Les fonctionnaires (...)

Les fonctionnaires sous pression

Longtemps la fonction publique a offert sécurité et relatif confort à ses agents. Mais maintenant qu’il faut s’astreindre à de sérieuses économies, le plus gros poste de dépenses de l’Etat ne peut plus être épargné. Selon toute probabilité, voici venir des temps incertains et douloureux pour les fonctionnaires.

La pause estivale et les vacances parlementaires offrent une parenthèse éphémère au feuilleton qui reprendra nécessairement avant même que la rentrée n’ait lieu : le casse-tête budgétaire. Heureux temps pour les autorités que celui où le déficit prévisionnel ne privait pas de sommeil le ministre des Finances, ni ne calmait les velléités dépensières des députés. C’était l’âge d’or où le solde des transactions politiques était porté au compte élastique des emprunts à lever, et les vaches étaient bien gardées. Depuis, les prêteurs sont devenus suspicieux et insolemment exigeants ; ils ont ramené les élus à une lecture rigoureuse des principes intangibles qui régissent les finances publiques partout sur la planète. Notamment celui de l’équilibre budgétaire, que tous ont négligé trop longtemps dans l’indifférence générale. Même la Cour des comptes, s’agissant de notre pays, sans vouloir froisser la susceptibilité de ses magistrats qui s’acquittent avec diligence d’une tâche ingrate : leurs rapports consistent principalement en un recueil de critiques sur la gestion de leurs maîtres. Critiques que ces derniers s’empressent d’oublier dès après que les anomalies les plus saillantes ont été épinglées par la presse.

Encore qu’il faille nuancer le tableau : il semble que depuis quelques années, les administrations publiques se montrent de plus en plus réceptives aux admonestations et s’emploient à corriger leurs travers. Mais sans doute la Cour s’est-elle montrée trop laxiste en omettant de stigmatiser la pratique, devenue ordinaire depuis une trentaine d’années, du vote d’un budget déséquilibré. Car par récurrence, cette facilité conduit mécaniquement à un gonflement irréductible de la dette nationale. Jusqu’à la taille critique où n’importe quel événement imprévu, comme un méchant coup de grisou conjoncturel, rend la situation épineuse. Voire inextricable. Tel est le scénario présent : les pouvoirs publics ont dû s’engager à une gestion millimétrique, pour mériter la confiance des marchés de capitaux et le satisfecit des autorités européennes. Pour autant, cette ascèse revendiquée amènera rapidement la dette historique à 100% du PIB, quand nombre d’économistes estiment que le seuil de 80% constitue la côte d’alerte au delà de laquelle le retour à meilleure fortune devient improbable. Autant dire que les « mesures douloureuses » déjà annoncées promettent de se révéler homéopathiques dans un proche avenir.

« Restructuration » publique

En ce sens, le dernier rapport de la Cour des comptes, publié en juillet, se montre sans doute plus mesuré que la situation présente ne l’exigerait. Non que le ton soit à la sérénité : il n’est pas fait mystère des efforts à accomplir, ni des incertitudes qui grèvent le résultat à attendre des actions déjà entreprises. Le tout laissant entrevoir, de façon subliminale, qu’il faudra se montrer plus exigeant dans les recettes et plus parcimonieux dans les dépenses. Comme s’il s’agissait de sensibiliser le lecteur averti sans affoler le pékin : il est toujours assez tôt pour lui annoncer les mauvaises nouvelles, et il convient de ne pas polluer ses vacances. Il en résulte que les hypothèses de nouvelles et larges ponctions sont déjà posées, ce qui ne surprendra personne. Mais c’est avec insistance que la Cour s’attarde sur le volet dépenses de la maison France, une démarche que l’on ne saurait critiquer. D’abord parce que notre pays, avec une constance qui ne l’honore pas, démontre une incapacité tenace à réaliser les économies auxquelles il prétend s’obliger en début d’exercice. Ensuite parce que la dépense publique pèse aujourd’hui… 56% du PIB. C’est-à-dire beaucoup plus que le taux annoncé des prélèvements obligatoires supposés couvrir les besoins du pays. On peut toujours contester la pertinence du PIB comme référence dans la comptabilité publique. Mais le déficit budgétaire est énorme en valeur absolue et astronomique s’il est comparé aux… recettes de l’Etat. Il est donc peu douteux que sa réduction, et à fortiori son effacement, ne pourront être obtenus par de seules économies symboliques. Comme l’écrêtement des revenus ministériels, la parcimonie de leurs dépenses de bouche ou de voyage (le train au lieu de l’aéroplane).

Il saute aux yeux de n’importe quel auditeur de première année que la dépense publique est constituée pour plus de 70% de… salaires. Pour réaliser des économies significatives, c’est donc évidemment dans ce poste qu’il faudra, à un moment ou à un autre, sabrer avec vigueur. L’offensive est déjà en cours, mais elle n’est encore que timide. Le signataire parie volontiers sur un appel prochain à la solidarité de la corporation des fonctionnaires (environ 7 millions de membres), qui bénéficie à la fois de la sécurité de l’emploi et d’un pouvoir d’achat supérieur à celui de ses contemporains, selon les statistiques. Sous réserve que les données recueillies soient pertinentes, le traitement actuel du fonctionnaire moyen s’établit à environ 2 300 euros nets mensuels (primes et diverses indemnités comprises), alors que son homologue salarié ne percevrait qu’un peu plus de 1 600 euros. Certes, les transferts sociaux viennent minorer cet écart et rapprochent les revenus disponibles des différents ménages. Mais il ne fait aucun doute que le statut de fonctionnaire apporte à son titulaire une aisance supérieure à celle du commun des mortels. En dépit de l’excellence reconnue de nos administrations, et donc du mérite de ses agents, il faut tenir pour probable que les « privilèges » de ces derniers seront bientôt pointés du doigt. Avant d’être mis à mal. Pour le détail, cf. le sort des fonctionnaires grecs, irlandais ou portugais…

deconnecte