Suicides au travail (...)

Suicides au travail : un phénomène encore mal cerné mais bien réel

Épuisée, une directrice d’école a mis fin à ses jours dans son établissement : un cas malheureusement fréquent qui concerne toutes les catégories de personnels

Indices inquiétants

Renault, Orange, H&M, EDF, la police, une directrice d’école, des paysans…
De nombreux cas de suicides au travail ont attiré l’attention du public ces dernières années, y compris dans la proche région. Des drames qui mettent à mal des organisations sensément bien rodées, mais dans lesquelles l’humain sous pression (psychologique, de résultat etc.) finit par craquer, faute d’entrevoir une porte de sortie, parce que l’entreprise n’a pas su détecter à temps les indices inquiétants.

Prévoir... la prévention

"L’extrême souffrance de la personne qui passe à l’acte peut témoigner d’une situation de malaise plus largement répandue dans l’entreprise. La prévention passe donc d’abord par une démarche globale de prévention des risques psychosociaux et, en cas de passage à l’acte, par une analyse de l’acte suicidaire" indique l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS).

Marges de manœuvre

Des études épidémiologiques établissent un lien entre des contraintes de travail génératrices de stress chronique et l’apparition d’une dépression. Celle-ci peut, ensuite, favoriser le passage à l’acte suicidaire. Parmi les raisons, le déséquilibre "entre une forte exigence psychologique et l’absence de marges de manœuvre", mais aussi les situations de harcèlement moral/sexuel ou de violences.

400 par an au minimum

En France, selon les statistiques, 2% des décès auraient un suicide à leur origine. On estime que dans 70% des cas les personnes qui sont passées à l’acte souffraient d’une dépression qui était diagnostiquée… ou pas. On chiffre à 400 par an le nombre de suicides au travail, un chiffre assez estimatif tant il reste de zones de flou autour de ces actes qui ne sont pas forcément déclarés.

Responsabilité

Le lieu du passage à l’acte importe peu, d’autant plus que la loi
(en particulier l’article L.4121-1 du Code du travail) rend l’employeur
"responsable de la santé physique et mentale du salarié". Il est cependant difficile de faire la part des choses entre les facteurs privés ou professionnels d’un mal-être au travail.
Le croisement de ces univers en apparence séparés laisse les entreprises très souvent démunies sur la nature de la réponse à apporter.

DRH mobilisées

La prévention des suicides au travail passe d’abord par une démarche globale de prévention des risques psychosociaux. C’est la mission des Direction des Ressources Humaines - quand elles existent dans l’entreprise - à défaut de spécialistes qui peuvent intervenir pour des diagnostics et la mise en place de "traitements".

Maladie professionnelle

Aucun milieu n’est à l’abri : Bruno Lasserre, vice-président du Conseil d’État, vient d’être mis en examen pour "complicité de harcèlement moral" après la mort d’un agent de l’Autorité de la concurrence qui a mis fin à ses jours à son domicile en 2014. En interne, des voix ont dénoncé un "management toxique" tandis qu’un rapport du CHSCT a considéré ce décès comme "imputable au service" et constitutif "d’une maladie à caractère professionnel".

Une histoire humaine

"Aujourd’hui, samedi, je me suis réveillée épouvantablement fatiguée, épuisée après seulement trois semaines de rentrée" a écrit Christine Renon, directrice d’école à Pantin à ses collègues directeurs et à son inspecteur. Dans ce courrier, elle se dit "très éprouvée" et "anéantie" par une prétendue agression sexuelle entre élèves qu’on lui a demandé de gérer. C’était pourtant une enseignante chevronnée, reconnue, bienveillante. "Débordée" par les 200% de "petits riens" qu’on lui demandait de gérer, chaque jour. Son entourage n’a rien vu venir...

Visuel de Une (Illustration DR)

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