Loi de Finances rectifica

Loi de Finances rectificative pour 2013 et pour 2014 : ce qui a notamment changé… et ce qui ne changera pas grâce au Conseil Constitutionnel !

La dernière loi de finances rectificative pour 2013 et la loi de finances pour 2014 ont été adoptées le 29 décembre 2013.

A) Ce qui a notamment changé :

1) L’article 4 de la loi de finances pour 2014 a supprimé l’exonération
fiscale de la part des cotisations, dues au titre d’une couverture
complémentaire de santé, qui est prise en charge par l’employeur.
Cette part devient intégralement imposable entre les mains du salarié
bénéficiaire.

Il est à noter que ces dispositions s’appliquent dès la déclaration des
rémunérations perçues en 2013, ce qui entraîne une régularisation
du net fiscal des salariés en vue des déclarations à produire en 2014.

2) Les entreprises qui versent des rémunérations supérieures à 1 million
d’euros, en 2013 et en 2014, à leurs dirigeants et/ou à leurs
salariés sont redevables d’une contribution exceptionnelle de 50 %
sur la fraction de la rémunération qui dépasse 1 million d’euros.
Le
montant de la taxe est, toutefois, plafonné à 5 % du chiffre d’affaires
de l’entreprise réalisé l’année au titre de laquelle la taxe est due.

3) Le régime des plus-values de cession de titres de sociétés est substantiellement
modifié.
Les plus-values de cession de droits sociaux
(parts sociales ou actions) réalisées à compter de 2013 sont intégrées
au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Les régimes d’imposition
libératoires au taux de 19 % ou de 21 % sont supprimés.
Cependant, à titre de mesure de tempérament, il est désormais appliqué
un nouvel abattement pour durée de détention de droits sociaux
« de droit commun »
(art. 150-0 D-1 ter du CGI).

Cet abattement est égal à :
• 50 % du montant de la plus-value lorsque les droits sociaux sont
détenus depuis au moins deux ans et moins de huit ans à la date de
la cession,
• 65 % du montant de la plus-value lorsque les droits sociaux sont
détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession.

Par dérogation au régime « de droit commun », il est instauré un régime
d’abattement majoré dit « incitatif » (art. 150-0 D-1 quater du
CGI) pour les sociétés :

o créées depuis moins de dix ans ;
o répondant à la définition de la PME au sens communautaire ;
o passibles de l’impôt sur les bénéfices ou d’un impôt équivalent ;
o ayant leur siège social dans un Etat membre de l’UE ou dans un
autre Etat partie à l’accord sur l’EEE ayant conclu avec la France
une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la
fraude et l’évasion fiscales ;
o exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale
ou agricole, à l’exception de la gestion de son propre patrimoine
mobilier ou immobilier.

Cet abattement majoré dit « incitatif » est égal à :
• 50 % du montant de la plus-value lorsque les droits sociaux sont
détenus depuis au moins un an et moins de quatre ans à la date de
la cession ;
• 65 % du montant de la plus-value lorsque les droits sociaux sont
détenus depuis au moins quatre ans et moins de huit ans à la date
de la cession :
• 85 % du montant de la plus-value lorsque les droits sociaux sont
détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession.

4) On peut aussi relever une bonne nouvelle pour les entrepreneurs
dans les secteurs de l’innovation : le statut de jeune entreprise innovante (JEI) est prolongé de trois ans pour les entreprises créées
jusqu’au 31 décembre 2016.
En outre, l’exonération de cotisations
sociales patronales à taux plein est rétablie pour les 7 années qui
suivent celle de la création de l’entreprise. Cette exonération n’est
donc plus dégressive à partir de la 4ème année.

B) Ce qui ne changera pas (grâce au Conseil Constitutionnel) :

Le Conseil Constitutionnel joue de plus en plus, on le sait, le rôle de
gardien des libertés publiques.
Il est en particulier devenu au cours de ces dernières années et encore
plus depuis la réforme constitutionnelle de 2008 (avec la création
de la procédure dite de « question prioritaire de constitutionnalité »
ou « QPC »), un rempart contre les excès récurrents du pouvoir en
matière législative.
Lors de sa séance du 29 décembre 2013, le Conseil Constitutionnel
a, dans sa grande sagesse, censuré (et donc annulé) plusieurs dispositions
de la loi de finances pour 2014 qui ont été jugées contraires
à la Constitution.

1) On peut ainsi noter que le Conseil Constitutionnel a notamment
censuré l’article 100 de la loi de finances qui élargissait le champ
de l’abus de droit fiscal prévu à l’article L64 du Livre des Procédures
Fiscales (LPF).

Les députés avaient en effet adopté une définition extensive de la notion
d’abus de droit fiscal, substituant la notion en vigueur de schéma
exclusivement motivé par un but fiscal
par la notion de schéma motivé
principalement
par un but fiscal.

Cette nouvelle définition de l’abus de droit fiscal avait été adoptée
par les députés contre l’avis du gouvernement.
Saisi d’une demande de vérification de la constitutionnalité de l’article
100, le Conseil Constitutionnel a jugé « qu’une telle modification
de la définition de l’acte constitutif d’un abus de droit a pour effet
de conférer une importante marge d’appréciation à l’administration
fiscale
 »
.

Compte tenu des lourdes conséquences fiscales pour les contribuables
(qui sont aussi des citoyens) de l’utilisation d’une telle procédure
(amendes, pénalités, intérêts de retard), le Conseil Constitutionnel a
donc déclaré l’article 100 de la loi de finances contraire à la Constitution
et la disposition a été annulée.

2) Le Conseil Constitutionnel a aussi déclaré contraire à la Constitution
et a de ce fait annulé les dispositions de l’article 27 de la loi
de finances supprimant l’application de l’abattement pour durée de
détention dans le cadre du calcul des plus-values immobilières portant
sur les terrains à bâtir.

Grâce à cette annulation, les propriétaires de terrains à bâtir pourront
continuer à tenir compte d’un abattement pour durée de détention
dans le cadre du calcul des plus-values immobilières de cession, qui
devrait être identique à celui qui s’appliquait depuis le 1er février
2012.

Ainsi, l’exonération d’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux
demeure acquise au-delà d’un délai de détention de trente ans (position
de l’administration fiscale rendue publique en date du 9 janvier
2014 – BOFIP - BOI-RFPI-PVI-20-20-20140109, n°154).

3) Le Conseil Constitutionnel a également déclaré contraire à la
Constitution et a de ce fait annulé une autre mesure qui devait rendre
obligatoire la déclaration
à l’administration fiscale par tous les professionnels
des « schémas d’optimisation fiscale » mis en oeuvre par
les particuliers.
En effet, le Conseil a estimé que cette notion de « schéma d’optimisation
fiscale » était beaucoup trop floue et laissait de ce fait une place
beaucoup trop grande à l’interprétation de l’administration fiscale en
vue de s’immiscer dans les affaires du contribuable, ce qui a été jugé
trop restrictif de liberté.

La position du Conseil Constitutionnel pourrait se résumer ainsi : là où
il y a de la place pour l’arbitraire administratif, il y a recul du droit et
de la liberté des citoyens.

Jamais liberté et Constitution (sous la cinquième République) n’ont
autant sonné en harmonie !

deconnecte