Jean Hélion : Retour vers le figuratif
- Par Marie Lesimple --
- le 4 mai 2024
Par quel mystère Jean Hélion, pionnier de l’art abstrait dès les années 20, est-il revenu au figuratif en 1939 avec le tableau « Figure tombée » ? Et y est resté, jusqu’à sa mort en 1987, même lorsqu’il perdit progressivement la vue tout en continuant à peindre ?
Pour essayer de comprendre les raisons de ce revirement spectaculaire - « une mutation tout à fait involontaire » selon lui - il faut se rendre au musée d’art moderne de Paris pour contempler les tableaux réalisés tout au long de sa vie. Le palais de Tokyo sert actuellement d’écrin aux œuvres de ce peintre majeur du siècle dernier. Il propose une promenade labyrinthique dans ses immenses salles à la découverte de cette figure majeure du XXe siècle.
Jean Hélion, c’est un artiste du réel et de l’imaginaire
Il met en scène volume, rythme et mouvement. C’est une personnalité complexe et attachante, un précurseur des figuratifs des années 80, créateur du groupe Art Concret. Un homme avenant, qui fut marié à la fille de Peggy Guggenheim, un patriote qui s’est engagé pour combattre lors de la Seconde Guerre mondiale. Il sera fait prisonnier lors de la débâcle, réussira à s’évader, s’installera à New York. Un personnage de roman, qui publiera le récit de son arrestation en 1940, de sa captivité et de son évasion dans un livre qui fera à l’époque un best-seller.
Il faut bien deux bonnes heures pour suivre le cheminement artistique d’Hélion : toute une série de tableaux à tendance géométrique en début de carrière, puis des œuvres figuratives inspirées de scènes de la rue, des natures mortes, des objets abandonnés qui ont une âme sous son pinceau au travers de recherches plongeant jusqu’au grotesque. Cette vision personnelle du monde a nourri après guerre l’incompréhension des galeristes et du public pendant une bonne dizaine d’années, surpris par ce virage artistique et esthétique qui n’était plus dans l’air du temps en 1950.
Aujourd’hui, on lui reconnaît d’avoir su réaliser la synthèse de l’abstraction et de la figuration et d’expliquer très clairement la reconstruction de l’image à partir de son langage abstrait.
En réalité toute peinture ne repose-t-elle pas sur des règles cérébrales ?
On parle de composition, de lignes de forces, de mises en tension, d’équilibre et de déséquilibre des masses, faisant d’un tableau « une chose à la fois mentale et physique ». La peinture abstraite constituerait donc la synthèse de ces principes.
On peut à présent regarder tout tableau comme une abstraction, comme le fait Jean Hélion, qui analyse une peinture de Poussin dans un film projeté à l’occasion de cette exposition. Il faut prendre le temps de visionner une palpitante série d’interviews où l’on voit le peintre amuser le jeune Zao Wou-Ki, où lon l’entend évoquer l’école de Montparnasse et ses grandes figures Mondrian, Brauner, Kupka, Anatole Jakovsky. Cette école qui concentrait toute l’énergie créatrice mondiale, berceau de l’art moderne, qui a fait de Paris la capitale d’une avant-garde « où logeaient les idées violentes », comme les lignes droites de Mondrian, cette époque où l’art abstrait n’avait pas de poètes.
Marie LESIMPLE
À découvrir jusqu’au 18 mai