Intérêts sans conflit

Intérêts sans conflit

Il est riche d’enseignements, le feuilleton sur le « conflit d’intérêts ». On est bien aise de découvrir qu’à l’initiative du Président de la République, une commission non partisane va « réfléchir à la façon dont on doit ou non compléter ou modifier la loi » sur le sujet. Si l’ambition est de produire un texte qui énumère tous les cas à sanctionner, les réflexions devraient se poursuivre bien au-delà du quinquennat en cours. Aujourd’hui, la loi se limite à interdire certains cumuls manifestement exposés au « risque moral », pour reprendre la terminologie des assureurs. Afin de prévenir les « prises illégales d’intérêts » qui sont, elles, pénalement réprimées. Pour toutes les autres situations, l’appréciation du risque se fait sur des considérations d’éthique. Laquelle n’est pas régie par un Code, hélas pour elle.

Le conflit d’intérêts est consubstantiel à la vie publique et a déjà fait l’objet de multiples réflexions. C’est pourquoi la Commission fraîchement intronisée peut se référer à une Recommandation du Comité des ministres du Conseil de l’Europe, en date du 11 mai 2000 : « Un conflit d’intérêts naît d’une situation dans laquelle un agent public a un intérêt personnel de nature à influer ou paraître influer sur l’exercice impartial et objectif de ses fonctions officielles. L’intérêt personnel de l’agent public englobe tout avantage pour lui-même ou en faveur de sa famille, de parents, d’amis ou de personnes proches, ou de personnes ou organisations avec lesquelles il a, ou a eu, des relations d’affaires ou politiques. Il englobe également toute obligation financière ou civile à laquelle l’agent public est assujetti ». Pour une fois, un texte d’essence européenne se révèle précis et compréhensible.

En bottant en touche sur la question de l’incompatibilité des fonctions de ministre et de trésorier du parti majoritaire, le Président a opportunément évité des interrogations bien plus embarrassantes. En effet, si aux yeux de la classe politique la situation du ministre Woerth soulève un conflit d’intérêts, c’est qu’il est clair pour tous que les grosses donations à un parti, ou à une personne censée le représenter, sont passibles d’un renvoi d’ascenseur approprié. Il y a donc problème si l’intéressé est ministre, à ce titre trop exposé. Mais pour peu que le Trésorier soit un illustre anonyme, il pourra vendre des indulgences fiscales sans être inquiété. Dans le premier cas, il y a présomption médiatisée d’une prise illégale d’intérêts ; dans le second, il y a certitude de discrète concussion. Il n’est pas sûr que l’opinion publique partage le sentiment de ce personnage de Proust : « Croyant tous les hommes politiques véreux, le crime de concussion lui paraissait moins grave que le plus léger délit de vol ».

La recette du jour

Couleuvres à la nage

Vous devez convaincre les invités de vos talents de maître-queux alors que vous n’avez décroché que le premier degré de marmiton. Choisissez de servir de la couleuvre d’eau, la moins difficile à avaler. Comme son apparence est répugnante, enfouissez-la sous un brouet de sauces épaisses et opaques. Si personne ne moufte, vous avez acquis un tour de main délicat en cuisine communicante : l’art de noyer le poisson.

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