Nous serons tous des (...)

Nous serons tous des Islandais

« La politique de la France ne se fait pas à la Corbeille » déclara en son temps le Président de Gaulle. C’était le 28 octobre 1966 : en pleine crise monétaire – déjà – et sous la déprime de la Bourse. Non que le Grand Charles eût une dent contre les financiers, mais leur sort particulier ne lui semblait pas être un sujet de préoccupation gouvernementale : « La Bourse en 1962 était exagérément bonne ; en 1966 elle est exagérément mauvaise ». Une année bonne et l’autre non, voilà tout, comme dans l’agriculture. C’était au temps où l’économie politique n’était pas encore devenue la science économique d’aujourd’hui, une discipline dont les équations disent exactement au gouvernement comment il doit bâtir son budget, de façon à « rassurer les marchés » qui vont le financer. Désormais, la politique ne se fait qu’à la Corbeille. Ce qu’avait parfaitement auguré Jacques Rueff, le premier conseiller économique du même de Gaulle : « C’est par les déficits que les hommes perdent leur liberté » répétait-il sans relâche. Des propos prophétiques.

Lorsque leur système bancaire a fait un collapsus, les Islandais ont refusé d’en assumer intégralement le coût et les créanciers se sont fait écorner. Depuis, on a préféré oublier pudiquement Reykjavik, qui est un mauvais exemple pour les débiteurs exsangues. Sauf lorsque la Grèce annonça ses difficultés : « la Grèce n’est pas l’Islande  », martelèrent les autorités européennes. Sous-entendu : elle est dans l’Union, elle va payer et on va l’y aider. Créditée d’une béquille, Athènes s’est relevée et boite gentiment vers une nouvelle rechute. Et puis l’Irlande, qui « n’est pas la Grèce », a dû subir une transfusion d’urgence. Les « marchés » restent toutefois réservés sur son état, si l’on en juge à leur réaction d’hier. Et le Portugal, qui « n’est pas l’Irlande », nous dit-on, commence à tousser, alors que l’Espagne – qui « n’est pas le Portugal », comme chacun sait – est prise de frissons. C’est le moment choisi par nos ministres de l’économie et du budget pour nous assurer que « la France n’est pas l’Irlande  ». On aura donc beaucoup appris en géographie. Mais pas en économie. Car tous ces pays présentent la même particularité : celle d’avoir plus de dettes qu’ils ne peuvent en rembourser. Nous finirons donc tous par être des… Islandais.

La recette du jour

Svioasulta à l’islandaise

L’islande étant promise çà devenir un modèle, il convient d’adopter sa gastronomie. Elevez des moutons. Pour rembourser vos créanciers, vendez la laine aux négociants français, la peau aux tanneurs italiens, les gigots aux consommateurs allemands et les bas-morceaux aux milliardaires irlandais. Faites bouillir les têtes pour confectionner le svioasulta, un pâté gras et gélatineux. C’est infect, mais on s’y habitue.

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