Le bouclier de Kafka

Le bouclier de Kafka

Ah ! Il fait jaser, notre bouclier fiscal. Pas seulement ceux qui, chez nous, ne sont pas en situation de profiter de ses bienfaits et qui préfèreraient un bouclier qui protégeât les retraites contre les termites de la réforme. Une sorte de bouclier fly tox. Il ne fait pas seulement pérorer le gouvernement, soudainement pris de doutes métaphysiques quant à l’opportunité de son maintien, alors que son principe a été gravé dans le marbre de la législature. Mais, bon : il serait souhaitable qu’un autre thème de dispute vienne supplanter celui qui excite présentement les populations. Car il y a peu de risques de voir les patrons du CAC 40 bloquer la sortie des raffineries de pétrole. Et de toute façon, nécessité faisant loi, il faudra bien se résoudre à améliorer les recettes de l’impôt sur le revenu en prenant l’argent là où il se trouve. Heureusement, l’ingéniosité des experts fiscaux devrait permettre d’atténuer la douleur des contribuables dorés sur tranche.

Dernière en date sur la liste des critiques du bouclier, la Commission européenne. Oh, pas pour en contester le principe : ce n’est pas le genre de la maison, qui défend plutôt l’imposition sur une base large et à taux modéré. Comme une TVA européenne, par exemple, qui viendrait améliorer son ordinaire. Non, la Commission pointe du doigt une scandaleuse inégalité de traitement dont l’horreur nous avait échappé : celle qui affecte les non-résidents tirant une partie de leurs revenus en France. Seuls les revenus de source française sont passibles du bouclier, bien entendu. Ainsi, ce dispositif peut-il « avoir pour conséquence d’influencer les choix d’investissement et donc contrevenir à la libre-circulation des capitaux » déclare Bruxelles, qui à ce titre somme Paris de « mettre fin à cette discrimination dans les deux mois ». Vous comprenez bien que le pékin français qui choisit de se domicilier dans la pampa belge, par exemple, afin d’échapper à l’ISF sur ses capitaux mobiliers et aux contributions sociales sur ses revenus, souffre terriblement de ne pas profiter du bouclier sur ses impôts payés en Belgique. En foi de quoi préfèrera-t-il investir en France afin que les revenus en résultant soient fiscalement anesthésiés. Pas ce ça, Lisette ! dit la Commission. Halte à la discrimination ! Le juridisme bureaucratique des technos de l’Union offre ainsi, sur un plateau, les arguments appropriés au gouvernement français pour initier la réforme fiscale qu’il projette : supprimer conjointement le bouclier et l’ISF. Certes, les Parlementaires ont récemment rejeté un amendement en ce sens. Mais au moment du vote, ils se sont massivement trompé de bouton. La faute au surmenage, sans doute.

La recette du jour

Camembert des îles

Vous avez choisi de résider aux Iles Caïman en vertu du principe de libre-circulation des hommes. C’est sympa et l’imposition y est aussi douce que le climat. Mais vous payez le camembert aux prix de la truffe. Saisissez la Commission européenne pour discrimination. Vous ne serez plus obligé d’aller prendre votre fromage au Ritz pour faire des économies.

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