Deutsche Bank devient

Deutsche Bank devient pompiste

Les banquiers s’ennuient. Prêter de l’argent, voyez-vous, c’est déprimant. Surtout par les temps qui courent : les principaux demandeurs de crédit sont les petites entreprises et les particuliers, dont la solvabilité est douteuse. Ainsi que les Etats, dont bon nombre sont en état d’insolvabilité avérée (mais ne le répétez à personne). Cela dit, aucun obstacle ne vient plus s’opposer à l’octroi de crédits « subprime », ainsi nommés ceux que les emprunteurs ne rembourseront jamais : les autorités du monde entier ont en effet convenu que les grandes banques étaient désormais too big to fail. Et elles ont établi une liste de 20 établissements – liste couverte par le secret de Polichinelle –, qu’elles s’engagent à soutenir coûte que coûte en cas de difficultés. Entendez par là : quoi qu’il en coûte au contribuable. Les banques concernées peuvent donc se lâcher.

Il semble en conséquence que l’une d’entre elles, la Deutsche Bank, ambitionne de transformer ses agences en stations-service. Elle vient de déclarer à l’Autorité des marchés financiers qu’elle a acquis un peu plus de 5% du capital de Total, directement et par le canal de ses filiales. Pas sur le marché officiel où une telle action de concert eût été rapidement détectée, mais sur les dark pools, ces lieux de transactions enténébrés qui échappent à toute réglementation. En prime, elle déclare qu’elle détient 99 millions d’options d’achat supplémentaires (le capital de Total compte 2.38 milliards d’actions) qu’elle ne pourra pas exercer sous forme de livraison de titres – contrairement à l’information (suspecte) véhiculée par les médias du jour –, mais par le seul paiement en numéraire. Donc, de la pure spéculation, qui devrait se révéler gagnante : l’annonce de son entrée massive dans l’affaire va doper le cours. Une véritable partie de bonneteau, dans laquelle le teneur de jeu est quasiment certain de son coup. Avec de telles pratiques, on peut imaginer que les banques deviendront bientôt les principaux actionnaires de la grande distribution et de l’automobile, par exemple, avant de contrôler les maisons de passe et les casinos afin d’exploiter leur inépuisable capital de moralité et leurs remarquables talents de croupiers. De quoi donner des vapeurs à la chaudière boursière. Jusqu’à ce que la pression fasse péter les boulons.

La recette du jour

Soufflé en cavalerie

On ne prête qu’aux riches, dit l’adage. C’est faux. On prête surtout à ceux qui sont à ce point endettés que leur déconfiture ruinerait les créanciers. Empruntez donc sans relâche et raflez sur les dark pools de gros paquets de titres. Le soufflé de vos participations enflera comme par magie. Priez alors pour qu’il ne retombe pas avant le service.

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