Lionel Canesi : Les (...)

Lionel Canesi : Les experts comptables mobilisés !

Pour Lionel Canesi, président du Conseil régional de l’Ordre, les évolutions actuelles rendent encore plus indispensables les missions confiées à la profession. Entretien.

Comment la profession s’inscrit-elle dans l’évolution légale et réglementaire actuelle ?

Aujourd’hui, nous sommes au virage de la transition numérique. Il nous faut transformer en opportunité tout ce qui arrive et, surtout, ne pas se contenter de rester dans un passé glorieux, sinon nous allons péricliter. Il faut donc réussir cette transition, faire nôtre ces outils pour ce qu’ils peuvent apporter comme gain de temps sur les tâches à faible valeur ajoutée. Il faut aussi que nous allions davantage vers nos clients pour leur apporter un appui dans leur quotidien de chef d’entreprise. L’autre enjeu, c’est le recrutement dans nos cabinets.

Vous ne trouvez pas les bonnes compétences ?

Nous faisons face à une pénurie majeure de collaborateurs.
L’Éducation nationale continue à former des jeunes sur des métiers d’hier : par exemple, on voit bien que la saisie comptable va disparaître avec l’automatisation. Nous avons maintenant besoin de jeunes formés sur de nouvelles technologies, capables de donner du conseil auprès des clients, d’apporter des services. C’est ce type de profil que nous recherchons et sur lequel l’Ordre doit travailler pour assurer la croissance de nos cabinets. Il nous faudra aussi faire évoluer nos collaborateurs par la formation continue.

Ne craignez-vous pas la concurrence électronique ?

Elle arrive de l’extérieur de la profession. On voit aujourd’hui des startups qui lancent des logiciels d’automatisation de la comptabilité. Sauf qu’un expert comptable ne vend pas une prestation de comptabilité, mais un accompagnement, du conseil, de l’analyse.

La future loi PACTE a pour ambition de faire grossir les entreprises : une opportunité pour votre métier ?

J’attends de voir le texte qui sera proposé, parce que pour l’instant il y a surtout du théorique et rien de bien concret qui corresponde à la réalité de ce que vivent sur le terrain les TPE et PME. Quand le texte sera connu, je réunirai une commission à l’Ordre pour analyser l’impact possible pour les entreprises. Transformer une TPE en ETI (entreprise de taille intermédiaire), c’est plus facile à dire qu’à faire...

Signature électronique, archivage, bulletins de paie dématérialisés... Les cabinets savent déjà faire ?

On commence à s’équiper. Mon rôle, c’est que tout le monde prenne l’autoroute et que personne ne reste de côté. On a lancé l’an dernier une opération de formation gratuite sur le numérique pour tous les cabinets.
Il faut encore simplifier les outils, car nous sommes équipés de matériels informatiques différents. Il faudra aussi que les éditeurs de signatures électroniques soient capables de s’adapter aux différentes organisations des cabinets. Pour le bulletin de salaire, le problème c’est son authentification et sa sécurisation.

La RGPD (protection des données) vous donne t-elle de nouvelles obligations et responsabilités ?

On nous demande en fait, comme TPE, d’être meilleurs que Google ou Amazon ! On fait supporter des obligations démentielles, on se donne bonne conscience avec des systèmes compliqués. Par exemple : un cabinet d’expertise comptable détient des informations sensibles, comme la paye. Théoriquement, il devrait faire signer à chaque fois qu’un salarié est embauché une autorisation d’utilisation de ses données. Vous imaginez l’usine à gaz ! On ne peut pas demander à une TPE d’avoir un système d’information infaillible quand le Ministère de la Défense ou le Pentagone eux-mêmes se font pirater ! C’est un sujet tellement complexe que les gens se disent "cela ne me concerne pas". Or nous recevons des mails contenant des factures. Peut-être qu’un comptable va cliquer dessus... Nous avons bien mis en place des systèmes de protection, mais rien n’est infaillible. L’Ordre
prépare une tournée dans la région pour sensibiliser les cabinets à ces
difficultés.

Le prélèvement à la source, une simplification ?

Pour l’État, oui, car il transfère son travail vers les entreprises...

Un travail supplémentaire qui doit être payé ?

Bien évidemment. Quoiqu’en dise Gérald Darmanin, nous allons facturer car c’est un vrai travail supplémentaire, utile à nos clients. Nous les accompagnerons dans le prélèvement.

Comment voyez-vous les choses ?

Il faudra d’abord gérer 2018 année blanche : ce n’est pas simple car il faudra éviter des comportements comme ceux de gens qui n’investiront plus de peur d’un bémol fiscal. Ensuite, en 2019, ce sera la mise en place effective du prélèvement, essentiellement pour les salariés, avec la récupération des taux. Plus facile à dire qu’à faire : nous avons été informés que 500 000 déclarations préremplies sur le revenus étaient erronées... Le ministre, qui a stigmatisé notre profession, aurait été mieux inspiré de dire "merci les experts comptables qui vont nous accompagner dans le prélèvement à la source"... Aujourd’hui, une TPE et PME ne peuvent pas faire autrement que de passer par nos cabinets car le prélèvement est trop compliqué.
Propos recueillis par J.-M. CHEVALIER

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