Plaidoyer pour le rutabag

Plaidoyer pour le rutabaga

Bon, d’accord : près de la moitié de la population française est affligée de surpoids ou d’obésité. La situation est moins préoccupante qu’en Amérique ou chez les lutteurs de sumo japonais. Mais le fait est acquis : nous sommes trop gros. Regardez-vous : il y a une chance sur deux que vous ayez une surface supérieure à la norme, sauf si vous êtes affligé de myopie. C’est ce que nous rappelle le tout récent rapport de l’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire. Qui publie une étude sur le sujet juste avant que le pays n’entame sa période traditionnelle de gueuletons à répétition et de libations interminables. Ce n’est pas pour autant qu’il faille biffer le foie d’oie de vos menus de réveillon et le remplacer par du foie de morue, ni prévoir une dinde en aggloméré de soja arrosée d’un jus de carottes primeur. Non, nos hygiénistes sont respectueux de la gastronomie française et soucieux de la dimension sociale et culturelle des agapes. En foi de quoi, pour nous mettre en appétit, ont-ils choisi de descendre en flammes… les régimes amaigrissants.

Oh, évidemment, pas celui que vous a conseillé votre médecin bienveillant (moins de gras, moins de sucre, moins de pinard, plus d’exercice), un régime qui ne vous a pas fait perdre beaucoup de poids, certes, mais qui vous a permis de conserver votre bonne humeur. En fait, l’Agence a plutôt expertisé les multiples régimes « miracle » du Gourou Machin ou du Docteur Chose, dont la popularité se répand comme une traînée de poudre, juste après les périodes d’agapes ordinaires ou juste avant les vacances sur la Riviera. Et là, c’est la cata : un grassouillet mal amaigri est un malade en devenir. Voire un obèse potentiel. De quoi faire réfléchir avant de s’imposer de douloureuses privations. Tout particulièrement visé est le régime dit de « la soupe aux choux », ce légume prolétarien dont on ne retrouvait plus le fumet que dans les loges de concierge des romans de Simenon, et qui vous démolit les tripes aussi efficacement qu’une purée de topinambours. C’est dommage. Grâce à ce régime fantaisiste, les producteurs de choux s’étaient refait la cerise. Ils vont probablement râler du mauvais coup qui leur est porté. A moins de se reconvertir dans la culture du rutabaga, cette racine pouilleuse qui apporte autant de calories que les précoces averses neigeuses du moment. Sans pouvoir justifier d’une quelconque expertise médicale, le signataire garantit qu’une cure de rutabagas vous transforme derechef un boute-en-train replet en bonnet de nuit décharné. C’est pas cher, et ça peut rapporter maigre.

La recette du jour

Chou de régime façon Anses

Faites blanchir rapidement une mince feuille de chou. Emplissez-la d’une farce faite de foie gras frais, de lard haché, de marrons étuvés au cognac et de cerises à l’eau de vie. Faites rissoler dans de la graisse d’oie et déglacez au sauternes. Vous ne maigrirez pas. Mais vous ne serez pas exposé à d’autres risques que l’hypercholestérolémie, le diabète et la cirrhose du foie.

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