"Staff passion" : l'art

"Staff passion" : l’art d’être faussaire au service de la décoration

Installé au Cros-de-Cagnes, Régis Goldberg, Meilleur Ouvrier de France, réalise des créations exceptionnelles pour des hôtels et riches demeures, sans négliger les "petites" commandes.

En trente six ans de métier, Régis Goldberg a appris "à être à l’écoute du plâtre", cette matière douce comme une peau de bébé "qui donne du relief et cache les parties techniques" avec élégance : rosaces, colonnes, plafonds en vagues, corniches, balustrades, frises, voûtes d’arêtes.

Le staffeur ornemaniste a été distingué cette année du titre de Meilleur Ouvrier de France. À notre arrivée dans son atelier de Cros-de-Cagnes, il polissait les corniches des plafonds de la salle de 350 mètres carrés du restaurant gastronomique Eden Roc à l’Hôtel du Cap : "un de mes plus fidèles clients. Quand on a un gros marché comme celui-là, on se doit aussi de pas négliger les petits clients".

Des adresses prestigieuses

Certains chantiers le monopolisent longtemps : "une demeure privée de 2 000 mètres carrés a nécessité un an et demi de travail. La clientèle est constituée d’hôtels, de particuliers fortunés que nous ne voyons jamais car nous travaillons avec des architectes… Nous répondons aussi à des commandes plus modestes". Le plus beau compliment qu’on lui ait fait : "ce n’est pas cher car c’est de la qualité".

Quelques outils dans l’atelier (DR ML)

Le marché tourne tout seul : "C’est un secteur concurrentiel dans la région, cependant on ne se fait pas d’ombre".
S’il vous est arrivé de tomber d’admiration aux pieds de l’étourdissant escalier à double révolution du Palais des Festivals à Cannes, sachez que Régis en est le maître d’œuvre, intervenant également à l’hôtel Negresco ou au Château Saint Martin au col de Vence. Plutôt que de dresser l’inventaire de ses réalisations prestigieuses, il préfère chercher les mots propres à valoriser une profession méconnue, non sans autodérision : "Avec rien d’autre que de l’eau, du plâtre, de la filasse, beaucoup de connaissances et de savoir-faire, un protocole et du système D, nous exerçons un métier d’art, mais nous sommes surtout des faussaires". Une formation en trois ans dans une école centenaire au nom moyenâgeux Lycée polyvalent du "Gué A Tresme" en Seine-et-Marne, où il apprend l’histoire de l’art et des techniques qu’il développera toute sa vie au contact d’autres staffeurs. De ses premiers patrons, MM. Jaquelin et Jacques Amelot, il parle avec infiniment de respect : "dans ce métier on bouge beaucoup, on se croise et on s’enrichit des rencontres".
Si certains staffeurs font le Tour de France, très vite Régis, diplôme en poche, s’installera sur la Côte d’Azur : "PACA et la région parisienne sont les deux pôles du métier".

La transmission

Une petite entreprise, un grand métier : trois à cinq employés qui vont et viennent, interviennent sur les chantiers, 39 heures réglementaires pour chacun, à peu près le double pour le patron au détriment de sa vie de famille. Sa fille de treize ans lui rend souvent visite pour façonner de petites pièces qu’elle offre à ses amis. C’est une des multiples façons de transmettre. Autrefois, le maniement de la doucine, du larmier, de la gouge, du couteau à enduire, se transmettait en douceur par filiation.
Régis raconte être venu dans le métier par hasard. "Si cet article peut aider à faire connaître ce savoir-faire français qui est d’ailleurs plus apprécié par les étrangers... Napoléon III a imposé le staff dans la décoration de ses appartements "car le plâtre, à la différence du bois, ne brûle pas. Le grand incendie qui avait détruit 80% de Londres en 1666 était resté dans les mémoires..." Le staff prend alors son essor à la Belle Epoque et, depuis, en sont devenus fous "les Saoudiens et les Qataris dans les années 80, les Libanais dans les années 90, les Russes il y a vingt ans, et à présent les Asiatiques qui font travailler beaucoup d’autres corps de métier".
Avec Régis Golberg, ils sont à bonne adresse...

Photo de Une ; Régis Goldberg dans son atelier du Cros-de-Cagnes. (DR ML)

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