Pr Xavier Pivot " Le cancer du sein recule enfin !"
- Par Jean-Michel Chevalier --
- le 27 avril 2016
Responsable de la recherche à l’INCA, il annonce des progrès thérapeutiques déterminants en génétique pour venir à bout de certains cancers
– Dans quelle direction avez-vous orienté vos recherches ?
Vers la génétique. Car pour soigner, il est nécessaire de comprendre la génétique de chaque patiente afin de pouvoir adapter le traitement à chaque cas.
– Et la difficulté...
Il faut une quinzaine de jours pour obtenir le génome humain, et environ six mois pour dresser celui d’une tumeur. Il y a encore quelques années, ces seules opérations de séquençage représentaient un coût compris entre 60 et 100 000 euros. Et il n’était même pas encore question de traitement thérapeutique !
– Comment êtes-vous sorti de cette difficulté ?
Comme le champ de recherches est immense, l’ONU a demandé aux cancérologues et généticiens du monde entier de travailler ensemble. Les équipes se sont spécialisées. Par exemple, les Australiens ont travaillé sur le pancréas, les Coréens sur les cancers gastriques, les Allemands sur les voies respiratoires et les Français sur le cancer du sein. C’est ainsi que sommes devenus les leaders mondiaux pour faire reculer ce fléau qui concerne entre 7000 et 8000 femmes par an dans notre pays.
– Tout le monde a joué le jeu ?
Tout le monde a participé, même l’Iran, même la Russie ou encore Cuba, malgré leurs relations exécrables à l’époque avec les Etats-Unis. Tous les pays ont mis de côté leurs différends pour travailler ensemble. Certains qui n’avaient pas d’équipes spécialisées ont donné de l’argent, les autres ont mobilisé leurs scientifiques.
– Et concrètement, cela donne quoi ?
Le résultat de ces recherches va révolutionner la situation du cancer. En pratique, 560 tumeurs ont été séquencées, ainsi que tous les gènes et tous les chromosomes. On a beaucoup appris, beaucoup compris, on sait désormais pourquoi des gènes s’emballent et en arrivent à créer des tumeurs. Il suffit d’enrayer ce mécanisme infernal.
– De nouveaux traitements ?
Oui, nous avons découvert des traitements efficaces et bien ciblés sur les cellules. Pour le cancer du sein de type HER2, après tous ces efforts, je suis heureux de pouvoir affirmer que la révolution thérapeutique va arriver prochainement, à l’horizon 2020. Quatre traitements majeurs seront disponibles dès le mois de juin. Il faut se souvenir qu’en 2005, on ne guérissait que 40% de ces cancers, alors qu’avec les traitements actuels, il n’y a quasiment plus de cas de récidive. On mesure le pas énorme qui a été franchi.
– Encore des difficultés à surmonter ?
Evidemment, et la communauté scientifique ne baisse pas les bras. La grande difficulté, c’est lorsque le cancer passe du sein à d’autres organes. Ce mécanisme est compliqué, nous sommes loin d’avoir tout compris. Mais des progrès ont été accomplis et les patientes ont bien raison de garder l’espoir.
– Par exemple ?
En 2000, dans cette situation métastasique, l’espérance de vie était d’un an. Aujourd’hui, avec les traitements dont nous disposons, l’espérance a bondi entre 10 et 15 ans. C’est une révolution qui est en marche. Les progrès sur la génétique vont aider les malades au stade métastasique. On peut espérer bouleverser la donne pour vaincre cette saloperie.
– Tout cela coûte beaucoup d’argent...
Pour arriver à ces résultats, pour déboucher sur la thérapeutique génétique, il a effectivement fallu beaucoup de moyens. En plus des politiques publiques, le premier financier qui s’est levé en France a été la Ligue contre le cancer. Tout cela s’est fait discrètement et avec efficacité. Il faut poursuivre nos efforts !
– Son parcours
Etudes de médecine à Nice (diplôme d’oncologie).
Diplôme de pharmacologie (Paris et Marseille)
Service de pathologie à Gustave-roussy (Paris).
Service d’oncologie à Lacassagne.
Membre de l’iNsErm.
Professeur, chef du pôle de cancérologie universitaire de Besançon.
Président de la biennale monégasque de cancérologie.
Responsable de l’organisation de la recherche sur le cancer du sein à l’institut national du cancer (inca).