Solécisme contre épanouiss

Solécisme contre épanouissement

« Les femmes occupent des emplois moins épanouissants que les hommes » titre aujourd’hui lemonde.fr, dans un raccourci grammaticalement sportif qui dévoie, en les dévoilant, les conclusions d’un rapport de l’Insee. Contrairement à ce qu’affirme l’accroche, rien ne prouve en effet que les femmes soient plus épanouies par les hommes que par leur emploi. Hélas pour tout le monde. Nos propres statistiques, les vôtres et celles du raton laveur, démontrent plutôt l’inverse : les femmes sont plus nombreuses à démissionner de leur mari que de leur travail. Il n’est en revanche pas improbable, mais non avéré, qu’en recrutant des femmes dans l’entreprise, les hommes songent d’abord à leur épanouissement personnel, en dépit d’une réglementation stricte qui interdit le harcèlement épanouissant sur le lieu de travail…

Ainsi donc, nous dit l’Insee, les salaires féminins sont plus faibles que ceux de leurs homologues mâles ; les responsabilités sont plus chichement attribuées aux femmes, lesquelles trouvent souvent leur travail « monotone ». Mais, nuance le rapport, « Elles dépassent moins souvent les horaires de travail habituels et amènent moins souvent du travail à la maison ». Et pour cause : un autre job les y attend. Il semblerait donc qu’en encourageant l’emploi des femmes afin de promouvoir l’égalité des sexes, la loi ait alourdi leur fardeau domestique bénévole par de l’ennui rémunéré. Les voies du progrès social sont impénétrables. Il faut toutefois tempérer la sévérité apparente du rapport de l’Insee. Le moindre épanouissement féminin au travail constitue une donnée relative. Il ne signifie nullement que les hommes, dans leur ensemble, s’éclatent au boulot. Qu’ils se sentent considérés et utiles, qu’ils y apprennent quelque chose. Il suffit de se remémorer les récentes cohortes de manifestants opposés à l’allongement de la carrière professionnelle. Alors que tous savent que le report de l’âge de la retraite est inéluctable. S’ils s’épanouissaient vraiment au travail, les salariés ne manifesteraient pas autant de hâte à le quitter. En foi de quoi devient-il urgent de corriger la syntaxe professionnelle de ses innombrables solécismes, qui sont autant d’obstacles à l’épanouissement – des femmes comme des hommes.

La recette du jour

Velouté à l’épanoui façon Insee

Vous n’avez ni le temps de cuisiner ni le goût des finasseries gastronomiques. Jetez dans une casserole ce qui vous passe sous la main, maintenez à petit bouillon avant de touiller au blender. Vos commensaux devraient tirer le nez devant votre velouté. Expliquez-leur que bien des affamés seraient épanouis avec ce brouet. Et priez pour qu’ils ne cassent pas la vaisselle.

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