Boileau et le twit

Boileau et le twit

Allez donc savoir pourquoi on a, dès potron-minet, cet antique slogan publicitaire dans la tête : « mini-Mir, mini-prix, mais il fait le maximum ». A l’époque, tout le monde savait que le mini en question était un produit détergent, même ceux n’ayant jamais compromis leur amour-propre dans un bac à vaisselle. Vous l’aurez compris, c’est l’introduction en Bourse de Twitter qui suscite le rapprochement. Chacun sait aujourd’hui que le twit est un mini-message supposé dire le maximum. La traduction littérale de l’américain est « reproche », ce qui donne déjà une idée de l’état d’esprit des twittophiles, encouragés à éructer en peu de mots ; la langue de Shakespeare lui donne le sens de « crétin », ce qui parfait le tableau : le vrai twit est ainsi un concentré de récrimination imbécile. Dès lors, pour qu’un twit fasse le buzz et génère de multiples followers – la consécration de son rédacteur –, il faut et il suffit que le message soit une insulte bien grasse, émanant de préférence d’une personnalité notoire et visant de préférence une autre éminence. C’est drôlement intéressant, tout ça. Pourtant, le concept n’est pas nouveau. On doit son invention à Boileau : « J’appelle un chat un chat et Rollet un fripon ». Tout juste les 140 signes réglementaires. Mais une élégance dans l’invective que les copieurs ont apparemment de la peine à imiter.

Le mini-message vaut un max. Proposée aux prix de 26$, l’action Twitter a clôturé hier à 46$, valorisant ainsi la société à presque 25 milliards. Il est vrai que l’on n’a plus grand chose aujourd’hui pour 25 milliards, vu que le moindre PV pour « mauvaise conduite » coûte déjà aux banques la moitié de cette somme. Mais tout de même : l’affaire capitalise près de 40 fois le chiffre d’affaires attendu sur l’exercice, et environ 150 fois les… pertes prévisibles. Voilà qui nous rappelle le bon vieux temps des dot.com ; la folie des réseaux sociaux a supplanté celle des new tech. A moins que lesdits réseaux ne finissent par capturer l’intégralité des budgets publicitaires de la planète, et donc par dynamiter ce qui reste de la presse traditionnelle – papier et numérique. L’actu en twits, enrobés de pubs des lessiviers, tel semble être l’avenir des supports d’information. Voilà qui devrait achever de récurer ce qui reste d’esprit critique dans l’opinion publique. Et valider cette prophétie : le prochain succès boursier sera celui de la firme qui osera implanter une puce publicitaire dans le cerveau du pékin. Avec un SAV capable d’assurer son remplacement. Le remplacement du cerveau, s’entend.

La recette du jour

Mini-langue faisant le maximum

Vous êtes résolument épris de modernisme et à ce titre soucieux d’anticiper les grandes tendances. En conséquence, préparez-vous à l’avenue du minimalisme communicationnel. Commencez par l’échange exclusif de twits, c’est un bon début. Puis apprenez le langage des mones de Campbell – des singes cercopithèques africains : ils parviennent à communiquer avec une gamme limitée à six cris. C’est génial.

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