Ben et les 4 sorcières

Ben et les 4 sorcières

Sans doute vous rappelez-vous cette longue période de la vie financière mondiale, pendant laquelle Alan Greenspan occupa le trône de la Banque fédérale américaine. Il était sacrément folklo, le père Alan. Les commentateurs adoraient ses discours sans queue ni tête et essayaient de deviner le sens caché de ses apophtegmes de supermarché. En vain, bien entendu : Greenspan lui-même ne comprenait pas ce qu’il voulait dire. Mais en lecteur assidu de Boileau, il savait bien que ce qui se conçoit mal s’énonce obscurément. Pendant presque vingt ans, Alan fit n’importe quoi à la tête de la Fed, pour le plus grand bonheur de Wall Street et des joueurs de bonneteau, gavés de liquidités bon marché. Puis il passa le flambeau à son fils spirituel, Ben Bernanke, juste avant que la martingale de Ponzi ne s’abîme dans la crise des subprime. Se trouvait enfin validée une loi que les économistes contestent avec la dernière énergie : à force d’être dans l’erreur, on finit par avoir tort.

Ainsi, Ben suivit-il scrupuleusement la voie tracée par son mentor, en y ajoutant une bonne dose d’outrance personnelle. Avec succès : désormais, le système financier est complètement déglingué. Il suivit également, à l’origine, la méthode de communication d’Alan le gourou, faite de propositions sibyllines inspirées par une bouffée de hachich. Mais ce n’était pas son style : il est plutôt du genre techno scrogneugneu. En foi de quoi vient-il de revenir à la langue commune, en énonçant clairement ce qu’il ne conçoit pourtant pas mieux. Et dans un récent élan de franchise, il a douché les espérances des marchés, en annonçant que la fête allait bientôt cesser et qu’il allait retirer le bol de punch. Fin de l’ivresse spéculative sous le robinet de liquidités gratuites. On s’en doute, Wall Street n’aime pas que s’interrompe la nouba. Les autres places boursières non plus, qui ont dévissé hier avec un bel ensemble. Nul doute que les opérateurs new-yorkais ont passé une nuit agitée. Car les mauvaises nouvelles arrivent au mauvais moment : c’est aujourd’hui la journée dite des « 4 sorcières », échéance trimestrielle où se dénouent les innombrables contrats à terme et d’options, sur indices et sur actions. Une journée électrique. Il est certain que tous les spéculateurs de la planète auront aujourd’hui les yeux fixés sur la séance des Bourses américaines, avant de décider s’ils ont encore les moyens de partir en week-end.

La recette du jour

Chasse aux sorcières

Voilà longtemps que vous ne croyez plus au Père Noël ; vous ne croyez pas davantage aux pouvoirs surhumains des gouvernements, ni à l’inspiration divine des banquiers centraux. Votre scepticisme est sans doute raisonnable. Mais ne mettez pas dans le même sac les 4 sorcières : elles se réunissent aujourd’hui à New York. Et leur malveillance n’est pas une fable.

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