Taxes d'opportunité

Taxes d’opportunité

La première qualité, en politique, c’est de ne pas rater une opportunité. En ce sens, notre Ministre de la Santé a su saisir au bond le service de British American Tabacco. Ce grand industriel du tabac vient en effet d’abaisser en France le prix de deux de ses marques-phares. Sans avoir consulté la société, il est facile de deviner l’objectif : sur un marché très concurrentiel assorti d’un pouvoir d’achat faiblissant, la réduction du prix représente un moyen efficace d’augmenter les ventes. Comme les gros fumeurs témoignent généralement une grande fidélité à leur poison favori, il est particulièrement intéressant pour les fabricants de détourner les consommateurs de leurs habitudes. Le coup de marketing de BAT a ainsi « provoqué la colère » de dame Bachelot, qui accuse les industriels du tabac de vouloir attirer de nouveaux fumeurs « tout spécialement des jeunes et des femmes ».C’est pas beau. Mais il semble bien, madame le Ministre, que la capture de nouveaux clients soit l’obsession de tous les industriels, qu’ils fabriquent des clopes, des bagnoles ou des frites congelées.

Qu’à cela ne tienne : « Il me reste un moyen : l’augmentation des taxes sur le tabac pour remettre les cigarettes à un prix dissuasif » annonce le Ministre, qui va proposer cette option au Gouvernement. On voit mal le Premier ministre refuser l’opportunité de ressources complémentaires, au moment où il a, par souci d’économie, sucré sa ration de havanes à un Secrétaire d’Etat. Lequel a dû démissionner, faute de pouvoir supporter sur ses deniers une telle dépense. L’argument de Roselyne Bachelot souffre toutefois d’un manque de rigueur : avec une augmentation des taxes sur le tabac, les promotions de BAT demeureront quand même moins chères que les marques concurrentes. Mais le raisonnement devrait connaître un certain succès : pour lutter contre les excès des “apéros géants” , une majoration des droits sur les alcools serait la bienvenue. Pour limiter les émissions de CO2, un coup de pouce à la TIPP ne ferait pas de mal. Et d’une façon générale, pour réduire les énormes gaspillages dont se rend coupable notre société de consommation, un relèvement massif de la TVA serait tout-à-fait approprié. Finalement, il faut cesser de critiquer les trafiquants de pétun : grâce à leur agressivité commerciale, le budget de l’Etat va se retrouver à l’équilibre avant que l’on ait achevé de consumer notre Cohiba.

La recette du jour

Vitoles à la Tantale

Achetez des havanes hors taxes au bar de l’Assemblée nationale et stockez-les avec soin dans votre humidificateur. Attendez patiemment que les droits sur le tabac rendent son prix dissuasif et allez dealer vos vitoles à la porte du Secrétariat d’Etat au Développement de la région-capitale. Avec les bénéfices, vous pourrez financer votre cure de dénicotinisation.

deconnecte