Expérimentation à Nice :

Expérimentation à Nice : Stage de « remobilisation » pour adolescents

Il est revenu au garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti de présenter ce premier séjour de « remobilisation » pour jeunes avant un échange entre le Premier ministre et tous les acteurs, dont les 20 participants lundi 22 avril à Nice.


Éric Dupond-Moretti : « Ils vont savoir ce que c’est de vivre ensemble »

Éric Dupond-Moretti a présenté ce premier séjour de « remobilisation » pour jeunes le 22 avril à Nice. ©Sébastien Guiné

« C’est un dispositif tout à fait nouveau. Il ne s’agit pas de punir, aucun acte de délinquance n’a été commis », a prévenu le ministre de la Justice dans l’immense cour de la cité mixte (collège, lycée et enseignement supérieur) du Parc impérial. « Il s’agit de prévenir et la prévention fait évidemment partie intégrante du périmètre du ministère de la Justice. On a bien distingué entre les parents défaillants, qu’il faut sanctionner davantage, et les parents dépassés qu’il faut aider. Des jeunes vont être pris en charge durant 15 jours. Ils vont se lever tôt, vont recevoir des enseignements, davantage de culture, de citoyenneté, de valeurs de la République. Ils vont faire du sport. Ils vont savoir ce que c’est de vivre ensemble », a détaillé Éric Dupond-Moretti, aux côtés de Gabriel Attal et de la ministre déléguée chargée de l’Enfance, de la Jeunesse et des Familles Sarah El Haïry et de la secrétaire d’État chargée de la Ville et de la Citoyenneté Sabrina Agresti-Roubache. Le garde des Sceaux a rappelé le contexte de cette expérimentation : « Après les émeutes de l’été dernier, le président de la République a souhaité que l’on trouve un certain nombre de solutions pour ces jeunes qui sont en train de dériver mais qui n’ont pas commis d’actes de délinquance  ».
Ce séjour ou stage « de remobilisation » pour 20 jeunes âgés de 13 à 16 ans, également qualifié de « séjour de rupture » par Gabriel Attal, a été baptisé « La Boussole ». Il a été mis en place par le gouvernement, par le département des Alpes-Maritimes, qui le finance à hauteur de 60 000 euros et qui assurera un accompagnement de six mois après ces deux semaines, et par l’association PAJE, avec le soutien de l’Education nationale, de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et de la gendarmerie.

« Des citoyens éclairés »

« Pour moi, c’est un investissement », a assuré Gabriel Attal au cours d’un point presse à l’issue de sa visite. « Je préfère dépenser de l’argent pour des internats qui évitent à des jeunes de partir à la dérive et de devenir délinquants plutôt que de devoir dépenser beaucoup plus ensuite pour réparer la délinquance  ». Le ministre de la Justice a expliqué que «  cette nouvelle mesure (avait) pour vocation de s’étendre sur l’ensemble du territoire, hors période scolaire mais aussi durant la période scolaire. Pas besoin de loi, pas besoin de décret, pas besoin d’arrêté, du bon sens et de la concertation ! ». Il a ensuite lancé à l’attention des jeunes qu’il était à leurs côtés et aux côtés de leurs mamans. «  L’idée est de vous aider, de faire de vous des citoyens éclairés », a-t-il assuré.
Le Premier ministre s’est lui félicité de la coordination rapide et efficace entre tous les acteurs du projet : «  On a besoin de travailler tous ensemble sur ce sujet-là, celui de la violence des mineurs. Il ne faut pas avoir peur des mots : il y a un problème de violence chez les jeunes. On voit une violence de plus en plus tôt et manifestement, dans un certain nombre de cas, de plus en plus débridée, avec une sur-représentation des adolescents par rapport au reste de la population générale. M’attaquer à ce problème est l’une des grandes priorités de mon gouvernement. J’ai dit que je voulais qu’on ait davantage recours aux internats. En matière de prévention, l’internat est une très bonne solution. Cela permet de couper un jeune de ses mauvaises fréquentations et cela permet de redonner un cadre quand c’est difficile à la maison. On a autour de 50 000 places d’internat qui sont vides aujourd’hui en France alors qu’on sait qu’il y a beaucoup de parents qui sont dépassés ».

