrants délires » avec Pierre Desproges, Luis Rego et Claude Villers reste un moment d’anthologie. Avec sa fille, rien de tel. Elle vient de demander à son entourage de ne pas répondre aux sollicitations de BFM-TV au motif que la chaîne d’info en continu a embauché une journaliste (Sophie Dupont) venue de l’émission Quotidien sur TMC pour suivre la formation d’extrême droite à partir de la rentrée. Laquelle n’aurait pas de sympathie assez marquée avec le Rassemblement National, Jordan Bardella considérant qu’elle mène un combat idéologique et qu’il y a donc « rupture de confiance ». Et depuis quand dans une démocratie le politique choisit-il « son journaliste », son sujet, les questions à poser ou à laisser sous le tapis ?

On peut à loisir critiquer les journalistes et leur façon de traiter l’info. Ceux qui ne se reconnaissent pas dans tel ou tel journal peuvent librement en changer. Mais si l’on aspire à une grande destinée on se doit, a minima, de jouer le jeu et la transparence.
Nous avons la chance de vivre dans un pays où l’on peut dire à peu près tout et n’importe quoi sur les princes qui nous gouvernent. Un privilège qui s’étend aussi à celles et ceux qui aspirent à les remplacer. Ils sont donc eux aussi les obligés d’un fonctionnement informatif certes imparfait mais qui est encore, comme disait ce bon vieux Winston Churchill, « le meilleur à l’exception de tous les autres  ».

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