Anaxagore is back

Anaxagore is back

Par esprit de solidarité, nous offrirons aujourd’hui une pensée émue à nos dirigeants, à nos banquiers centraux et aux directeurs de tous les machins missionnés pour sauver la planète. Car ils sont confrontés à un problème resté sans solution depuis qu’il a été posé par Anaxagore de Clazomènes – un Grec, notez-le bien : il s’agit de la quadrature du cercle. Qui au cas d’espèce s’énonce de la façon suivante : comment prêter l’argent que l’on n’a pas à un pays qui ne peut déjà pas rembourser celui qu’il doit ? Et qui, de toute évidence, ne le pourra pas davantage à l’avenir, quand bien même se serrerait-il la ceinture jusqu’au dernier cran. Pourquoi donc nos éminences s’obstinent-elles à vouloir traiter le surendettement d’un Etat en gavant ce dernier de nouveaux prêts ? Oui, vous avez raison, c’est complètement absurde. Mais la démarche est compréhensible : il s’agit de sauver les apparences. Oh, pas celles de la Grèce : elle n’a plus rien à sauver, même pas l’honneur. Mais ses créanciers, eux, ont beaucoup à perdre. En particulier le système bancaire, même si les établissements ont refinancé à la BCE une bonne partie du papier qu’ils ont acquis des Etats dans le besoin, alléchés par des taux d’enfer. Hier, les titres grecs à 2 ans affichaient un rendement supérieur à… 30% ! Ce qui signifie qu’ils se négocient à environ 5% de leur valeur nominale. Moins cher que le papier-toilette à Tokyo.

Ainsi donc, qu’il s’agisse de philosophie ou de finance, il n’est jamais prudent de négliger les prémisses. La crise en cours a été allumée par un monstrueux excès d’endettement, essentiellement privé, et pour une large part américain. Que l’on a prétendu résorber en transférant aux Etats le plus gros du fardeau, afin de maintenir l’illusion que les créances résiduelles demeuraient sincères. Mais on ne résout pas un problème en le changeant de nom. C’est ainsi qu’aujourd’hui apparaît au grand jour le résultat inévitable du bonneteau : les populations les plus exposées sont sommées de se sacrifier à l’irresponsabilité caractérisée des dirigeants. Un scénario qui ne suffira pas à provoquer le miracle d’un retour en grâce, en supposant que les Grecs, les Portugais, les Irlandais et d’autres à venir, acceptent le sacrifice – ce qui n’est pas garanti. Alors, direz-vous, pourquoi ne faut-il pas réaliser la seule chose qui s’impose : la restructuration de la dette grecque (pour commencer), c’est-à-dire l’annulation d’une partie de l’encours ? C’est le Ministre belge des Finances qui a lâché le morceau : « Faire payer les banques, c’est faire payer les épargnants qui ont leur argent dans ces banques » (La Tribune). Ah, bon, c’est comme ça que ça marche ? On croyait pourtant que les déposants n’étaient exposés que dans un seul cas : lorsque leur banque fait faillite. Merci, M. Didier Reynders, de nous avoir prévenu…

La recette du jour

Omelette à la grecque

Les temps sont difficiles et vous cherchez à résoudre un problème aussi épineux que celui d’Anaxagore : servir une omelette sans casser les œufs. Faute d’avoir trouvé la solution, les créanciers ont confisqué vos œufs, puis saisi vos poules. Envoyez tout le monde promener et servez-vous dans le champ du voisin : à qui on a pris son œuf peut voler un bœuf.

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