Pour finir, le Premier ministre a souhaité remercier les parents présents : « À travers vos exemples, il y a beaucoup de familles qui vont se retrouver et se dire que ce n’est pas une honte, qu’il y a des solutions ». Avant de mettre un peu la pression sur les épaules des jeunes présents, pas forcément ravis d’être là : « La République met énormément de moyens humains et financiers pour vous accompagner, pour vous donner ce cadre dont vous manquez parfois et pour vous donner des repères ». Entendront-ils son message ?

L’espoir des parents, le mécontentement des adolescents

Temps d’échange avec les parents et les jeunes stagiaires présents ©Sébastien Guiné

Devant les encadrants du stage, les ministres, des élus, d’autres personnalités, comme le préfet, la présidente du tribunal judiciaire ou le procureur de la République de Nice, ainsi que les médias, parents et jeunes ont fait part de leurs attentes et de leur ressenti, invités à le faire par le Premier ministre. « Ce n’est pas une punition que je leur inflige », a confié une mère, informée du dispositif par des médiateurs de quartier, d’autres parents ayant eu l’information par l’établissement scolaire. « J’espère qu’ils pourront sortir de ce séjour avec beaucoup plus de valeurs, beaucoup plus de respect et peut-être qu’ils trouveront leur voie professionnelle pour après. Je les aime, je ne les abandonne pas. Il y a beaucoup plus de choses à faire que de rester dans les quartiers à traîner. Vous allez apprendre énormément de choses », a-t-elle ajouté. Pour un père, « le but de ce séjour est de donner envie à tous ces enfants de raccrocher à des valeurs qui sont les nôtres et à les amener à avoir des envies sur leur avenir. J’espère de tout cœur que cela va marcher  ». Il espère également pour son fils et pour les autres jeunes « un recadrage sur les écrans, sur l’autorité, celle des parents et de l’école  ». En ce premier jour du séjour de remobilisation, les jeunes, tous vêtus d’un jogging bleu marine, ne sont pas apparus des plus motivés. « Ma mère m’a forcé. Elle m’a dit que j’allais partir en vacances, qu’il y aurait des activités mais y’a rien ! Je voulais rester avec mes collègues, dehors  », a affirmé l’un d’entre eux. «  Je ne suis pas content du tout », a abondé un autre, en classe de troisième. « Ma mère m’a obligé. Elle m’a dit que c’était bien mais je vois que c’est pas bien ». Il a toutefois indiqué avoir compris pourquoi il était là. « Je ne suis pas trop intéressé par l’école  », a-t-il confié, ajoutant être « beaucoup sur le téléphone ».

Une organisation militaire et des activités variées au programme

Ce ne sont évidemment pas des vacances  : réveil matinal, dès 7h00, une « revue » de la chambre après le petit déjeuner, un «  rassemblement au rapport sous drapeau », un « réveil sportif » de 9h00 à 9h30 et un coucher à 21h30. Sans oublier l’apprentissage de la Marseillaise le premier jour. Le tout encadré par quatre réservistes de la gendarmerie.

Une sortie au Musée des arts asiatiques est prévue ©V.N

Mais de nombreuses activités et des sorties sont également prévues pour ces 12 jours consécutifs de stage, du lundi 22 avril au vendredi 3 mai. « Les journées seront riches, denses  », a confirmé le directeur du projet pour l’association PAJE, Laurent Buonaccorsi. Des ateliers vont être proposés, comme sur l’estime de soi, par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), sur la justice et l’informatique, par l’Éducation nationale, sur le théâtre de narration (pour aborder le sujet du harcèlement) par le département ou encore sur les addictions, par l’association PAJE et la gendarmerie. Les jeunes vont également faire du sport (boxe et tennis de table notamment) et prendre part à des sorties : bord de mer, site-mémorial du Camps des Milles à Aix-en-Provence (camp d’internement et de déportation), musée des arts asiatiques et cinéma Belmondo (séance suivie d’un débat). Le vendredi 26 avril, il y aura un moment puis un dîner avec les parents. Le plus dur au début pour ces adolescents sera sans doute de parvenir à se passer de leur téléphone. Il n’y avait qu’à voir toute la détresse dans le regard de l’un d’eux au moment où le Premier ministre indiquait que « cette petite cure sans téléphone » lui serait sûrement profitable.

Visuel de Une : ©Sébastien Guiné

deconnecte